Mais j’ai eu un remords : mon rébus ne respectait point l’alexandrin originel, amputé d’un pied. Comme je ne saurais souffrir qu’on me reprochât un manque de respect envers l’alexandrin, j’ai rapidement revu ma copie. Voici la version 2, format paysage, pour changer :
Vient l’heure de la solution. Version 1 (fautive, au temps pour moi) : Lac Riz Ticket Thésée Mail Hardy [Oliver] Fissile. Version 2 (respectant l’alexandrin originel) : Lac Riz Ticket Thésée Mail-art Eddy [Constantine] Fissile. Cette célébrissime citation est extraite de la comédie Le Glorieux de Philippe Néricault Destouches (1709). Voici l’extrait intégral, que j’ai été tenté de traduire in extenso sous forme de rébus (comme Philippe Vuillemin fit avec La Recherche du temps perdu) avant de me souvenir brusquement que j’avais autre chose à faire :
ISABELLE, à Philinte : Qu’y désapprouvez-vous ? Les vers ou la musique PHILINTE : Je sais peu de musique et fais de méchants vers, Ainsi j’en pourrais bien juger tout de travers. Et d’ailleurs j’avouerai qu’au plus mauvais ouvrage Bien souvent, malgré moi, je donne mon suffrage. Un auteur, quel qu’il soit, me paraît mériter Qu’aux efforts qu’il a faits on daigne se prêter. LISETTE : Mais on dit qu’aux auteurs la critique est utile. PHILINTE : La critique est aisée et l’art est difficile. C’est là ce qui produit ce peuple de censeurs, Et ce qui rétrécit les talents des auteurs.
Prochain stage de création de chansons assuré (et faut voir comment) par Marie Mazille & Fabrice Vigne : les 22-23 mars 2025, à Solexine, Grenoble. Comme l’échéance est dans 15 jours, il est grand temps de relever le compteur : restent non pas mille non pas cent non pas dix places vacantes, mais DEUX. Figurez-vous qu’on ne vend pas ces deux ultimes aux enchères, elles restent au même tarif dérisoire que les autres : 160 euros le week-end. Merci à Véronique Stouls qui nous a concocté l’attrayant support de com ci-dessus. Les autres détails à retrouver au Fond du Tiroir.
J’annonce les tarifs de notre stage et brusquement je découvre le dernier trumpisme à la con : le fou dangereux orange et blond vient de déclarer “tariff is the most beautiful word in the dictionary”. Comme je refuse d’avoir quoi que ce soit en commun avec ce type (à part à la rigueur les organes de base équipant un être humain), et certainement pas un mot fétiche, je m’indigne, m’ulcère et objecte qu’il existe des centaines de milliers de mots plus beaux que tarif. Figurine. Ombilical. Geyser. Confidentiel. Projectile. Relief. Graminée. Couleuvre. Iceberg. Chenil. Bronches. Kangourou. Agrafe. Collision. Marguerite. Pécamineux. Crocus. Tremblement. Acrobatie. Lénifiant. Et combien d’autres. Je me demande si tous les mots du dictionnaire ne seraient pas sensiblement plus beaux que Tarif.
Bref, pour jouer avec plein de jolis mots, rendez-vous le 22 mars. Is there Life on Mars ? Ben oui ! (Message subliminal : vive David Bowie, à bas Elon Musk.)
Un petit jeu, en avant première.
Comme nous avons systématiquement un bon taux de redoublants (triplants quadruplants ad lib.) Marie et moi tâchons de renouveler en permanence le répertoire d’exercices que nous confions à nos stagiaires. En voici un inédit, que nous venons d’inventer. Nous avons choisi une chanson très inconnue d’un chansonnier très connu (je n’en dirai pas davantage), et en avons prélevé tous les mots clefs : Pluie, Venir, Nuages, Mon gars, Avancer, Croche-patte, Chemin, Long, Main, Chanter, Copains, Girouette.
Il vous reste à écrire une chanson nouvelle en incluant ces mots-là. Dernière étape : comparer le résultat avec l’original peut s’avérer amusant. Si vous n’êtes pas présent avec nous ce week-end (tant pis pour vous) vous avez le droit de jouer chez vous.
Comme il est tout-à-fait inconvenant et contraire à l’éthique de donner une consigne qu’on n’a pas au préalable suivie soi-même, je me plie illico à l’exercice. J’écris ceci, en quintils monorimes, anaphores et alexandrins (je le précise pour qui serait déjà versé dans le vocabulaire technique) :
Le nuage est si grand que le ciel est caché Le nuage est si long qu’on ne peut l’empêcher Le nuage est si bas qu’on pourrait le toucher Le nuage est si lourd… et la pluie est lâchée Sous le ciel océan, mon gars, il faut marcher !
Chaque goutte te frappe jusqu’à t’écorcher Chaque goutte te vise à la main d’un archer Chaque goutte te cogne en caillou en rocher Chaque goutte léchée crachée torchée douchée Sous le ciel océan, mon gars, il faut marcher !
Horizon renversé, girouette perchée Horizon sans chemin sans plafond ni plancher Horizon sans chanter sans copain sans clocher Horizon croche-patte à travers la drachée Sous le ciel océan, mon gars, il faut marcher !
Un jour viendra peut-être un jour sans trébucher Un jour viendra et un toit pour te retrancher Un jour viendra et un abri pour te sécher En attentant ce jour, avance sans flancher. Sous le ciel océan, mon gars, il faut marcher !
Aujourd’hui avec ma camarade Marie Mazille : journée de travail un peu pleine. Six ateliers d’écriture de chansons dans les six classes d’une école élémentaire = six chansons créées. Le rythme est trop stakhanoviste à mon goût et au crépuscule quelques-uns de mes neurones ont fondu, mais peu importe, comme toujours lorsqu’il s’agit de création, seul le résultat compte. Le résultat cogne dur. Le thème général imposé était le tour du monde et les droits des enfants. La dernière classe de la journée, un CM2, a choisi de travailler sur la Chine… Comme j’objectais que la Chine était un trop grand pays pour être traité en une seule fois et qu’il faudrait cibler davantage le propos, au fil de la conversation le thème de la chanson s’est précisé, s’est même radicalisé. Nous en avons fait un petit tract anti-capitalisme et anti-globalisation. Hé ben dis donc ! Ils sont bien, ces petits. Vive l’avenir, finalement.
THÉO ET TAO
Tu t’appelles Tao T’as pas eu de pot Douze ans, à l’usine Tu es né en Chine Travaille dans le noir Du matin au soir Fabriquer t-shirt Fabriquer t-shirt Fabriquer t-shirt … Et livrer t-shirt Qui part en cargo Qui casse ton dos Au suivant !
Tu t’appelles Théo Toi t’as eu du bol Douze ans, à l’école Et à faire le beau Pour le karaté Ou pour la soirée Acheter t-shirt Acheter t-shirt Acheter t-shirt … Et jeter t-shirt Qui t’a rendu beau Qui t’a fait héros Au suivant !
