Allez allez ô jeunes filles cueillir des bleuets dans les blés
Le bleuet des champs ou centaurée contient des antioxydants réputés ralentir le processus de vieillissement. L’on utilise, depuis les temps immémoriaux dits Temps de bonne femme, l’eau de bleuet pour adoucir les peaux irritées, décongestionner les yeux cernés, apaiser les corps meurtris, réconforter les existences en général. La centaurée (Centaurea cyanus) doit son nom au sage Chiron, précurseur à six membres de la pharmacopée, qui soigna les blessures d’Achille grâce à une décoction de bleuets.
En sus de si considérables vertus, le bleuet est le totem de la librairie la plus stupéfiante de France.
« Le Bleuet » avec un B majuscule qui est la moindre des choses a été fondé en 1990 par Joël Gattefossé, au milieu de nulle part, soit à Banon, village de moins de 1000 habitants des Alpes de haute Provence. Déjà, ouvrir une librairie ! De quoi faire pouffer n’importe quel banquier un tant soit peu sérieux. Mais à la cambrousse, en plus ! Or, visionnaire ou mégalomane, en tout état de cause libraire forcené et bosseur extravagant, l’énergumène Gattefossé voit les choses en grand, et petit à petit fait de son échoppe une des plus importantes librairies indépendantes de France, la septième en chiffres d’affaire, 13 salariés (soit 8% de la population du village), 110 000 titres disponibles (soit un choix de 110 titres pour chacun des habitants), un stock de 200 000 volumes (soit 200 par habitant), 500 ventes quotidiennes (soit 1/2 livre par habitant et par jour – bon, j’arrête la blague, il est évident que sa clientèle n’est pas autochtone).
Il ne compte pas s’en tenir là : pour passer aux choses sérieuses, il a entrepris des travaux pharaoniques (première tranche en 2012, un hangar de 1700 m3 bâti à portée de main dans la vallée) afin d’atteindre le stock du million de volumes. Ambition : devenir en 2015 la première librairie de France en fonds littéraire – vous cherchez un livre ? s’il existe, le Bleuet l’a. Il s’attaquera ensuite quand il aura cinq minutes à la vente en ligne, ouvre cet automne son site internet, escomptant fissurer la situation de quasi-monopole d’Amazon, pas moins. Ce type est fou.
Je vous en cause parce que l’histoire est édifiante, un fou qui délire pour la bonne cause étant un bon fou, et une utopie qui fonctionne réchauffant toujours le coeur, mais aussi parce que les livres du Fond du tiroir sont introuvables en librairie. Sauf à Banon, capitale de la littérature française, 1000 âmes. J’ai rencontré le Bleuet et son patron à Montfroc, sur le salon du livre bio, et je leur ai abandonné mes petits produits artisanaux. C’est ainsi que, même pendant les congés d’été, la centaurée veille sur la bibliodiversité. Et décongestionne les yeux cernés.
oeuvrer à l’indépendance , vouloir briser le monopole est honorable mais surabondance et « gigantisme » me laisse perplexe … viser indépendance avec l’idée d’atteindre le stock du million de volumes m’apparait étrange.. Le Livre mérite mieux qu’une idée commerciale…
Banon connaît effervescence supplémentaire avec Le Bleuet et c’est bien (je suis originaire de la région) mais cela contribue-t-il à ce que les gens lisent plus, mieux, autrement, … bref je n’entrevois pas si la « nourriture » est meilleure ou pas dans cette initiative …
Grazie Mille pour Lonesome Georges *