Ça durera pas 107 %

25/11/2021 Aucun commentaire
Illustration ci-dessus : expérience de message subliminal rétroactif, Ainsi parlait Nanabozo, Fabrice Vigne, éd. Thierry-Magnier, 2021, p. 267.

Bingo ! L’œuf vert est fissuré ! L’oiseau (ou le dinosaure ?) est prêt à surgir !

La barre des 100% de la campagne Ulule a été franchie en trombe avant-hier ! Le compteur affiche même 107, oh comme ce nombre magique entre tous flatte l’œil et ravit le cœur… L’objectif symbolique 100% franchi, nous voici assurés de produire notre livre-DVD dans des conditions un peu plus sereines. Est-ce une raison pour s’en tenir là ? Certainement pas. Mesdames et messieurs, il n’est pas trop tard pour voler au secours du succès ! Il vous reste dix jours pour contribuer, encore étoffer la collecte et ainsi faire en sorte que nos conditions passent de un peu plus sereines à carrément détendues, puis à super confortables, voire, rêvons un peu, à scandaleusement luxueuses.

Allez, vous avez bien mérité un peu de démagogie : « Merci infiniment, les chéris ! Vous êtes formidables ! Vous êtes le meilleur public du monde ! Nous ne serions rien sans vous ! On vous aime très fort ! Gros bisous ! » (Peut-on être à la fois démago et sincère ? Ben oui, la preuve.)

Comme promis, ce seuil pulvérisé signifie que nous offrons à tous les souscripteurs du livre (sauf ceux de la version numérique, bien entendu) le marque-page exclusif que nous réservions jusqu’à présent aux seuls souscripteurs de la version deluxe. Par un effet domino, nous enrichissons le panier deluxe d’un nouveau bonus, une carte postale supplémentaire ornée d’un dessin de Capucine. En outre, parmi les autres bonus, les ululeurs deluxe auront la chance de recevoir un poème inédit de Victor Hugo que nous avons retrouvé par hasard dans un vide-grenier (histoire rocambolesque que je vous raconterai peut-être un jour), un poème intitulé L’Année Terrible de la Confine, scoop littéraire pratiquement authentique.

Mais d’ores et déjà les bonus gratuits et les avant-premières tombent sur vous comme à Gravelotte. Voici le poème frais du jour pondu par Marie, Le Corbeau et le Renard de Jean de la Fontine :

 Maître Corbeau, sur un arbre persan
 Tenait en son bec un tajine
 Maître Renard, en plein confinement 
 Lui chantonna cette comptine
 Et bonjour, Monsieur du Corban
 Que vous êtes joli ! Vous chantez Nuit de Chine ?
 Sans mentir, si votre doux chant 
 Se rapporte à votre confine
 Vous êtes le Phénix de ce confinement 
 À ces mots, le Corbeau se sert une bibine 
 Et pour sortir de la confine
 Il ouvre un large bec, et laisse tomber cent francs 
 Le Renard s’en saisit, et dit : Mon corbeau blanc
 Pour notre financement 
 Parlez-en demain à votre copine !
 Ces cent francs valent bien un savon tout blanc !
 Le Corbeau en parle à l’hermine
 Qui donne également environ six-cent francs.

De son côté, Franck « Clip-Clap » Argentier continue à une cadence infernale de produire des vidéos dont aucune ne ressemble à une autre… Aujourd’hui en ligne, l’épisode 22 aborde la foi et la spiritualité en temps de confine, et nous avons par conséquent traité ces couplets en chant grégorien.
Car qui sera jamais plus confiné qu’un moine, hein ?
(Réponse : deux moines. Qui chantent pour passer le temps.)
Starring, en direct de l’abbaye Notre-Dame-de-Saint-Corona : frère Franck, frère Fabrice et la mère supérieure Marie-Confine.

Et puis surtout… Chose compromise, chose drue ! Nous dévoilons enfin la couverture, et même, car on n’est pas chiche, la quat’ de couve, de notre bel ouvrage. Création graphique : Annette « Pannettone » Mary.

