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Mot clé : ‘c'est giorgio’

C’est Giorgio

17/01/2009 Aucun commentaire

La vedette trouvée par terre

Je ne passe pas la main à n’importe qui. Ma tournée Miss Rhône Alpes jeunesse s’achève, je me démaquille, je rends ma couronne, mon livre est désormais le livre de l’année dernière, et sic transit gloria mundi, comme on dit quand on picole, une flûte qui bulle dans la main et un petit four dans l’autre.

Le prix du livre Rhône-Alpes jeunesse 2009 est attribué à C’est Giorgio, de Corinne Lovera Vitali et Loren Capelli (ed. du Rouergue). En tant que lauréat 2008, je faisais partie du jury, et je me réjouis d’autant plus de la victoire du Giorgio que ma voix lui échut – du reste, si les débats furent contradictoires et parfois à la limite de la houle, le résultat est sans ambiguïté : le Giorgio l’a emporté dès le premier tour par 7 voix contre 2. Les trois autres livres finalistes (j’ignore si j’ai le droit de les citer en public ? Si vraiment cette information vous intéresse, envoyez-moi un mail en privé) s’en tirent avec les honneurs, chaque membre du jury s’empressant de souligner la très haute qualité globale du dernier carré.

Seulement voilà, le Giorgio constituait, sûrement, le plus grand choc, la plus grande évidence et cependant la plus grande singularité – paradoxe mystérieux qui fait durer les bons livres. Ce qui est fort, et beau, dans cet album, c’est la rencontre mots/images, le jeu, alors même que ni l’auteur ni l’illustratrice n’a rien renié de la radicalité de son mode d’expression personnel (poésie charnelle de Corinne, épure Bic de Loren). Remettre un prix à ce livre jeunesse si atypique, et malgré tout si simple (ben quoi ? c’est juste l’histoire d’une enfant qui trouve une espèce de nounours. C’est le sien.) me semble, à moi, tout naturel. Je tire ma révérence gratifié par ça aussi, sans déconner, le devoir accompli (ce qui n’empêche nullement les doutes : l’arrivé-second est un excellent livre, extrêmement différent) et je remercie les autres membres du jury pour nos conversations passionnées et respectueuses.

Tous mes chaleureux compliments et vœux de bonne année à Loren et Corinne. Telles que je les connais, elles dilapideront peut-être l’argent de ce prix, décerné en pleine lumière à un livre « grand public » (tout est relatif), à peaufiner dans l’ombre leurs créations  confidentielles (visitez donc le site de Corinne dont le nom est NON, tout est dit)… Comment mieux exprimer à quel point je me sens en affinité…

Bleu Schtroumpfette

15/08/2023 Aucun commentaire

15 août, fête à la Sainte Vierge, comme on dit foire à la saucisse !