Théo et Tao Sont dans un bateau Un seul tombe à l’eau Théo et Tao Sont dans un t-shirt Le monde les heurte
Maradraq, duo à grande échelle : Adeline Guéret & Marie Mazille
UN
Mirliton Matin, rubrique résumé des épisodes précédents !
Puisque l’on dit toujours qu’un mirliton par jour Assure un joli teint, promet santé, amour… En voulez-vous encor’ de nos beaux mirlitons ? C’est preuve de bon goût, nous vous félicitons ! Les annales sont là, à la portée d’un clic Ensuite ici, enfin là-bas, très cher public !
DEUX
Mirliton Matin, rubrique Conquête de l’espace !
Dans l’espace, personne ne t’entend crier… Que tu viens tel un con de te voir dépouiller Par un fieffé gredin, un malin flibustier Se présentant à toi comme un scaphandrier Qui au fond du cosmos a été expédié Puis, regrettablement, a été oublié… Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers Voilà que tout à coup il reste le dernier. La NASA, l’ISS, c’est pas pour calomnier, L’ont bien laissé tomber, les salauds, les fumiers ! Quatre mois qu’il n’a pas été ravitaillé ! Sa mission dont le cours finit par dérailler L’abandonne en orbite… Es-tu apitoyé ? Le « silence éternel » … Es-tu émerveillé ? Lui qui, dans sa fusée, était un fier pionnier, Sur son orbite ne fait plus que tournoyer, Avec mélancolie il se met à ciller Scrutant à des années-lumières scintiller La terre-mère. (En outre, il commence à cailler.) Ah, au fait, c’est ballot, sans vouloir larmoyer, Il a beau être strictement appareillé Ses heures sont comptées, il vient de vérifier : L’approvisionnement en air est bousillé. L’oxygène réduit, les circuits sont grillés Et le sable s’égraine dans le sablier ! Cependant, pas question de se laisser gagner Par la résignation. Le sort t’a désigné ! Toi seul peux le sauver et le rapatrier Le rendre à sa planète ainsi qu’à son foyer ! Pour lui sauver la vie, il suffit de payer. N’hésite pas, il n’est plus temps de barguigner. Si tu consens dès maintenant à défrayer, Il descendra, pour sûr, comme d’un escalier Du firmament tout noir qui le tient prisonnier. Comme il a hâte de te voir et festoyer ! Donne-lui sans tarder comme il l’a supplié Ton numéro de carte bleue. Va monnayer Tous tes bijoux auprès de quelque joaillier, Ou souscris un emprunt, demande à ton banquier… Enfin trouve un moyen ! Tâche de magouiller Pour dénicher du cash et régler son billet De retour en urgence. Ne te fais pas prier ! (Et ne t’inquiète pas de l’emploi des deniers En plein vide cosmique, ils sont appropriés : L’argent sauve partout, qu’est-ce que tu croyais ?)
TROIS
Mirliton Matin, rubrique Génération France Musique ! Le duo Maradraq (photo en en-tête ci-dessus), grisé par son passage en direct sur France Musique (200 000 auditeurs, score que chacun peut augmenter sans fin grâce au podcast), a décidé de donner un coup de fouet à sa carrière en adressant une candidature spontanée auprès du plus prestigieux label discographique du monde, MusTraDem. Le président dudit label s’est empressé de répondre à cette candidature en se fendant d’un mirliton bien senti :
Le collectif Mustradem Vous répondra « Je vous aime » Il ne peut qu’être enthousiaste Il ne peut que trouver belle Cette idée iconoclaste De signer le fier duo Estampillé du label « je t’ai vu à la radio ».
QUATRE
Mirliton Matin, rubrique copinage ! Il se trouve que 50% du duo Maradraq sus-cité, Marie Mazille, a fêté son anniversaire le 14 novembre dernier (ainsi que, ô comme c’est curieux, le 14 novembre précédent, ainsi, a priori, que le 14 novembre prochain). Voilà qui assurément réclamait un mirliton *** Tu sens tes mains, tes pieds, tes mollets qui fourmillent ? C’est normal : aujourd’hui est un jour de gala. Un quatorze novembre est née Marie Mazille Depuis lors, cette date est Saint Nyckhelharpa ! Comme en plein jour soudain les étoiles scintillent… Du moins si on l’inscrit dans le bon agenda. On met ses beaux habits, voire ses bas résilles, On chante, on danse, on crie, on esquisse des pas, On s’époumone en chœur pour célébrer la fille Qui joue comme on respire et ne suffoque pas ! Celle qui rajeunit à chaque an qu’elle enquille Atteint la Haute-Marne (comprenne qui pourra). Foin d’infusion, tisane ou autres camomilles… Champagne, au minimum ! Cognac, saké, grappa Que l’ivresse nous prenne ainsi que la Bastille ! Chère consœur bonne journée, bonne fiesta ! C’est toujours un plaisir que de partir en vrille Je t’embrasse bien fort, ma chère Wolfganga. (J’avais d’abord prévu un bouquet de jonquilles… Mais un bon mirliton régale qui de droit.) *** [Réponse de l’intéressée :] Très très très cher collègue Tu n’es vraiment pas bègue Quand il s’agit, vois-tu D’écrire au saut du lit Un bien joli quatrain Que désormais je lis, Telle un Nosferatu Allongé dans un train Au coeur du Périgord (Entre Marseille et Lille) Mais cette histoire de Marne Je n’ai pas bien compris… Cela rimerait-il Avec Dick Anegarn ? (Qu’au passage j’adore !) Écoute-moi, l’ami Cet excellent poème Me ravit l’intestin (do ré mi la perdrix) *** [Réponse du mirlitonneur à la mirlitonneuse :] Voyons ! La Haute-Marne (réfléchis un peu), Est le département numéro cinkant’deux ! C’est là ton numéro, justement, de dossard ! C’est là qu’il faut aller, pas en Périgord Noir. Quand comme toi on est née en soixante-douze, On visite Chaumont et on y vit pépouze !
CINQ
Mirliton Matin, rubrique merveilles du monde cachées sous terre !
Non loin de l’Aragon pousse l’aragonite Sous l’île de Majorque où des fleurs de granit Fuient les rayons du jour. Là, au fond des tanières Inodores et lentes, elles naissent de la pierre.
SIX
Mirliton matin, rubrique bol alimentaire et muséographie !
Étudier le transit chez les anciens Vikings Est un boulot sérieux (on n’est pas au camping). Le moindre reliquat peut rapporter bonbon Et se vendre aux musées ; y compris un étron. Clamons avec ferveur, pour que rien ne se perde, Que l’archéologie ça n’est pas de la merde.