Portez-vous bien jusqu’au prochain bilan d’étape, qui comprendra l’épisode 23 du feuilleton Youtube…

Beau comme un 30 février

18/11/2021 Aucun commentaire

Le saviez-vous ? Le 30 février est un jour qui n’a existé qu’une seule fois et en un seul endroit dans toute l’histoire de l’humanité, en Suède, en 1712 !

Cette information tout-à-fait intéressante a certes fort peu à voir avec la campagne Ulule qui nous occupe. Si ce n’est qu’elle est suffisamment excentrique pour toucher à coup sûr et en plein cœur les amis de La Confine, ces êtres singuliers manifestant une sensibilité exacerbée face aux calendriers biscornus, à l’écoulement du temps, à sa mesure somme toute subjective, aux échéances attendues 107 ans, ou au pass sanitaire que l’on se prépare à subir jusqu’à la Saint-Glinglin.

Cependant l’échéance est pour nous imminente. Je veux dire l’échéance concrète et cruciale : plus que 16 jours pour souscrire sur Ulule à la campagne Au Premier Jour de la Confine, le livre-DVD ! Voire nettement moins, pour les innombrables vaniteux parmi vous, qui rêvent, des étoiles plein les yeux, et qui sommes-nous pour les blâmer, de voir leur nom figurer en lettres de feu (ou en noir sur blanc, ce qui est déjà bien) à la page des remerciements de cet incomparable ouvrage. Car nous enverrons la maquette du livre à l’imprimeur dans dix jours seulement – ce qui entraîne que toute souscription notifiée après le 28 novembre, même à taux plein, aux versions extra-plus-deluxe, ou bonus-propre-et-bonus-sale, voire complète-des-quatre-saisons, ne donnera plus droit à ce privilège insensé. Magnez-vous le tronc, CQFD !

On parle, on parle, et pendant ce temps notre campagne vient de franchir en trombe ses 75%. Trois quarts, comme un fier rugbyman ! Nous croyons plus que jamais à On va y arriver et nous remercions chacun de vous bien chaleureusement. Pour célébrer ce bon bout que l’on tient, deux cadeaux :

– Cadeau #1 : nous trouvons très réjouissant le principe des « paliers » sur Ulule, qui ajoutent un suspense dans le suspense, une petite timbale à décrocher pour intéresser la partie. Alors considérons, voulez-vous, ces 100% imminents comme un palier. Si nous l’atteignons, nous offrirons à tous les souscripteurs (sauf ceux de la version numérique, bien sûr) le marque-page exclusif que nous réservions jusqu’à présent aux souscripteurs de la version deluxe. Ces derniers sont priés de ne pas récriminer trop fort (« Quoi ? Comment ? On nous spolie ? Quelle époque, on aura tout vu ! Le wagon de première classe envahi par on-ne-sait-qui ! Ont-ils seulement leurs billets, monsieur le contrôleur ? Et leur pass sanitaire ? Voilà bien la démocratie dévoyée, des gueux revendiquent les mêmes avantages que nous, qui avons pourtant payé plein bu ! Fi ! Des sans-culottes ! Des gilets jaunes, peut-être ! »), car illico, par un effet domino, nous enrichissons leur propre panier d’un nouveau bonus, une carte postale supplémentaire ornée d’un dessin de Capucine. Tout le monde est content ? Et si jamais la campagne dépassait 125%, promis, nous inventerons un nouveau palier.

– Cadeau #2 : et voilà que déboule sur les écrans la saison 21 de la Confine sur Youtube ! Toujours illustrée avec grâce et esprit par Capucine et toujours animée, cette fois sous forme de petit théâtre, par Franck et sa boîte à outils sur clavier, ciseaux virtuels et bâton de colle numérique sans odeur. Cette saison est très particulière – comme toutes les autres ? Encore plus que les autres ! Car, exceptionnellement, elle ne contient qu’un seul couplet. Oui mais alors quel couplet. Son sujet, ce jour-là, défrayait la chronique : le confinement avait permis la descente en pleine ville d’animaux sauvages que la circulation automobile n’effarouchait plus. On apercevait des fauves dans les rues. Le monde sauvage se déconfinait. Les loups sont entrés dans Paris pendant la confine… Quelle direction musicale prendre ? Une chanson de Serge Reggiani, peut-être ? Non, trop téléphoné. Plutôt du Prokofiev. Pourquoi ? Vous allez voir.

