Je remonte mon groupe
Le portrait ci-dessus, signé Denis Rouvre, me fait peur. Tout porte à croire que la personne représentée est Fabrice Vigne. Disons que je le sais. Je ne le sens pas. Je me reconnais à peine. Mais qui se reconnaît, qui d’abord se connaît ? L’image n’est pas la réalité, pourtant elle est réelle. Contrairement à ce que prétendent certaines images pour nous égarer, ceci est bien une pipe, ceci est bien une pomme, ceci est bien Fabrice Vigne. La vache.
Forte expérience, passer entre les mains d’un photographe de cette trempe. Quelqu’un soudain vous regarde vraiment, et en sus est capable de montrer comment il vous regarde. J’ai eu la chance de faire partie de l’échantillon de Français dont Denis Rouvre a tiré le portrait en même temps qu’il leur demandait : ça vous fait quoi, ça veut dire quoi pour vous être français, la francitude s’inscrivait sur nos traits et sous le flash, pour un projet intitulé Des Français, Identités et territoires de l’intime. Le projet désormais achevé prend simultanément la forme d’un livre aux éditions Somogy, et d’une exposition visible en ce moment et jusqu’au 21 septembre dans le cadre des Rencontres photographiques d’Arles. L’expo est également déclinée sous la forme d’un film de 35 minutes visible sur le site de Denis Rouvre, au long duquel défilent nos trognes et nos voix.
Les images et les textes y sont saisissants, beaux d’une part, essentiels d’autre part en tant que contribution plurielle et paradoxale au débat le plus moisi de la décennie, celui sur l’identité française. (Le climat social actuel, qui rend possibles divers surgissements de violence identitaire, incite à suspecter qu’un débat sur l’identité n’est pas autre chose qu’une rationalisation du repli identitaire. On sait depuis longtemps, on sait pour rien, on sait sans solution, que identitaire c’est eux, et que l’identité est une panthère féroce et avide de sang.)
Me v’là d’vant vous là, dans mon vieux cuir, mes plis, mes tempes grises. Ne dirait-on pas une rock star sur le retour, rejouant le défi et promouvant l’énième tournée d’adieu de son groupe.
Tiens, puisqu’on parle de Mick Jagger.
Mick Jagger m’a bien fait rire en se prêtant à une promotion à rebours pour la reformation sur scène des Monty Python. Il déclare, pince-sans-rire, « Les Monty Python ? Ils sont encore là ? Oh, non… Qui a envie de payer une fortune pour voir cette bande de vieillards fripés qui ne cherchent qu’à se faire un max de blé et revivre leur jeunesse… D’accord, ils étaient cool dans les années 60, mais là, à rabâcher encore une fois leurs vieux numéros que tout le monde a déjà vus sur Youtube, c’est pas seulement du réchauffé, c’est limite ringard. De toute façon, le meilleur de leur bande est mort il y a des années. » Il enchaîne distraitement en donnant à son assistant la playlist du prochain concert des Stones, Satisfaction, Let’s spend the night together…
Mesdames et messieurs, j’ai l’honneur et l’immense joie de profiter de cette conférence de presse pour vous annoncer que moi aussi je reforme mon groupe pour une tournée d’adieu. Le prochain livre du Fond du tiroir sortira cet hiver, en pleine saison du loup, et pour l’occasion j’ai reconstitué le duo originel du FdT canal historique : le sémillant mais désormais bourdonnant Patrick Villecourt, factotum éternel, compositeur des sept premiers titres figurant au catalogue, a accepté de reprendre du service en compagnie de moi-même-dans-mon-vieux-cuir. Les affaires comme on dit reprennent. On laisse passer l’été et on en recause.
Sacré portrait ! J’aimerais pas trop croiser ce type un soir dans la rue sombre d’un quartier malfamé. Il a tout du serial-killer psychopathe !
Franck n’a pas bien saisi : c’est l’affiche de « Fais-moi peur », saison 4.
Pas du tout. La saison 4 s’affichait ainsi.
Pour la saison 5, je dis pas.
Le Paul Auster français, j’dis ça, j’dis rien…