SEPT
Mirliton Matin, rubrique riches heures de la musique enregistrée ! L’histoire du compact-disc, né en 1982, n’aura duré qu’à peine plus de 40 ans. Mais savez-vous quel groupe eut le privilège d’enregistrer le tout premier album sous ce format ? Mirliton Matin vous le révèle en exclusivité ! (bon, pour être honnête, Radio France l’avait fait avant nous…) *** En 1982, un support de mémoire Est baptisé « laser ». Née en laboratoire, La galette de pointe, artefact merveilleux, Léger d’aluminium mais lourd de CO2 Promet à la musique un avenir radieux : Le polycarbonate donne un coup de vieux À l’ancêtre en vinyl. Luisant de son miroir Qu’on présente au futur, brillant de mille feux, Cette boule à facette encapsule l’espoir D’un son imputrescible, éternel comme un dieu ! C’est la modernité qui retentit aux cieux ! Or, quel groupe est choisi afin de promouvoir Une aube aussi nouvelle ? Un quatuor plein de gloire, En pattes d’éléphant, cheveux blonds et yeux bleus Cumulant disques d’or ou triomphes d’un soir Et de l’Eurovision revenu victorieux ! Dancing queen, Waterloo, Mamma Mia et, mieux, The Winner takes it all… Un vaste répertoire Qui enchante nos boums (moins les conservatoires). Cette révolution, ce grand progrès : c’est eux, Suédois de Stockholm au son pop et joyeux. Imprimé pour toujours, leur strass est prestigieux Dans un AbbaCDaire… Abba ça, quelle histoire ! Sic transit gloria mundi, mesdames et messieurs. *** Puisque l’on chante le polycarbonate, on pourrait tout aussi bien chanter le styrène ou autres matières plastiques. Mirliton Matin en profite pour rendre hommage à l’une de ses intarissables sources d’inspiration, le merveilleux « Chant du styrène » de Raymond Queneau.
HUIT
Mirliton Matin, rubrique rions un peu avec les spams ! Actualité du spam : parfois on rigole tellement en lisant les spams qu’on ne leur en veut presque pas de nous cybercasser les cyberburnes.
« Mesdames, Messieurs, Je suis vraiment impressionné par la façon dont vous avez réussi à créer un outil qui aide les gens à gérer leurs finances. Je parie que vos clients vous en sont très reconnaissants.(…) L’idée de base est d’ajouter votre marque en tant que nouvelle suggestion (…) dans le moteur de recherche, afin que les gens voient Le Fond Du Tiroir pendant qu’ils tapent par exemple « chaises bistrot occasion le bon coin« . »
Votre proposition tombe joliment bien, Je la lis aujourd’hui, il n’y a pas de hasard : Les chaises de bistrot, occasion « Le Bon Coin », Sont la spécialité de « Le Fond du Tiroir » ! Ainsi que la gestion de l’argent quotidien… Car nous savons tout faire et le faisons savoir… Le marketing viral nous sauvera enfin Ah, quel glorieux futur il nous laisse entrevoir !
[Madame la présidente du Fond du Tiroir s’est empressée de réagir par un communiqué de presse à l’agence France-Mirliton :]
J’espère que la présidente de cette association lucrative sera reconnaissante de la merveilleuse gestion financière et des dividendes incroyables que la cotation en bourse devrait permettre.
Madame Présidente Ne perd jamais le Nord ! Elle surveille les ventes Et veille au coffre-fort. Avisée commerçante Recomptant son trésor, Perspicace gérante Du capital qui dort, Elle espère les rentes… Comment lui donner tort ?
NEUF
Mirliton Matin, rubrique Victoires de la musique et miracle de Noël !
Des fans du rappeur marseillais Jul achètent par erreur des places à 5 euros seulement pour un spectacle de noël suédois. Héros de Marseille et artiste français le plus écouté sur Spotify, Jul est devenu malgré lui une star en Suède. Alors que le rappeur vient de sortir son 126e album, ses fans ont acheté en masse des billets pour un spectacle prévu le 9 décembre à 11h du matin dans la petite commune suédoise de Kungälv, province historique de Bohuslän, comté de Västra Götaland. Des billets à 5 euros qui se sont arrachés sur le web, rapporte sur son site le journal local Kungälvs-Posten. Problème : cet événement intitulé « Jul och kul » (« Noël et fun ») est en réalité un spectacle de Noël pour enfants et non un concert de l’interprète de Tchikita. En suédois, le mot « jul » signifie en effet « Noël » .
Vois l’opportunité ! Le prochain show de Djoul À cinq euros l’entrée ! Normal qu’ils les écoule ! Allez on se les chope, on y go c’est trop cool. C’est où, c’est loin, la Suède ? On s’en tape, on déboule. Quatorze heures de bagnole, on fait le plein de fuel Et pour pas s’endormir on vide des Red Bull Ou plus raide, on s’en fout, du moment que ça roule Il y a un temps pour tout, on saoule et on dessaoule… Nous voici arrivés… C’est l’halu, cette foule ! On a bien fait de réserver, le staff est full. On se fraie un chemin s’il le faut à coup d’boule, Même à onze heures du mat, je suis chaud, je m’défoule. Mais… Y’a que des moutards !? Et quelques papas poules ! Les mômes suédois sont donc des fans de Djoul ? Pourtant c’est bien ici ! On nage dans la semoule ! C’est quoi les bails ? Je crois que je deviens maboul. Dégagez, les morpions ! Enfilez vos cagoules ! Retournez chez vos reums, c’est pas l’heure de la school ? Je suis perdu, j’aurais dû prendre mon pitbull. Bon, on va se calmer, là j’ai le nez qui coule… Tu lis le suédois ? Ça dit quoi ? « Konsert Jul » ? « Un concert de noël » ??? Alors là, j’ai les boules.
Il était temps ! Enfin du sang neuf pour la France ! Michel Barnier était trop vieux, caduc et rance… Pour le pays, son âge était inopportun (Le pauvre est né en mil neuf cent cinquante et un) Fatalement, il s’est montré déconnecté, Et bientôt la censure l’aura éjecté. Quand on le voit on crie en choeur « Okay boomer » ! Pendant ce temps la jeune garde attend son heure. De Matignon et du destin tourne la roue… Entre ici, perdreau de l’année : François Bayrou ! Nos espoirs sont en toi pour sauver la nation Ta vigueur, ta jeunesse, honorent ta fonction ! Ton frais minois réjouit chacune et chacun ! (Car tu es né en mil neuf cent cinquante et un)
Corruption et trafic d’influence combinés : Sinistre délinquant, récidiviste en germe, Paul Bismuth sans appel est enfin condamné À trois ans de prison (toutefois, un seul ferme) ! Déchéance absolue, pour lui qui gouvernait. Nous osons espérer, juste avant qu’on l’enferme, Que cet individu qui a éliminé 150 000 profs, « dégraissé l’pachyderme » , Cesse enfin sa rengaine hargneuse et obstinée Contre l’Éducation. Il en manque ! Qu’il la ferme. Des travaux d’intérêt général ordonnés En école maternelle lui feraient l’épiderme.