C’est tout pour aujourd’hui ! Prochain bulletin de santé dans quelques jours avec (roulement de tambour)… La couverture du livre !

S’emberlificoter les doigts

14/11/2021 Aucun commentaire

On va y arriver !… clame la phrase prête-à-porter, obligeamment fournie par Ulule à ceux qui n’ont pas le goût d’inventer leur propre message d’encouragement… Merci à tous ceux qui nous ont adressé cette phrase fleurant bon sa méthode Coué mais remplissant à merveille sa fonction de réconfort !

Bilan d’étape : à l’heure où je vous parle, notre campagne de souscription sur Ulule en est à 42 souscriptions (42 mercis), par conséquent il nous en manque 58 pour gagner notre pari et faire exister Au Premier Jour de la Confine, le livre-DVD. Restent 21 jours… Soit presque 3 souscriptions par jour… On va y arriver ?

On va peut-être y arriver, on devrait y arriver, ce serait tellement bien qu’on y arrive… et on croise les doigts comme les escargots dessinés ci-dessus par Capucine, qui mine de rien réinvente génialement l’icône fameuse mais un peu convenue des “Trois singes” : au fond, il vaut bien mieux s’emberlificoter les doigts de superstition que se fermer les yeux, les oreilles et la bouche. Ouvrons grand tout cela, et souscrivons !

Quant à Marie, qui rimaille comme elle respire, elle pond tous les matins un nouveau couplet promotionnel avec rimes en -ine et -an.

Voici celui de la matine/Pour votre divertissement :

Vous avez trois amies (deux riches, une radine) ?
Aux trois amies vous dites « Achète la Confine »
C’est un livre amusant, rigolo, épatant
Ces trois amies ont quatre amies à Gravelines ?
Sur les quatre deux riches et deux plutôt radines
Les deux riches ont environ quatre amies en Chine ?
Une riche, une pauvre, et deux pas très radines
Ayant chacune un frère né à Monceau-les-Mines
Une tante à Dinan, un Tonton à Meylan
Si l’oncle de Meylan possède une berline
Et la tata de Dinan de l’or, des diamants
Parlez-en, parlez-en aux cousins, aux cousines
De Meylan, de Ceylan, ou de Montceau-les-Mines
S’ils ont tous une amie qui généreusement
Décide aveuglément de donner son argent
A Tata Capucine (qui peint si finement)
A Fabrice, à Marie mais sans oublier Fran
Ckargentier mon voisin (un gars époustouflant)
Nous pourrons tous les quatre avant le jour de l’an
Terminer la Confine et le confinement !

Et Franck, au fait ? Oh, Franck turbine ! / Il turbine comme un dément !

Il vient de larguer sur Youtube l’épisode 20 de la Confine, qui, comme (presque) chacun des 19 précédents, est instantanément devenu notre épisode préféré :

Dans cette 20e “saison”, trois nouveaux couplets, trois nouvelles histoires et trois nouvelles directions :

– couplet 76, paroles Laurence Menu et musique Piotr Ilitch Tchaïkovski (car nous ne collaborons qu’avec les meilleurs auteurs) : les affres d’une ballerine confinée.

– couplet 77, on profite de la réclusion à domicile pour faire preuve d’empathie envers ceux pour qui quitter sa maison est une question de vie ou de mort – les migrants. Car, oui, la Confine est sans aucun doute 107 choses différentes, y compris une chanson engagée ! (musique : British Grenadiers, traditionnel anglais)

– couplet 78, Marie retombe en enfance (rime en -ine du jour : comptine) sur l’air d’Ah vous dirai-je maman qui, contrairement a une rumeur persistante, n’a pas été composé par Mozart et croyez bien qu’on le regrette, car on l’aurait volontiers remercié au générique. C’est partie remise : mesdames et messieurs, Mozart sera convié sur le couplet 85 (teaser) !

À bientôt les amines !

Ça, nous le savons

12/11/2021 2 commentaires

La campagne Ulule Au premier jour de la Confine bat son plein ! À raison de trois ou quatre souscriptions quotidiennes, On va y arriver, comme le dit la phrase toute faite mais réconfortante, commentaire prêt-à-porter proposé par Ulule à ceux qui n’ont pas envie d’inventer leurs commentaires eux-mêmes.

