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Kestufras quand tu sras grand ? (Moi je veux être président)

Si l’on cause littérature, et quoi de mieux au monde que causer littérature, je ne suis pas assez snob pour négliger Amélie Nothomb. Je m’en trouve fort aise puisque je prends souvent grand plaisir à lire ses livres, comme ici, ou (voir Jour 80).

Je viens d’en découvrir un formidable avec seulement 30 ans de retard, Le sabotage amoureux (son opus 2, en 1993), qui me conforte dans mes penchants : je préfère de loin sa veine autobiographique à sa veine romanesque. Sa propre vie réinventée m’enchante, tandis que je baille devant ses personnages imaginaires aux patronymes invraisemblables, dont la fantaisie fabriquée n’arrive jamais à la cheville de celle, authentique, de leur autrice.

Le sabotage amoureux raconte la deuxième enfance d’Amélie, en Chine, de 5 à 7 ans – sa première enfance, avant l’âge mûr de 5 ans, ayant été japonaise, comme chacun sait. Récit virevoltant, drôle, intelligent, débordant de la joie du mot d’autant plus étonnant qu’il est juste, érudit mais dont l’érudition n’est jamais autre chose qu’un carburant pour l’imagination (1)… Avant tout, beau livre sur l’enfance, qui énonce pour la première fois semble-t-il une idée appelée à devenir récurrente chez elle : les adultes sont des enfants déchus. L’irrémédiable déclin commence vers 14 ans.

Or j’avais une idée derrière la tête. Je préparais un atelier d’écriture sur le thème des souvenirs d’enfance (cf. l’interviou du Dauphiné Libéré ci-dessous) et je compilais soigneusement des citations susceptibles de nous inspirer. J’avais déjà du Peter Handke (« Quand l’enfant était enfant, il marchait les bras ballants, il voulait que le ruisseau soit rivière » cf. Les Ailes du désir) ; du Riad Sattouf (« En 1980, j’avais deux ans et j’étais un homme parfait« ) ; du Eugène Delacroix (« Je me souviens que quand j’étais enfant, j’étais un monstre« ) ; du Shakespeare (la chanson du bouffon, When that I was and a little tiny boy…) ; et même, une fois n’est pas coutume, quelques mystérieux versets de la Bible (Première épître aux Corinthiens, chap. 13-14 : « Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant (…) Frères, pour la raison, ne soyez pas des enfants. Mais pour le mal, oui, soyez des enfants. ») ; etc.

Je sentais bien qu’il me manquait du Nothomb. Je suis allé à la pêche dans le Sabotage. Je n’ai pas été déçu. Une perle p.54 :

Nous, nous avions un sens si aigu des valeurs humaines que ne parlions quasi jamais des plus de quinze ans. Ils appartenaient à un monde parallèle, avec lequel nous vivions en bonne intelligence puisque nous ne nous croisions pas.
Nous n’abordions pas non plus l’inepte question de notre avenir (…) Quand on me posait la fameuse question : « Qu’est-ce que tu feras quand tu seras grande ? » je répondais invariablement que je ferais Prix Nobel de médecine ou martyre, ou les deux à la fois (…), cette réponse pré-machée me servait à évacuer au plus pressé ce sujet absurde. (…) Peut-être parce qu’instinctivement, nous avions tous trouvé la seule vraie réponse : « Quand je serai grand, je penserai à quand j’étais petit. »

Me voilà refait, merci Amélie. Mais soudain je tombe aussi, p. 72, sur :

Qui diable était ce petit ridicule ? Je ne le connaissais pas.
J’enquêtai.
Il s’appelait Fabrice. Je n’avais jamais entendu ce prénom et je décrétai d’emblée qu’il n’y avait pas plus ridicule. Par un surcroît de ridicule, il avait de longs cheveux. C’était un ridicule extrêmement ridicule.

Allez, sans rancune…

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(1) – Exemple de l’utilisation ludique de sa culture : elle glisse, l’air de rien, p. 73, une citation merveilleuse de Stendhal, « Mon Dieu, si vous existez, ayez pitié de mon âme, si j’en ai une. » J’adore et je m’empresserais d’ajouter cette phrase dans la section Mon crédo du présent blog… si seulement j’étais sûr de son authenticité. Or je ne réussis pas à en élucider la source exacte, référencée et circonstanciée. Par conséquent, tant qu’un stendhalien assermenté (s’il y en a dans la salle…) ne m’aura pas donné confirmation, je présumerai que la Nothomb a inventé cette citation. L’en croire capable est lui faire crédit.

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