DOUZE
Mirliton Matin, rubrique Bonnes nouvelles et chansons à boire ! Par souci de santé mentale ou d’équilibre dans le karma, le site francetvinfo.fr achève l’année en recensant 24 bonnes nouvelles pour l’an 24. Certaines bonnes nouvelles sont douteuses – la première de la liste est Les JO de Paris, ah, bon, si vous le dites. D’autres sont authentiquement réjouissantes, ainsi la toute dernière : un lien est désormais scientifiquement démontré entre la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années et la culture du vin. Voilà qui méritait un mirliton, de forme moyenâgeuse s’il vous plaît, en rimes alternées par trois.
Encore plus stupéfiant que « l’effet papillon » … Outrepassant « la théorie des dominos » … Déboule sous nos yeux « l’axiome du T-Rex » ! La science dit (or la science à toujours raison) Ceci, qui marquera la une des journaux : Aux temps anciens, bien avant l’âge du silex Un même astéroïde causa la destruction Des terribles lézards que l’on nomme « dinos », Et l’exquise naissance, en miracle connexe, De la vigne, du vin, des épris de boisson, De la dive bouteille et du sacré tonneau ! Matière à réfléchir, aiguiser nos cortex : Le sacrifice des géants fut l’embryon De l’ère du raisin et d’un nouveau créneau De civilisation. L’Histoire est un vortex Qui a l’horreur du vide et par d’originaux Stratagèmes, conçoit d’aimables solutions. Je lève un verre et mes sourcils en circonflexe Pour célébrer le fruit de la substitution, Les travaux des paléonto- et des oeno- – logues, réconciliés ! Santé, et sans complexe.
TREIZE
Mirliton Matin, rubrique Ce matin, pas de mirliton ! Ma collègue de bureau, Marie Mazille, me met au défi d’écrire le mirliton du jour à partir de la photo ci-dessous. Mais non, pour une fois, je décline la proposition, je suis quelqu’un de sérieux, j’ai une éthique, je ne prétends pas comme le premier sophiste vendu au grand capital ou comme un vulgaire influenceur bolloréen que tout est matière à mirliton.
Ce jeu sur le décor, et sur les proportions : j’aime ! La photo est superbe… mais je te dis non. Car elle est achevée et vaut par elle-même : Elle n’appelle aucun refrain, nulle chanson. Elle sait mieux que moi mélanger les extrêmes Le grand et le petit jouant à l’horizon Belle et drôle, éloquente… Un poème ! Dans ce cas, à quoi bon jouer du mirliton ?
Finalement, ce sera une trilogie. Après Goya : Monstres et merveilles créé en 2022 (voir ici)… Après Chagall : L’Ange à la fenêtre créé en 2023 (et dont la tournée se poursuit : toutes les dates ici)… Le trio Christine Antoine/Bernard Commandeur/Fabrice Vigne prépare pour 2025 son troisième spectacle biographico-musico-politico-pictural, intitulé Courbet : Je n’ai jamais eu d’autres maîtres que la nature et mon sentiment. C’est une bonne nouvelle ! Alors pourquoi cette mine de désespéré, s’il vous plaît ?
Plus je me documente, plus je me passionne pour le personnage. Quel type stupéfiant ! Quel punk !
En échantillon, juste une anecdote : en 1870, Courbet refuse avec fracas la légion d’honneur parce qu’il désavoue le gouvernement (COURBET PRÉCURSEUR DE JACQUES TARDI !)* et dans la foulée s’engage dans la Commune, ce qui lui vaudra beaucoup d’ennuis : pour fuir le harcèlement politique subi dans son propre pays il passera les dernières années de sa vie au bord du lac Léman (COURBET PRÉCURSEUR DE CHARLIE CHAPLIN !), où, alcoolique, il continue d’insulter l’académie locale en passant sous ses fenêtres et ce faisant d’insulter l’académisme (COURBET PRÉCURSEUR DE CHARLES BUKOWSKI !), où, également, il tente de retrouver quelque chose de nouveau à dire sur la nature (illustration ci-dessous : Vue du lac Léman, COURBET PRÉCURSEUR DE L’IMPRESSIONNISME !), voilà qu’il se fait arrêter par la police suisse parce qu’il se baigne tout nu dans le lac (COURBET PRÉCURSEUR DE PHILIPPE KATERINE !).
Comme avec les deux précédents, en rédigeant le texte du spectacle je m’emballe pour la vie et l’oeuvre du peintre, et tout spécialement pour son rapport avec la politique : Goya, Courbet, Chagall, chacun a pris son époque en pleine tronche, et de cette violence du réel il fit ce qu’il put. Ces quelques mots, il en fit ce qu’il put, sont le vrai moteur des biographies que je rédige. En ce qui concerne Gustave Courbet, le principe de réalité politique qui a embrasé sa vie n’est autre que la Commune de Paris. Oh, j’ai de quoi dire. Il est possible que la bande son du spectacle comprenne La semaine sanglante, La Canaille ou Elle n’est pas morte.
* Rappelons que si la légion d’honneur a été refusée quelques orgueilleux et provocateurs, tels que : Guy de Maupassant, Maurice Ravel, Thomas Piketty, Guy Bedos, Jane Birkin, Jacques Tardi, Bernard Clavel, Eddy Mitchell, Bernard Pivot, Hervé Kempf, Niki de Saint-Phalle, Marjane Satrapi… elle est, en revanche, portée avec force gratitude envers la France par nombre d’immarcescibles héros et serviteurs du peuple, ayant une conception plus modeste de la dignité, tels que : Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Vladimir Poutine, Bachar al-Assad, Mohammed ben Nayef, Ali Bongo, Harvey Weinstein, Jeff Bezos, Abdel Fattah al-Sissi, Didier Lallemant, Patrick Pouyanné, Thierry Ardisson, Michel Houellebecq, Gérard Depardieu… Et ça, c’est pour les vivants. S’il fallait collectionner les morts glorieux qui ont arboré le pin’s à la boutonnière, il faudrait citer Adolphe Thiers, Mussolini, Maurice Papon, Manuel Noriega, Franco, Ceaucescu, Bokassa, Ben Ali, Jacques Servier, André Tulard et évidemment Philippe Pétain. Rien que des cadors.
(Illustrations : j’ai demandé à une intelligence artificielle une image représentant « Bashō, le grand maître du haïku japonais, jouant du ukulélé sous un cerisier en fleur. » Oui, Bashō a six doigts, comme tous les japonais jouant du ukulélé.)