À ce jour, quatre d’entre vous, devenus instantanément nos petits chouchous, ont souscrit à la version « avec supplément propre et supplément sale« , c’est-à-dire qu’ils recevront, en plus de tous les goodies de la version luxe, le kit complet pour se salir puis se laver pendant le confinement : les couplets XXX (coquine/amant) et les dessins hot de la Confine censurée, réservés aux adultes, sous pli discret ; ainsi que la savonnette exclusive « La Confine » (produit dérivé absolu, mais glissant), qui selon une rumeur non vérifiée par le professeur Raoult, protègerait des virus mieux que n’importe quel gel hydroalcoolique ou tube de Vicks Vaporub.

Pour informer nos quatre chouchous, mais aussi pour donner envie à tous les autres (hé, les autres, il n’est pas trop tard pour devenir vous aussi notre petit chouchou, vous pouvez à tout moment ajouter une contrepartie dans votre petit panier !), voici un petit reportage photo dans les coulisses de l’atelier savonnerie, aux bons soins d’Annika Brunel.

Annika, depuis son Allemagne (car, oui, la Confine est un grand projet européen… peut-être même, maintenant que vous m’en parlez, est-elle LE grand projet européen), a inventé SaTraDem, le Savon Traditionnel de Demain, et a accepté de créer pour nous sa série limitée Au premier jour de la Confine.

D’abord, les ingrédients :

– NaOH (soude caustique)
– huile d’olives*
– hulie de coco*
– huile de colza*
– beurre de karité*
– beurre de cacao*
– huile de rizin*
– hulie de grenade*
– huiles essentielles/naturelles(*)
– Tio2 (dioxyde de titane)
– argile rouge
– écorces de mandarines
– pépins de grenade*
(* = bio)

Puis, la tambouille :

La préparation des lingots :

Le découpage :

L’estampillage (admirez le magnifique tampon la-tête-à-Covid, autre création d’Annika) :

Les trois semaines de séchage (attention, l’image ci-dessous n’est qu’une suggestion de présentation, avec grenade et mandarine, ne tentez pas de faire sécher ainsi chez vous) :

Et voilà ! Merci Annika ! Salissons-nous et lavons-nous comme au premier jour de la Confine !

Cocher les bonnes cases

02/11/2021 Aucun commentaire

La Toussaint est le temps de songer à nos morts. Je me rends au Père Lachaise, secteur columbarium, terminus case n°382. Je m’incline pour déposer mes hommages et cependant je lève les yeux, puisque la case que Georges Perec partage avec sa tante Esther et sa cousine Éla Bienenfeld est plus haute que mon front. Perec réduit en cendres est en sa dernière demeure, comme on le voit sur le cliché ci-dessus, voisin de palier de Jérôme Savary, ainsi qu’à quelques pâtés de Stéphane Grappelli, Edmond Jabès, Max Ernst, Achille Zavatta, Jacques Rouxel, Michel Magne, Pierre Dac, Isadora Duncan, Isidore Isou (ne sont-ils pas merveilleusement assortis par leurs prénoms, ces deux-là ?) ou Philippe Honoré, l’un des dessinateurs de Charlie Hebdo ayant pris une retraite anticipée le 7 janvier 2015. On croise des célébrités. Jusqu’au columbarium, le Père Lachaise vous a un petit côté carré VIP.

Je viens de lire, « avec passion » serait un peu exagéré tant la forme en est archi-distancée, mais du moins avec grand intérêt, le diptyque Fun et More Fun de Paolo Bacilieri (éd. Ici Même, 2015 & 2016). Ce livre retrace et romance l’histoire des mots croisés, d’abord à New York où furent inventés en 1913 ces jeux intellectuels imprimés à la fin des journaux, puis à Londres, Paris et Milan. Le second tome est celui qui évoque la France, Paris, et quelques grands verbicrucistes français parmi lesquels Georges Perec tient la vedette. Perec était l’un des génies de l’exercice, héros incontestable des mots y compris croisés, profond théoricien et malicieux praticien, et de très belles pages lui sont consacrées.

