Vogel (en allemand ça veut dire oiseau)
« Darei l’intera Montedison
Per una lucciola. »
Pier Paolo Pasolini
J’ai la joie et la fierté de porter à votre attention un beau geste, un fiévreux travail collectif auquel j’ai prêté la main. Une chanson engagée. Écologiste évidemment, dans quoi d’autre s’engager de nos jours. Ça s’appelle presque Vogel sauf que c’est une chanson française, pas allemande, donc ça s’appelle Vos gueules.
L’initiative en incombe à Norbert Pignol, qui m’a dit un beau jour : Voilà la musique, voilà le sujet, tu me fais un texte ? Oui d’accord je fais. Pour autant je ne considère pas que c’est un travail de commande, je revendique tout à 100% voire davantage et c’est pour ça : joie et fierté.
Je ne m’étendrai pas, ce serait inconvenant, sur le boulot que ce poème chanté m’a réclamé, mais en gros il me faut autant de ratures pour cinq couplets et cinq refrains que pour cinquante pages de prose. Renfermer autant de sens et d’émotion qu’il est possible dans quelques pieds consiste à compresser de façon tellurique une veine colossale de charbon pour découvrir et dépoussiérer un infime diamant. Je ne suis pas mécontent de quelques vers – tiens, voilà un octosyllabe qui a de la (vos) gueule (s) : L’économie est un linceul.
Ci-dessous la description publiée sur Youtube, et les paroles.
Vos gueules est une œuvre collective créée sans un rond en juin et juillet 2019 en réponse à l’urgence climatique et à l’immobilisme, inconscient ou criminel, des pouvoirs publics.
Vos gueules est un cri de rage tout ce qu’il y a de calme, une décharge punk on ne peut plus douce, une éructation qui vous caresse le creux de l’oreille, une beauté mais pas commode, une lady malpolie.
Vos gueules est le fruit de la collaboration de quatre artistes, Leïla Badri, Norbert Pignol, Fabrice Vigne, Nicolas Coulon, qui vivent dans le même monde que les autres, tous les autres, même ceux du G7, puisque nous n’en avons qu’un sous les pieds.
Vos gueules est né à la suite d’une indignation et d’un entrefilet titré Gattaz d’Échappement dans le Canard Enchaîné du 26 septembre 2018, que pour mémoire on peut relire d’un clic.
Vos gueules est un hymne lâché en plein air pratiquement un an après le déclic, le 20 septembre 2019, jour de la Grève Mondiale pour le Climat.
Vos gueules est une brutale injonction, une énergique invitation à la fermer au lieu de dire des conneries. Mais quel en est au juste le destinataire ? Vos gueules qui ? Vos gueules les robinets d’eau tiède (car l’eau est empoisonnée), les pompeurs d’air (car l’air est vicié) et les distributeurs de langue de bois (car le bois se consume, en Amazonie ou ailleurs).
Vos gueules les (ir-)responsables politiques décrédibilisés, les communicants d’entreprises véreux, les médias asservis aux publicitaires, qui tous tiennent le même discours écrit dans les mêmes lobbys. Vos gueules les dévots de la Sainte Croissance à l’heure où décroît la Nature elle-même.
Vos gueules est une chanson écrite, réalisée et clipée entre deux canicules….
Leïla Badri : voix
Norbert Pignol : composition, accordéon, mixage
Fabrice Vigne : texte
Nicolas Coulon : clip
Remerciements : Loïc Lefebvre, Sebastien Pintus, Alexandre Mignotte, BoHoC-Prod., MusTraDem, Le Fond du Tiroir.
PAROLES
I
Tiens, une abeille est morte sur le chemin
N’était pas assez forte, une de moins
On n’arrête pas le progrès
Vois, une abeille est morte sur le talus
Un vent mauvais l’emporte, une de plus
Hécatombe dans les près
Une ruche un essaim une colonie
La nature s’évanouit
Et pourquoi ? Pour qui ?
L’économie est un linceul
– ceul
Le rendement est excellent
Pesticid’ génocid’ dernier bilan
La croissance, l’élan
Comment vous fair’ fermer vos gueules
II
La nouvelle est tombée dans les journaux
La terre est polluée et l’air et l’eau
Moi-même je m’sens un peu patraque
Mes poumons asphyxiés mon cœur ma peau
Ces poisons dans mon nez dans mon cerveau
Je crois que tout se détraque
Heureusement d’un clic adieu les soucis
Je change de rubriqu’ je lis
Page économie
Les bonnes nouvelles, ici les seules
– seules
Fusions acquisitions la bourse avance
Profits et jetons de présence
Bon pour la finance
Comment vous fair’ fermer vos gueules
III
Hier c’était l’amiante ou le tabac
L’important c’est la vente pas le débat
La vérité nuit au commerce
Aujourd’hui le diésel le nucléaire
La joie du matériel et son enfer
Les jolis mensonges nous bercent
Ils ont tant changé de noms au fil des âges
« Communication », « décervelage » « Éléments d’langage »
Publicité slogans jingle
– gle
Et dans ses mille bouches tourne la langu’ de bois
Propagande sans foi ni loi
Tu comprends pourquoi
Je rêve de leur péter la gueule
IV
Tiens une espèce est morte, une de moins
Éléphant lion cloporte, moineau dauphin
Tombe la sixième extinction
Vois, une espèce est morte, une de plus
Toi, comment tu te portes ? Pas pris, pas vu
Prédateur ultime attention
Les affaires continuent jusqu’au dernier jour
Air climatisé dans la tour
En bas au secours
Chacun pour soi ça meurt ça gueule
– gueule
Valeur en hausse vos bénéfices nets
Valeur en berne la planète
Je tir’ la sonnette
Avant qu’ça nous pète à la
Gueule
V
Double intox par un double canal
Fumée qu’on inhale
Et sornettes dans le mental
Bouillie fatale
On mâche on avale on dég…
Brûl’ la terre, fond la glace
Pendant que vous recomptez vos liasses
Mais peut-êtr’ qu’avant que tout casse
On ira sur place
Et on vous fermera vos…
Mais peut-êtr’ qu’avant que tout se casse
On ira sur place
Peut-être qu’alors ce jour-là
Peut-être qu’une bonne fois on vous les fermera
vos…
Gueules
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