Comme nous l’a dit approximativement un ami après un concert de Marie Mazille et moi-même : « On n’est jamais déçu, avec vous. On sait que ce sera débile mais on est tout de même surpris par la manière. » C’est le plus beau compliment que nous avons jamais reçu. Donc ! Nouvelle aventure surprenante du Débile-Duo ! Marie invente un nouveau jeu, me demande si je veux jouer, je dis oui avant même d’avoir entendu la suite, comment dire non. Marie crée des mots valises et des expressions à tiroir, à base de jeux de mots terrifiants et d’à-peu-près éhontés. Je réceptionne et je suis chargé de donner à chacun de ces « mots que nous avons inventés et dont le besoin se faisait généralement sentir » une définition acceptable. (Car ainsi, pour vous révéler le secret, notre duo fonctionne, au fond très traditionnellement : un Auguste fantaisiste met le bazar, un clown blanc réintroduit un peu d’ordre dans le chaos et fait mine que tout est normal.) Feu.
Un connastère : monastère où toutes les nonnes sont systématiquement abruties par une discipline dictatoriale.
Un carambariolage : délit consistant à s’introduire par effraction dans un domicile privé et à repeindre tous les murs de couleurs criardes.
Un appétit de Doisneau : envie de pratiquer l’art très vite rassasiée, et dissipée dès le premier déclic, dès la première image.
Oui-Oui l’ourson : jouet qu’autrefois on déposait sur les tablettes arrière des voitures, ours en peluche dont la tête montée sur ressort hochait au gré des cahots de la route.
Charles-se-Magne : célèbre « message personnel » diffusé sur Radio Londres le 14 juin 1944, avertissant de façon cryptée que de Gaulle a bien posé le pied en Normandie et qu’il est en route pour Paris.
Hercule poireaute : proverbe signifiant que même les personnes les plus courageuses hésitent devant une épreuve trop épineuse. Allusion à l’attitude d’Hercule qui, après avoir accompli onze de ses travaux, se reposa avant d’entamer le douzième, le plus difficile, la descente aux enfers. Il prononça alors devant la porte des enfers ces paroles immortelles : « J’y vais ou j’y vais pas ? ».
La nuit tous les ch’tis sont gras : polar publié en 2008 par Quinquin Bodard, la star des écrivains de Roubaix, qui raconte une enquête de police particulièrement délicate. Le seul indice révélé par la vidéosurveillance est que l’assassin est obèse. Mais que faire de cette piste puisque le meurtre a eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais où une personne sur quatre est atteinte d’obésité ? Heureusement, l’assassin a laissé des traces de maroilles…
Le petit pou sait que le petit pouce hait : proverbe signifiant que l’on trouve toujours plus fort que soi et que nos vies tiennent à un cheveu. Allusion au fait qu’un pou se promenant paisiblement sur un cuir chevelu peut se faire exterminer en un clin d’œil, sans avoir rien vu venir, par le passage d’un pouce rageur, pourvu d’un ongle tranchant, et ainsi le destin s’abat et qu’y pouvons-nous, pauvres créatures ? Rien. C’est la vie. Une seconde on est vivant, la suivante on est mort. On est quand même peu de chose.
L’heureux narre et le corps beau : proposition morale audacieuse contrecarrant le cliché selon lequel « les gens heureux n’ont pas d’histoires » . Eh bien, si ! Lorsqu’on est heureux, on peut raconter, le bonheur est même une disposition très favorable à la narration ! En revanche, ce sont plutôt les gens beaux qui, se contentant d’être posés là et jouissant de leur propre beauté, n’ont rien à raconter. Rien d’intéressant, du moins. C’est du reste la leçon du conte Riquet à la Houppe.
Lady de Nantes : surnom moqueur, brièvement donné à la duchesse Anne de Bretagne (1477-1514), au moment où la presse people colportait les ragots sur ses prochaines fiançailles avec le roi d’Angleterre Edouard V. Des manifestations populaires devant son château de Nantes, au cri de « Pas d’alliance avec les rosbifs », ont mis un terme au projet de mariage. Cette rupture de noces est un évènement historique demeuré célèbre sous le nom de révocation de Lady de Nantes.
La bille ne fait pas le moine : proverbe qui rappelle qu’il ne faut pas rentrer dans les ordres si l’on sort à peine des jeux de cours de récréation. Variante ! La bile ne fait pas le moine : proverbe qui rappelle qu’il ne faut pas rentrer dans les ordres sur un coup de colère.
Un haïku-lélé : genre poétique traditionnel japonais célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et la musique hawaïenne. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Guitare hawaïenne. »
Un haïku-cikuça : genre poétique traditionnel japonais célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et l’indécision. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Je reste ou je pars. »
Un Haï-couille : genre poétique traditionnel japonais, célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et une paire de couilles. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Et j’ai froid aux couilles. »
Un fesse-maker : complément médical ou alimentaire promettant un regain de libido mais ne réussissant, parfois, qu’à enfler la couche de graisse à l’arrière-train. (Exemples : Viagra, gingembre, chocolat, fruits de mer…)
Un tire-messe : terroriste islamiste faisant un carton à la Kalashnikov sur une église le dimanche en fin de matinée.
Le tiroir-fesse : département du Fond du Tiroir entièrement dédié à la pornographie (exemple : Trois filles de leur mère).
La fesse de minuit : métaphore qui désigne l’heure où les corps emmêlés des vieux amants, autrefois carrosse, se transforme en citrouille. Blette, en plus.
Le palinceste : logique sociale fataliste selon laquelle une personne abusée sexuellement dans son enfance par un membre de sa famille, devient agresseur sexuel à son tour, et ainsi un nouveau drame recouvre l’ancien.
Un mic mackintosh : confusion ou quiproquo engendré lorsque, pendant une visioconférence sur Mac, on ne parvient pas à éteindre son micro.
La gratatouille : recette traditionnelle des Hautes-Alpes, dans laquelle les légumes, trop rares en montagne, sont remplacés par des orties.
La carte vitam æternam : certificat d’immortalité décerné par l’administration française, à condition d’avoir cotisé au denier du culte à tous les trimestres durant sa carrière, de fournir l’attestation du contrôle technique de son âme révisée tous les 20 000 kms, et d’être à jour, le cas échéant, de ses démarches de don d’âme. Comme l’État, en dépit de ces précautions, ne saurait garantir tout-à-fait la vie éternelle, il est fortement recommandé de souscrire, en sus, à une mutuelle, afin de préparer son immortalité par capitalisation.
Loire-Désir : appellation médiatique, inventée par un spécialiste en communication chevronné, du jumelage entre les communes de Loire-sur-Rhône (département du Rhône, région Auvergne-Rhône-Alpes) et de Saint-Désir (département du Calvados, région Normandie). Depuis que ce jumelage a été officialisé par un vin d’honneur réunissant les deux fanfares municipales, les maires des deux communes, très régulièrement agressés physiquement ou verbalement, et empêchés de monter sur scène, ne cessent de publier dans la presse des démentis : non, ils ne sont pour rien dans la mort de l’actrice Marie Trintignant.