Je me recueille en silence dans le columbarium. Ici les cendres et les mémoires sont bien rangées. Je fais face à d’interminables lignes et colonnes de cases, certaines blanches, d’autres noires, je n’ai pas besoin de m’halluciner bien longtemps pour voir une grille de mots croisés où Perec occuperait la case 38/IV. Surtout, je pense à la très audacieuse hypothèse que Paolo Bacilieri développe dans son livre, qu’il développe d’ailleurs de façon purement graphique, c’est moi qui explicite et souligne. Selon lui, élucider une grille de mots croisés est une opération qui consiste tout simplement, par métonymie, à donner du sens à la modernité.

Dessins d’architecture à l’appui, il suggère que les mots croisés sont nés, quasiment en même temps que la bande dessinée qui est une autre manière de remplir des cases à la fin des quotidiens, dans une ville de cases : voyez la façade de l’Empire State Building et de tous les autres gratte-ciels, ils reproduisent verticalement des planches de BD ou des grilles de mots croisés ; puis, ces deux arts se sont diffusés dans tout le monde occidental au fur et à mesure que ses grandes villes se new-yorkisaient en multipliant les buildings et les agences de presse, les grands ensembles de lignes et de colonnes, les petites cases, tout un agencement rationnel orthonormé du monde et de la connaissance. Horizontalité, verticalité, quadrillage, gaufrier, et plan à angle droit des villes nouvelles : pas de solution de continuité.

Remplir des cases de mots croisés, pour l’homo sapiens urbain du XXe siècle, était un moyen implicite de révéler, conforter, et mettre à l’épreuve sa vision du monde. Ça rentre ? Oui, ça rentre, j’ai recréé lettre à lettre mon habitus miniature. (Puis, au XXIe siècle, le sudoku a remplacé le mot croisé dans les transports en commun parce que plus généralement les chiffres ont remplacé les lettres, que voulez-vous, c’est la numérisation, la logique comptable, un autre problème mais toujours une grille de petites cases à remplir.)

Face aux petites cases en marbre, je salue du menton Perec et son œuvre toujours aussi fertile : ses mots croisés, ainsi que son brillant essai Considérations de l’auteur sur l’art et la manière de croiser des mots, sont régulièrement réédités… Mais La vie mode d’emploi, chef-d’oeuvre au titre programmatique, aux 2000 personnages et aux 99 chapitres, m’apparait soudain avec la force de l’évidence comme une façon supplémentaire d’affirmer le même Weltanschauung, la même opération de réappropriation du monde sur un damier de 10×10 cases carrées. Puis, je resserre mon écharpe parce que le ciel se couvre, je fais demi-tour et je quitte le Père Lachaise, les mains dans les poches. Temps de Toussaint.


Le lendemain, je trouve une autre façon de célébrer les morts dans leurs cases. Je visite, pour la première fois, le Panthéon. Je n’avais jamais eu le désir suffisant de pénétrer ce temple républicain qui, depuis la mise en scène de Mitterrand par Serge Moati, me semblait relever du Disneyland mémoriel. Et puis, l’occasion fait le pèlerin. Après tout l’endroit n’abrite pas que des quelconques évêques et d’interchangeables généraux premiers venus à qui on distribue un éternel caveau aussi désinvoltement que la Légion d’Honneur, mais également des personnes réellement admirables qui ont sans conteste fait la France. Hugo, Voltaire, Jean Zay, Germaine Tillon, Aimé Césaire, Joséphine Baker… Je paie mon respect.

Cependant je ne peux m’empêcher, me remémorant Malraux et sa voix chevrotante et monotone d’acteur kabuki, de me répéter en silence l’excellente blague de Killoffer : Que dit-on quand on est en train de chier et qu’un fâcheux tambourine à la porte ? N’entre pas ici, j’en moule un. Parfois, on est tiré vers le bas, n’est-ce pas. Mais je descends jusqu’à la crypte et la solennité opère. Je m’assois et j’écoute au casque le fameux discours, les yeux fermés :

Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit…

Quand Malraux cède enfin la parole au Chant des partisans, je suis en larmes. Parfois, on est tiré vers le haut, n’est-ce pas. Toujours la même histoire : la surface des mots fait rire, leur profondeur ait pleurer.

