Là où les gens chantent
Le jour où les trois mots « Villeneuve de Grenoble » n’appelleront plus le commentaire « Ah oui, je vois, c’est là où les voitures brûlent » mais plutôt « Ah oui, je vois, c’est là où les gens chantent », le genre humain aura fait un tout petit pas vers la sagesse. C’est ça, ouais, d’ailleurs ce jour-là il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours, et nous, nous serons morts, mon frère.
Il se trouve qu’à titre personnel, à la Villeneuve, je connais davantage de gens qui chantent que de voitures qui brûlent. Et même que je chante avec eux, parfois. Quelques unes de ces chansons ont été enregistrées sur un bel album à paraître en juin, sur lequel j’ai contribué en donnant de la voix sur les choeurs, aussi en lisant quelques textes écrits par d’autres, enfin en écrivant une sorte de préface à l’objet, ci-dessous.
L’album paraîtra au mois de juin. Il est à craôdfâoun’der sur Ulule tout-de-suite-maintenant. À l’attention des plus fortunés, notons que l’option deluxe prévoit un concert dans votre salon. Oui, j’y serai. Quand faut y aller.
À la circulaire
Que faire ? La question est toujours la même. La réponse, selon les temps, selon les gens, selon les confinements, prend les formes les plus diverses. Sinon on s’ennuie.
Que faire pendant le premier confinement (printemps 2020) ? « À la verticale » : un immeuble qui chante. Imagine, un calendrier de l’avent grand comme une façade, dont toutes les fenêtres s’ouvrent en même temps et à heure fixe pour laisser échapper quelques chansons.
Que faire pendant le deuxième confinement (automne 2020) ? « À l’horizontale » : un livre. Imagine, couchées sur papier, ces belles paroles, ces belles musiques, ces belles images, ces belle âmes. Le tirage s’arrache comme une fournée de petits pains.
Que faire pendant le troisième confinement (printemps 2021) ? « À la circulaire » ! Oh oui, quelle bonne idée, faisons un disque ! Qui tourne rond ! C’est notre « tournée » !
Les idées longues, les idées larges, les idées rondes, c’est de Marie Mazille et Adeline Guéret qu’elles fusent, depuis le 170, galerie de l’Arlequin, Villeneuve, Grenoble. Nous autres, on court derrière, on tâche d’être à la hauteur (et à la largeur, et à la rondeur), parfois on s’essouffle, surtout qu’en même temps on rigole. Oui, c’est vrai, on rigole beaucoup. Au moins cette réponse-ci est constante face à la question éternelle. Que faire ? Rigoler, pardi.
Mais pas tout le temps. Attention, tout ne prête pas à rire. Quand Marie me dit : « Viens chanter avec moi, on enregistre des chœurs sur La Paysanne !», je dis oui d’accord et j’arrive, comme d’habitude, mais une fois en studio, casque sur les oreilles, j’arrête de rire. Formidable découverte, cette Paysanne. Hymne national alternatif, bien moins con(nu) que la Marseillaise, écrit par Gaston Couté (1880-1911), composé par Gérard Pierron. Je l’ai chanté avec Marie, presque solennellement je l’avoue, et j’en ai frémi. Quelle modernité, quelle sagesse, quelle puissance politique, quelle leçon ! Écoute le couplet sur les filles-mères, il parle de tolérance et de #metoo ! Écoute celui sur les religions, ces dieux féroces et maudits ! Écoute celui sur le Capital qui ne fait germer que la misère ! En ce qui me concerne, la Paysanne réussirait presque à remplir sa mission d’hymne national, me rendre fier d’être français.
Que faire ? Rêver les hymnes alternatifs. Les alternatives, tout court.
Que faire ? Se tenir droit, la main sur le cœur, et chanter. C’est important, se tenir droit. « À la verticale ». Retour au début. Normal : un disque, c’est rond.
Fabrice Vigne, 28 mars 2021
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