Le ku-klux-klandestin : immigrant, souvent à peau noir, entré illégalement sur le territoire des États-Unis, qui a trouvé refuge sous l’uniforme du Ku-Klux-Klan (longue robe blanche et cagoule à sommet pointu) afin de ne pas se faire importuner par tous ces cons de racistes.
La période chose de Picasso : maturité artistique de Picasso durant laquelle celui-ci ne pouvait plus se contenter de peindre des tableaux, mais éprouvait le besoin de fabriquer des objets (sculpture, céramique, tapisseries, macramé, vannerie, broderie, poterie, bracelets de couleur pour aller au bal…). En réalité, comme Picasso a été mûr très tôt et très longtemps, sa période chose a débuté quand il avait 20 ans et s’est achevée à sa mort à 91 ans.
Une piste d’atterri-stage : promesse formulée à un(e) jeune stagiaire qu’on exploite gratuitement, en lui faisant miroiter que grâce à cette expérience formidable et bénévole, il pourra voler de ses propres ailes et ensuite se poser où bon lui semble. La réalité est souvent moins rose, les stagiaires parfois se crashent et on parle alors de « piste d’atterri-sképéril ».
Mirliton Matin, rubrique « nos retraités sont actifs » ! Un ex-maître nageur prend désormais soin des noyers… Leur fait-il le bouche-à-bouche ?
La retraite est parfois le moment d’inverser La vapeur Abattre sa routine, et envoyer valser Ses valeurs Pour tendre enfin, à son miroir, à son passé, Son majeur. Ainsi de ce métier, trop longtemps exercé : Professeur De natation – autrement dit, sans finasser, Maît’nageur ! Profession admirable et souvent, on le sait, De grand cœur, Car couronnée d’un noble et superbe énoncé : « Sauveteur » . Dominique pourtant s’en est débarrassé Sans douceur. Porter ce sacerdoce, il en avait assez ! Cet honneur Tout humble et tout humide, comme il le haïssait ! Voici l’heure De cesser de sauver et plutôt de bosser En cueilleur, De sortir du bassin et de se rehausser Vers les fleurs. Pas n’importe lesquelles : celles qui ont poussé En hauteur, Aux branches des noyers ! Dominique se sait Nuciculteur. « Noyers, ah, fleurissez ! Noyés, disparaissez ! » Quel farceur ! Reconversion rêvée, culot récompensé Producteur Vie à la noix que Dominique s’est tracée Bien meilleure Pied de nez au destin, jeu de mot balancé Au malheur ! À Dominique, tous nos vœux sont adressés Au bonheur ! Faut-il tirer une morale nuancée ? Et ta sœur ?
Le doux ronron du chat le soir au coin de l’âtre ? C’est bon pour le moral, conseillent les psychiatres. La ronron-thérapie consol’ du ciel grisâtre. Pourtant point trop n’en faut ! Et l’on pourrait débattre Du taux de décibels après quoi : faut décroître Sinon l’effet s’inverse et l’on vire acariâtre. Le record actuel est anglais : 54. Quel boucan ! Mon avis : ce matou, qu’on le châtre ! (Non, c’est une femelle… En ce cas, qu’on l’emplâtre.)
TROIS
Mirliton Matin, rubrique amusons-nous avec Google les jours de pluie ! (sur une idée de Marie Mazille)
Méthode : 1) Proposer au moteur de recherche Google un début de question, en l’occurrence : « Pourquoi faut-il… » 2) Lire toutes les solutions suggérées par le remplissage automatique de Google qui devine les mots avant même que vous ne les ayez pensés, vous connait mieux que vous ne vous connaissez, et n’aime rien tant que finir vos phrases à votre place. 3) Mirlitonner à loisir et traduire en vers délicats cette guirlande d’angoisses, manifestement communes.
Pourquoi faut-il optimiser La gestion de chaîne logistique ? Pourquoi faut-il sans plus tarder Investir dans le photovoltaïque ? Pourquoi faut-il économiser Chaque goutte des ressources hydriques ? Pourquoi faut-il sans hésiter Réparer les feins hydrauliques ? Pourquoi faut-il savoir compter Quand on offre des roses qui piquent ? Pourquoi faut-il imaginer Sisyphe heureux, philosophique ? Pourquoi faut-il trier ses déchets, Est-ce vraiment écologique ? Pourquoi faut-il les lentilles rincer Quelle en est l’exacte technique ? Pourquoi le passeport est obligé Pour visiter les Britanniques ? Pourquoi respirer par le nez Même quand on est en public ? Pourquoi faut-il obliger à voter Pour s’impliquer en politique ? (Il parait qu’c’est ce qui se fait Outre-Quiévrain, dans la Belgique) Pourquoi faut-il se faire enlever Les dents de sagesse en clinique ? Pourquoi faut-il manger du lait Quand on prend des antibiotiques ? Pourquoi garder les yeux fermés Pendant un baiser romantique ? Puis, pourquoi faut-il uriner Après un quart d’heure érotique ? Mais pourquoi faut-il transpirer Quand on est fiévreux, frénétique ? Et pourquoi faudrait-il travailler Victimes de l’idéologique ? Pourquoi faut-il sans cesse penser Alors que Google est si pratique ?
QUATRE
Mirliton Matin, rubrique le vent de l’amour ! (fait divers et mirliton monorime)
Pour la Saint Valentin je t’offrirai mon cœur
Et je m’apprêterai pour toi mon âme sœur.
Toi, que m’offriras-tu ? Un gros bouquet de fleurs ?
Un dîner aux chandelles, un coffret de douceurs ?
Un bijou chatoyant de feux et de couleurs
Et qui révèlerait de mes joues la rougeur ?
Tu me courtiseras en flattant ma valeur
Tu seras mon héros, mon roi, mon empereur
J’attendrai ce moment avec grâce et ferveur
Ce serait bien de joie si me venaient des pleurs
Alors toute la nuit on jouerait au docteur
Puis nous reposerions en mêlant nos chaleurs
Comme à la fin d’un conte, ainsi nous vivrons heur-
Eux et nous aurons beaucoup de successeurs.
Mais attention à toi si jamais par malheur Tu oubliais le jour, le mois, la date et l’heure ! Faut être con, indifférent, ou Alzheimer ! Imbécile ! Abruti ! Salaud ! Crétin ! Loser ! Je t’en foutrai des Valentins baratineurs ! Je te castagnerai à coups d’aspirateur ! L’outil du grand ménage et de l’instinct vengeur ! J’aspirerai ta rate et la cuirai au beurre J’aspirerai ton foie, riant de tes douleurs J’aspirerai tes yeux découpés au cutter J’aspirerai ta queue, la jetant au mixeur Et pour finir j’aspirerai ton vilain cœur.