De retour dans la nef, je me passionne pour l’expo temporaire, Un combat capital, consacré à la longue marche de l’abolition de la peine de mort, 190 ans entre sa proposition à l’Assemblée Nationale et son vote effectif en 1981 – contre l’avis de la foule, 62% des Français étaient et sont sans doute encore contre. Je me dis au passage que tous les gens admirables ne sont pas panthéonisés ni panthéonisables, et heureusement. Albert Camus, sur la barbarie de la loi du Talion :

« Si donc l’on veut maintenir la peine de mort, qu’on nous épargne au moins l’hypocrisie d’une justification par l’exemple. Appelons par son nom cette peine à qui l’on refuse toute publicité, cette intimidation qui ne s’exerce pas sur les honnêtes gens, tant qu’ils le sont, qui fascine ceux qui ont cessé de l’être et qui dégrade ou dérègle ceux qui y prêtent la main […]. Appelons-la par son nom qui, à défaut d’autre noblesse, lui rendra celle de la vérité, et reconnaissons-la pour ce qu’elle est essentiellement : une vengeance. »

De nouveau, je m’assois dans un coin et j’écoute au casque, yeux fermés, des documents sonores d’époque mis à la disposition des visiteurs. Ici, deux chansons, quasi-contemporaines, de deux chanteurs populaires, l’un pour et l’autre contre. J’écoute L’assassin assassiné : Julien Clerc seul à son piano, humaniste vibrant, lyrique (Le sang d’un condamné à mort/C’est du sang d’homme, c’en est encore) – parfois, n’est-ce pas, on est tiré vers le haut. Puis Je suis pour : Michel Sardou en populiste lyncheur qui incarne à merveille l’esprit de vengeance dénoncé par Camus (C’est trop facile et trop beau/Il est sous terre, tu es au chaud/Tu peux prier qui tu voudras/J’aurai ta peau, tu périras). Sardou est infiniment plus funky que Clerc ! Quelle rythmique endiablée, écoute un peu cette ligne de basse, et le sax bar, et les violons, super ! Je me mets à remuer la tête en mesure, je danse assis, limite je claque des doigts. Puis soudain je reviens à moi, j’ouvre les yeux, je vérifie honteusement que personne ne me regarde. Parfois, n’est-ce pas, on est tiré vers le bas.

Au premier jour de la Confine, le livre-DVD

29/10/2021 Aucun commentaire

Chers amis proches et lointains

J’avais juré, non, non, c’est fini, je n’éditerai plus jamais de livre au Fond du Tiroir… Et puis… Et puis j’ai le grand plaisir et le petit trac de vous annoncer la parution prochaine de…

Au premier jour de la confine, le livre-DVD !

… que j’ai amoureusement conçu depuis un an et demi en compagnie de Marie Mazille (auteure-compositrice-interprète), Capucine Mazille (illustratrice), Franck Argentier (musicien, vidéaste).

Il s’agit du 20e livre que je publie, chiffre rond comme un ballon d’essai – or justement j’en profite pour tenter une expérience inédite à mon échelle : la souscription par crowdfunding. En français : par craodfoundine. La campagne est lancée aujourd’hui même, pour une durée de 38 jours, avec clôture le dimanche 5 décembre.

Pour ceux qui ignoreraient le principe du craodfoundine : nous déléguons la campagne de souscription à une plateforme en ligne, en l’occurrence Ulule. Terminée, la fastidieuse époque où pour acquérir l’un de mes ouvrages il vous fallait dépêcher un coursier à cheval muni d’un chèque barré libellé au Fond du Tiroir ! Rions de ces archaïsmes révolus ! Désormais, il vous suffit de cliquer sur le lien de la campagne… de lire toutes les aimables bêtises que j’ai écrites là (y compris la FAQ cachée au bas de la page), d’admirer les somptueuses illustrations de Capucine, d’écouter les musiques de Marie dans les extraits vidéo réalisés par Franck, de hocher la tête en vibrant d’approbation et en murmurant : « Ah ouais trop bien ! », et enfin de faire chauffer votre carte bleue pour commander la contrepartie de votre choix, de la plus simple et la moins chère jusqu’à la plus farfelue et luxueuse.