Je suis toujours en promenade à Gênes, ville dont la « reine » est officiellement la Vierge Marie depuis le 25 mars 1637.
Ville où l’on tombe sans cesse nez à nez avec des splendeurs.
Je viens de tomber nez à nez avec une splendeur : une gigantesque fresque terminée en trompe-l’œil, en haut de l’un des escaliers d’honneur du palais des doges.
Son auteur : Domenico Fiasella (1589-1669). Son titre : « La vergine e i santi Giovanni-Battista, Giorgio e Bernardo intercedono presso la Trinità per la salvezza della città di Genova ». La vierge et sa bande de copains intercèdent pour le salut de la ville de Gênes.
Et voilà que, perdu dans la contemplation de cette œuvre, une idée me tombe dessus comme la grâce.
Connaissez-vous le syndrome de la Schtroumpfette ? Conceptualisé par une journaliste américaine dès 1990, popularisé depuis par les féministes, il désigne les œuvres de fictions où l’on peut voir interagir des hommes en grand nombre, chacun étant caractérisé par un profil psychologique singulier et/ou une histoire personnelle (rappelons qu’il existe 100 Schtroumpfs dont un grand-barbu-autocrate, un bricoleur, un costaud, un grognon, un poète, un jardinier, un paresseux, un coquet, un bêta, un musicien…), et une seule femme (la Schtroumpfette). Comme si « être une femme » était l’une des variations possibles parmi tous les profils psychologiques humains, aux côté de « bricoleur », « grognon », « moralisateur », etc.
Vous pouvez vous amuser chez vous à compiler les innombrables récits mythiques, romans ou films souffrant du syndrome de la Schtroumpfette : Atalante est la Schtroumpfette des Argonautes, Débora est la Schtroumpfette des juges d’israël, He Xian-gu est la Schtroumpfette des Huit Immortels taoïstes, Jeanne d’Arc est la Schtroumpfette de la Guerre de cent ans, la Castafiore est la Schtroumpfette de Tintin, Cinnamon Carter est la Schtroumpfette de la Impossible Mission Force, Julia Roberts est la Schtroumpfette des Ocean’s Eleven
Dans le monde réel et le domaine des arts, aussi : Berthe Morisot est la Schtroumpfette des impressionnistes, Georges Sand la Schtroumpfette des romantiques, Michèle Métail la Schtroumpfette de l’OuLiPo, Agnès Varda la Schtroumpfette de la Nouvelle Vague (alors qu’elle a commencé bien avant tous ces messieurs : La Pointe Courte, 1955), Nathalie Sarraute la Schtroumpfette du Nouveau Roman (idem : Tropismes, 1939), Niki de Saint Phalle la Schtroumpfette du Nouveau Réalisme, Michèle Bernstein la Schtroumpfette de l’Internationale Situationniste, Bretécher la Schtroumpfette de Pilote puis de l’Echo des Savanes, Chantal Laury la Schtroumpfette des Nuls, etc.

Exemple de l’effet Schtroumpfette. De gauche à droite, rangée du haut : Louis Aragon, Théodore Fraenkel, Paul Eluard, Emmanuel Faÿ. Second rang : Paul Dermée, Philippe Soupault, Georges Ribemont-Dessaignes. Au premier rang : Tristan Tzara (avec le monocle), Celine Arnauld, Francis Picabia, André Breton.

Mais voilà qu’ici, soudain, en plein escalier génois je suis foudroyé par le syndrome de la Schtroumpfette dégorgé par la sublime fresque sous mes yeux.
On le sait, l’histoire du christianisme, racontée dans cette image et dans mille autres, est un faux monothéisme mais un véritable polythéisme, ne comportant que des dieux et une seule déesse ; que des mecs, à commencer bien sûr par l’indéboulonnable trinité patriarcale au centre (le père grand-barbu-autocrate, le fils, et le saint pigeon), puis aux quatre coins le copain de la famille (Jean-Baptiste), le héros tueur de dragons (Saint Georges), le régulateur des moines pour faire perdurer l’œuvre de Dieu sur terre (Saint Bernard)… et enfin, dans un coin, UNE femme, c’est-à-dire LA femme, la maman vierge. Qui est pure, qui nourrit, aime et pleure, enfin qui fait ce que font les femmes, quoi.
Il faut se rendre à l’évidence : la mythologie chrétienne a inventé le syndrome de la Schtroumpfette des siècles avant Peyo et Delporte.
D’ailleurs… Maintenant que j’y pense… Le fameux « bleu marial » qui par effet domino sert aussi de drapeau à l’Europe… Il faudrait vérifier sur un nuancier Pantone… mais… Il ne vous rappelle pas quelque chose ? Cette silhouette toute bleue qui se marie très bien avec une coiffe blanche ?

Pour fêter cette découverte et le 15 août, le Fond du Tiroir (re)publie une enquête extensive sur ce personnage mythologique toxique entre tous ! Le culte de la vierge Marie, de la sainte maman, est, pour toutes les femmes, une assignation, dangereuse et impossible (soyez mères, mais de préférence sans rapport sexuel).
Pour se dépêtrer un peu de cette folie multimillénaire, décortiquons le motif imaginaire de la vierge enceinte miraculeuse.

Et bonne fête à toutes.