Le puzzle est en miettes, je suis seul face à lui. Vingt mille pièces en vrac et je le reconstruis. Je commence le jour, je continue la nuit. Puis tous les autres jours avec soleil ou pluie.
Il est mon obsession, mon sablier enfui Il s’accroît à mesure que mon temps réduit Il est l’incarnation de ce qu’au fond je suis Moi aussi en morceaux, j’assemble mon ennui.
SIX
Photo : Sciences et Avenir
Oh oh, c’est quoi cette odeur ? On vient d’observer près de Nancy l’éclosion de la plus grosse fleur du monde ! Fleur rare et fragile mais disproportionnée, qui s’appelle Pénis de titan, et qui pue, mais qui pue, que c’en est affreux-affreux. Il n’en fallait pas davantage pour ressusciter brièvement et en pleine canicule Mirliton Matin. (Pour mémoire, les annales de MM, média éphémère, sont consultables ici.)
Une (autre) charogne Hommage à Charles Baudelaire
Surnommée « Pénis de titan », La plus énorme fleur au monde N’en éclot que tous les cent ans Dans une puanteur immonde.
L’Amorphophallus titanum (De son aimable nom latin) Déploie un répugnant arôme La protégeant des importuns.
Trois mètres, un quintal… La géante
Schlingue à mort la viande pourrie !
Et cette exhalaison puissante
Est sa seule coquetterie.
En disciples de Baudelaire, Nous sentons cette fleur du mal Empoisonner notre atmosphère, Toxique ainsi que sont les mâles.
Tout en voilant son nez, le fier Botaniste-accoucheur se navre Que sa fleur née dans la bruyère Ait un autre surnom : « Fleur-cadavre » .
Aussi retenons « Pénis » ! Et la leçon :
Chers messieurs, la taille ne fait pas tout.
Mieux vaut minuscule qui fleure bon
Que titanesque refoulant l’égout.
Parfois on voit une image Par surprise On voit un visage On voit le passage On voit le sillage On voit le ravage On sent l’âge On résiste On hésite à faire le lien On doute pour la forme On se demande ce qu’il a fallu oublier Entre temps Pour s’offrir ce luxe Se voir dans l’image Comme un autre Un éloigné de la famille Se reconnaître sans en revenir A-t-on vraiment été cette personne ? Cette personne froissée Cette boule de papier Cette peine On a envie de la consoler Lui dire que ça ira Une main sur son épaule Ou même l’embrasser Si elle permet T’inquiète Ça ira Crois-moi Je le sais Je peux pas tout t’expliquer Je peux pas tout te dire mais Crois-moi Je suis bien placé Ça finira par aller.
J’ai donné mon premier atelier d’écriture de la saison. Le thème imposé par la prochaine Nuit de la lecture était le corps.
Je reproduis ici les consignes que j’ai proposées, pour ceux qui veulent jouer à la maison.
1. Choisir son camp avec Molière. Dans les Femmes savantes (1672), Molière dit tout en quelques vers sur l’attitude que chacun peut entretenir vis à vis son corps. L’intellectuelle Philaminte, qui vise à devenir un pur esprit, dit dédaigneusement « Le corps, cette guenille ». Son mari Chrysale, plus terre-à-terre, rétorque « Oui mon corps c’est moi-même et j’en veux prendre soin. Guenille si l’on veut ! Ma guenille m’est chère. »
Chrysale Je vis de bonne soupe, et non de beau langage. Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage ; Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots, En cuisine peut-être auraient été des sots. Philaminte Que ce discours grossier terriblement assomme ! Et quelle indignité pour ce qui s’appelle homme, D’être baissé sans cesse aux soins matériels, Au lieu de se hausser vers les spirituels ! Le corps, cette guenille, est-il d’une importance, D’un prix à mériter seulement qu’on y pense ? Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin ? Chrysale Oui, mon corps est moi-même, et j’en veux prendre soin : Guenille, si l’on veut ; ma guenille m’est chère. Bélise Le corps avec l’esprit fait figure, mon frère ; Mais, si vous en croyez tout le monde savant L’esprit doit sur le corps prendre le pas devant. Les femmes savantes, acte II, scène 7
À vous de choisir : êtes-vous plutôt Chrysale ou plutôt Philaminte ? Commencez un texte par « Mon corps c’est moi et » ou bien par « Le corps, cette guenille » et voyez où cela vous mène. Faites les deux, si vous avez le temps et/ou le sens de la dialectique.
2. Le morceau choisi Choisissez une pièce détachée dans votre corps. Soit un membre, soit un recoin de peau, soit un organe (visible ou invisible), soit un « signe particulier » (grain de beauté, tatouage, cicatrice, voire prothèse, par exemple une paire de lunettes), et racontez son histoire. Quand l’avez-vous remarqué ? Quand avez-vous commencé à lui accorder un soin particulier ? Jusqu’à quel point vous identifiez-vous à lui ? L’aimez-vous ? Le détestez-vous ? Etes-vous en paix ou en guerre avec lui ? Comment avez-vous grandi ou vieilli ensemble ? Si l’écriture personnelle et introspective vous est difficile, vous avez bien sûr le droit de transformer l’exercice en fiction. Optionnel : ladite pièce détachée peut parler à la première personne.
3. La litanie des sens avec Françoise Héritier Dans son bref ouvrage Le sel de la vie (2012), Françoise Héritier dresse une liste de quelques 80 pages de petits moments sensoriels qui font que « la vie vaut d’être vécu » . Ils sont livrés au lecteur sans ordre, sans hiérarchie, à la fois très intimes et très universels, dans la tradition de Sei Shōnagon. Je vous propose un exercice un peu plus méthodique. Enumérons les cinq sens, classés depuis le plus lointain jusqu’au plus intérieur (1 la vue, 2 l’ouïe, 3 l’odorat, 4 le toucher, 5 le goût). Pour chacun des cinq, vous reconstituerez un bon et un mauvais souvenir sensoriel. Ce souvenir peut être survenu une seule fois dans votre vie, ou être quotidien (par exemple vous pouvez décrire un coin de rue devant lequel vous passez chaque matin et auquel vous êtes très attaché). Votre liste doit donc contenir au minimum dix entrées, mais vous avez le droit d’aller bien au-delà, et vous pouvez même (chez vous) écrire à votre tour 80 pages.