Ensuite, il ne vous restera plus qu’à attendre que, grâce à votre contribution, nous remettions les mains dans le cambouis et accomplissions les derniers fignolages de notre œuvre collective, puis à recevoir chez vous le précieux accomplissement avant noël, afin de hocher la tête en vibrant d’approbation et en murmurant au pied du sapin : « Ah ouais trop bien le cadeau ! »

Mais au fait, qu’est-ce que c’est, Au premier jour de la confine, le livre-DVD ?

C’est une chanson interminable, à 107 couplets, consacrée à nos conditions de vie durant un événement historique collectif et majeur, lui aussi vécu comme interminable : le confinement de 2020. Le tout avec une invraisemblable variété de thèmes, d’arrangements, de styles, d’instruments, mais toujours sur deux rimes exclusivement, -ine et -ment. Exemple, que j’improvise sous vos yeux et en alexandrins, mesdames et messieurs :

Voir le bout du tunnel ? La fin de la confine ?
Il fallait pour cela le bon financement
Nous avons donc opté pour le craodfoundine
Merci ! Bravo ! Tonnerre d’applaudissements !

Vous voyez ? Trop fastoche !

Cette économie de moyen renvoie à l’état d’esprit du confinement lui-même : faire le maximum avec le minimum, trouver mille variations sur une situation de départ contrainte à l’extrême, imaginer et inventer sans cesse pour ne jamais céder à la routine… De même, pour renouveler en permanence le projet, au fil des couplets nous avons profité, souvent à distance, de la participation d’innombrables musiciens, chanteurs et auteurs : Frères de Sac Quartett, Patrick Reboud, Farid Bakli, Isabelle Bazin, Catherine Faure, Nassima Boulghens, Luc Biichlé, Magda Mokhbi, Delphine Martonfalvi, Florence Lebonvallet, Olivier Destéphany, Alain Lafuente, Stéphanie Bois, Benoît Olivier, Laurence Menu… C’est bien simple, tous ceux qui n’auront pas participé à l’aventure seront jaloux. Heureusement qu’ils pourront se consoler en commandant le livre-DVD.

Voilà ! Nous comptons sur vous : cliquez, souscrivez, partagez sur vos propres réseaux, et (sans vous commander) amusez-vous. En contrepartie, comptez sur nous : vous allez voir ce que vous allez voir.

Je vous embrasse avec plus ou moins de gestes barrière, et à bientôt dans la vraie vie déconfinée.

Fabrice

PS : et on ajoute dans le panier, en exclusivité du jour, le 18e épisode du feuilleton qui vient de débarquer sur Youtube !
Ce 18e épisode contient deux couplets : le numéroté 71 dit « couplet puant » (puisque consacré au manque d’hygiène pendant le confinement, oui, oui, vous aussi, ne faites pas l’innocent) mais entraînant en diable puisque écrit sur des danses bretonnes ; et le 72 dit « couplet orientalisant », qui divague sur les origines chinoises de la grosse panade, avec, naturellement, Olivier Destéphany en guest-star au shakhuashi…

Je m’éparpille (car tout m’est atelier)

23/10/2021 Aucun commentaire
« Un obus de 15 centimètres de long a été apporté au collège Georges-Charpak par un élève. » Photo Gendarmerie de Gex

Oh j’ai bien deux ou trois (ou quatre) livres à finir, mais je m’éparpille en chemin et j’écris des bricoles, puis d’autres bricoles, je joue, je réponds, je fais atelier.

Je m’éparpille comment ?

1) Je m’éparpille comme soufflé par un obus de la guerre de 14. Tiens justement, Marie Mazille, selon notre habitude, m’envoie une coupure de presse qui devient le sujet d’une chanson, c’est notre atelier d’écriture à deux et à distance, une sorte d’hygiène, de gymnastique.
L’article du jour porte sur un fait divers : « Mardi 19 octobre, le collège Georges-Charpak de Gex a été évacué pendant une heure. En cause, un obus apporté par un élève lors de son cours d’histoire-géographie. » Toutes affaires cessantes, c’est parti, feu. J’opte pour une forme délicate et sophistiquée sur quatre rimes croisées, ac, ic, èc, oc. Forcément ma plume dévie en cours de route et je m’éloigne du fait divers initial pour en évoquer un autre quatre vers avant la fin.

