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Chat casher, chat halal

Chambéry, rue Croix d’Or, dimanche 13 octobre 2024 – Photo Laurence Menu

« Même les végétariennes peuvent manger de la chatte. »

Ce slogan m’a fait éclater de rire lorsque je l’ai lu hier sur une pancarte, au-dessus de la tête d’une jeune fille qui défilait fièrement et c’est le cas de le dire.
De passage à Chambéry, je me suis trouvé, sans l’avoir cherché, dans la même rue que la Gay Pride.
Comme j’aime partout la Gay Pride, qui est à la fois une bonne cause et un événement théâtral, joyeux et excentrique, un carnaval plus sympathique que celui d’Halloween, je me suis calé sur le trottoir et sourire aux lèvres j’ai regardé passer le trémoussant cortège. Je me suis trémoussé avec lui.
Et puis soudain j’ai interrompu trémoussement et sourire.
J’ai tendu l’oreille vers des mots scandés un peu plus loin et s’approchant pas à pas au son du tambour : « Soli ! Soli ! Solidarité ! »
Jusque là rien à redire, puisque je me sens parfaitement solidaire avec les LGBT-etc. ainsi qu’avec quiconque réclame qu’on lui foute la paix. Je suis pour qu’on foute la paix aux gens, en général.
Sauf qu’une fois les scandeurs parvenus à mon niveau, j’ai entendu leur revendication jusqu’au bout : « Solidarité avec les Palestiniens ! »
Et j’ai tiqué comme d’une fausse note dans le concert. Cette convergence des luttes m’a semblé suspecte, et ce mot d’ordre beaucoup plus problématique qu’un appel à bouffer la chatte d’une végétarienne. Incongru, par exemple, comme un slogan anti-trump dans une manif anti-nucléaire.
(J’ai surtout l’impression que dans une manif anti-trump comme dans une manif anti-nucléaire, ou une manif anti-séquestration de Paul Watson, anti-disparition des abeilles, anti-limitation de la vitesse sur le périph, anti-nuisances sonores après 22h etc., on trouverait quelqu’un pour scander « Solidarité avec les Palestiniens ! »)

Entendons-nous.
Bien sûr que je suis solidaire avec les Palestiniens et je n’avais pas besoin de la Gay Pride pour le savoir (je ne vais pas me dédire : je viens d’affirmer que je me sentais solidaire avec quiconque réclamait qu’on lui foutât la paix)… Bien sûr que ce qui se passe à Gaza est un cauchemar absolu (quiconque devrait pour s’informer visionner le film Gaza depuis le 7 octobre d’Aymeric Caron, en accès libre chez les Mutins de Pangée)… Bien sûr que Netanyahou est un criminel de guerre et un fou dangereux… Mais quel rapport entre le martyre palestinien et le combat pour la reconnaissance des droits des LGBT ?
Sauf bien sûr si le sens implicite de ce louche slogan était : « Solidarité avec les gays, lesbiennes et trans persécutés et assassinés par le Hamas »… mais je crains que non, pas du tout, ce n’était pas là où ils voulaient en venir. Le sens du slogan était plus basique et mieux partagé : « les Palestiniens sont des braves gens, les Israéliens sont des salauds et peut-être même des Juifs » .

Je sais qu’existent des mouvements nommés « Queers for Palestine » ou « LGBT+ avec les Palestiniens » (groupuscules battus en brèche par d’autres associations LGBT qui les comparent à des dindes qui seraient à fond pour Noël, autre métaphore pas spécialement vegan-friendly – ce sont là des guerres internes, bon courage à vous les gars et les filles) mais pour ma part, vu depuis mon coin de trottoir d’hétéro, ce que j’y entrevois c’est seulement du parasitisme (une lutte profitant d’une brèche pour s’engouffrer dans une autre), de l’entrisme, de la manipulation de militants de bonne foi réduits au rôle d’« Idiots utiles », en fin de compte de la pure confusion, qui n’aidera aucune des deux causes. Peut-être même la confusion, la métonymie de toute la confusion de notre temps.

Pour rappel : le Hamas prône une inflexible sévérité envers l’homosexualité, pour lui « une déviance et une décadence morale », et certains gays palestiniens en viennent à fuir leur terre afin de trouver refuge en Israël (cf. cette affaire sordide de 2022).

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