Le sel de la vie, Françoise Héritier, pp. 39 et suivantes :
« …faire siffler un brin d’herbe entre ses doigts et ses lèvres, écouter dans la nuit du fond du lit le carillon Westminster qui augmente à chaque quart d’heure la durée de sa ritournelle dans la cuisine de Bodelio, entendre la vache de Moelan, voir un grand stampede dans un western, caresser la peau douce et flétrie des mains d’une vieille dame, appeler sa mère « ma petite mère », sa fille « mon trésor », son mari « mon coeur » et ressentir pleinement la justesse de ces appellations, dîner aux Bons Enfants dans une cour enclavée, savourer une histoire drôle rabbinique, chanter avec jean Gabin « Quand on s’promène au bord de l’eau », savoir prononcer correctement le nom de la ville de Cunlhat, ouvrir une lettre le coeur battant, être dehors quand le diable marie ses filles (What ? oh pardon ! sous une giboulée par beau temps), prédire qu’il pleuvra le lendemain à la position des rayons du soleil couchant, donner solennellement du « Monsieur » à un adolescent, écouter la voie sucrée de Rina Ketty attendant « le retour » et celle, piquante, de Mireille sur « le petit chemin », tomber en extase devant une couleur si juste, sautiller avec Charles Trénet et regarder avec Yves Montand les jambes de la demoiselle sur une balançoire, appeler avec un frémissement interne par son prénom quelqu’un que l’on vénère et qui vous en a prié, s’éveiller dans Paris avec Jacques Dutronc, lécher consciencieusement le fond des plats, s’asseoir au soleil à Rome piazza Navona en février et manger une salade de roquette avec un verre d’orvietto, faire se refléter sous le menton le jaune des boutons d’or, manger du raisin pris directement à la treille sur la façade d’une maison, voir de grosse gouttes d’eau s’écraser sur le sol ou un immense arc-en-ciel ou une lumière lointaine dans la nuit noire ou une étoile filante ou silencieusement passer très haut une capsule spatiale, avoir une tirelire, surprendre un animal qui vaque à ses affaires, sentir la densité d’un silence attentif, entrer dans la parole comme on entre dans l’arène, trouver enfin le mot juste, attendre un coup de fil, s’attrister parce que les galets perdent leurs belles couleurs en séchant, avoir le fantasme d’une grande maison à volets verts située à une croisée de chemins au coeur d’une forêt, admirer un grand perron doté de deux élégantes volées de marches ou des roses trémières opulentes ou un toit de tuiles vernissées, chanter à capella et à l’unisson, vibrer au timbre d’une voix, recevoir en pleine figure des ressemblances troublantes et agir avec le nouveau venu comme une ancienne connaissance, se parler à soi-même in petto, garder fidèlement une certaine idée de ceux que l’on a aimés, recevoir les épreuves d’un nouveau livre, manger des rayons de miel sauvage récolté par enfumage, croquer des radis, faire des compotes de pomme et des tartes à la pâte brisée, boire du cidre frais, coucher à la belle étoile, admirer le travail de nuit des termites sur des chaussures oubliées sur le sol, boire à la calebasse de la bière de mil chaude en passant à son voisin, faire un long voyage sur piste sans crever un pneu, entrevoir au bout du couloir la démarche de grand héron pressé et les pans de la blouse blanche du patron que l’on attend dans son service à l’hôpital et se sentir réconforté, empli de joie et de bien-être, aimer tout de la vie sur le terrain, même l’inconfort, nouer conversation facilement, assumer ses détestations, garder les vaches, tirer du vin nouveau, regarder les mains expertes de son médecin qui sait identifier le mal du bout des doigts, faire un bon mot ingénument et ne s’en rendre compte qu’à l’hilarité des autres, descendre en voiture un jour la rue de Belleville d’un trait, aller chez le coiffeur, se faire une manucure… »
Vers 1990, à une époque où je savais à peine me raser, j’ai écrit le scénario d’une bande dessinée intitulée Projet: Street Spirits (notez qu’il n’y a pas d’espace avant les deux points, pour faire plus américain, comme dans Mission: Impossible).
Il s’agissait d’une histoire de super-héros, plus ou moins parodique, que je me figurais archi- « de notre temps » puisque j’y décrivais le super-héroïsme comme une pure opération de communication.
Quoique connaissant par cœur les comics Marvel, l’influence que je revendiquais était plutôt une certaine tradition de la bande dessinée franco-belge, ironique, spirituelle, vacharde au besoin, un art du dialogue allant de Goscinny et Delporte jusqu’à Yann. Je faisais en somme du super-héros « à la française » parce que déjà à l’époque je pressentais que c’est en mélangeant qu’on invente.
Le lecteur français (nous ne nous adressions bien sûr qu’à lui) pouvait ainsi débusquer au fil des pages certaines références très locales : par exemple le maire de la ville s’appelait Pear et sa tronche dessinée en forme de poire était calquée sur la fameuse caricature du roi Louis-Philippe par Charles Philipon, parce qu’une poire blette me semblait une métaphore universelle des hommes de pouvoir, de quelque côté de l’Atlantique qu’on se trouve…
En revanche, j’avais dessiné le logo de la série en plagiant éhontément les titrailles en volumes de l’Américain Will Eisner, que je n’ai jamais cessé d’admirer, le titre lui-même constituant un transparent hommage au Spirit, ce faux super-héros, véritable être humain.
Avec le dessinateur, qui était un pote de lycée, nous avons réalisé trois épisodes – j’avais des synopsis pour douze, c’était un joli nombre douze, c’était comme Watchmen, j’ai pas mal gambergé sur la suite qui devait mettre en scène le seul adversaire que j’imaginais à la hauteur d’une opération marketing : le leader charismatique d’une secte (j’ai toujours adoré les leaders charismatiques de sectes), décrit comme une autre opération marketing réussi… Mais ainsi vivent et meurent les ambitions juvéniles : nous nous en sommes tenus à ces trois premiers épisodes, que nous avons photocopiés, agrafés, et vendus à la sauvette. Ce fanzine (vive le Do It Yourself !) était en somme notre premier « livre » , pour moi autant que pour lui, qui depuis a publié ailleurs ses propres BD.
Mais voilà-t-y pas que près de 35 ans plus tard, et sans me consulter, cet enfoiré que j’ai perdu de vue publie dans mon dos une réédition des Street Spirits ! Mis au pied du mur, je considère que cet objet est, ni plus ni moins, un livre pirate, un bootleg, une contrefaçon. Ce qui sans doute ne m’empêchera pas de commander un exemplaire pour le relire.
De mémoire, il me semble que ce travail de jeunesse, sans être déshonorant, était un peu amateur, non dénué de clichés. Surtout, il risque de paraître dérisoire et dépassé à notre époque, noyée qu’elle est sous les récits de super-héros, plus ou moins parodiques (voire trash, façon The Boys), ET sous les opérations de communication.
Sinon on peut aussi écouter Street Spirit de Radiohead qui date de la même époque (1995) et rêver qu’il s’agit de la bande originale du livre. Le clip de cette chanson, beau et cafardeux, est signé Jonathan Glazer, qui sera bien plus tard l’auteur d’un des films les plus fous et les plus stupéfiants jamais tournés, Under the skin. Quel rapport ? Bah, on a tous des oeuvres de jeunesses planquées dans un recoin du www.
Éditeur et blogueur depuis avril 2008.
Treize livres au catalogue. Deux épuisés, onze en vente. Tous remarquables, achetez-les en lot.
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