Grande stupeur au collège Georges Charpak !
Le prof d’histoire encourage les travaux pratiques
Invitant les élèves à la bibliothèque
À se munir d’objets racontant les époques…
Ce matin-là l’objet choisi faisait tic-tac !
Un obus de 14 enclenche la panique !
« C’était à mon grand-père » , se défend le blanc-bec
Insouciant de la peur que sa bombe provoque :
700 élèves évacués de la baraque !
Une alerte à la bombe, on appelle les flics
Peu s’en faut qu’on lançât un nouveau plan ORSEC
Le préfet, les pompiers sécurisent le bloc
La région aux abois : un terroriste attaque !

Plus de peur que de mal : l’artefact historique
N’était plus en état d’engendrer des obsèques.
Mais il ne faudrait pas minimiser le choc
Car il y a de quoi rendre paranoïaque…
Pour la prochaine fois, un cours sur l’Amérique
Chacun apporterait arc, flèches, poignard aztèque
Et l’on se scalperait à coups de tomahawk ?
Le collège aujourd’hui c’est n’importe nawac !
Laissons les professeurs faire oeuvre pédagogique
Je sais bien que chacun doit gagner son bifteck
On dit qu’il y a beaucoup d’enseignants sous médocs
Mais si ça les retient de distribuer des claques…
Tenir, jusqu’à la fin, palmes académiques…
« Pense aux enfants ! À ta mission ! Et à ton chèque !
À Samuel Paty sans faire dans ton froc ! »
A-t-on le droit de l’dire sans passer pour réac ?
Ton métier a changé, ainsi que ton public
Je tire mon chapeau, je bois à ta santé, mec !

(Avis aux amateurs : le stage d’écriture de chansons que Marie et moi-même sommes censés animer pour Mydriase, annulé en avril 2020, annulé en avril 2021, pourrait bien avoir lieu enfin en avril 2022 !)

2) Je m’éparpille aussi comme des graines soufflées à tous les vents. J’anime des ateliers d’écriture thématiques en médiathèque, or le dernier en date portait sur les graines, les plantes, la nature, tout ce qui pousse autour de nous. L’un des exercices que j’ai proposés était d’écrire un poème utilisant, en fin de vers, les mots : Tige, Sève, Feuille, Fleur, Fruit, et/ou Graine. J’ai composé au pied levé et en heptasyllabes (c’est vrai, ça, pourquoi pas l’heptasyllabe, on ne pense pas assez heptasyllabe) l’exemple suivant :

Et si demain tout se fige
Regarde grimper la tige
Et si demain tout s’achève
Regarde monter la sève
Si demain semble un cercueil
Regarde pousser la feuille
Même si demain tout meurt
Regarde s’ouvrir la fleur
Avant demain et la nuit
Regarde mûrir le fruit
Qui sait où demain nous mène ?
Regarde voler la graine

(Avis aux amateurs : le prochain atelier que j’animerai aura quant à lui pour thème l’amour (pas moins) et aura lieu le samedi 13 novembre à la médiathèque d’Eybens – et c’est gratoche.)

3) Je m’éparpille enfin comme on perd son temps sur Internet, à répondre à des mails. Chic, encore un brouteur qui vient me brouter ! Je ressors mon avatar « Raoul DeBoisat » !

Salut,
Veuillez m’excuse pour le dérangement.
Je vous prie d’ouvrir ma lettre sincère !
Bonne journée
Marie
[j’ouvre la pièce jointe :]
Salut bel-inconnue,
Comment allez-vous ? Tout d’abord, je tiens à m’excuser auprès de Vous pour le dérangement, j’espère de tout cœur que la conversation se poursuivra, je suis célibataire. Contactez-moi directement par e-mail j’espère que de Votre côté, vous avez également envie d’y croire et que j’aurais le Plaisir de recevoir une réponse.
[portrait d’une trentenaire brune, hilare, habillée pour l’été]

Chère Marie bonjour
On se méfie toujours quand on reçoit un message d’une inconnue… Pourtant, votre mail comportait le mot « sincère » et j’aime beaucoup la sincérité. Donc j’ai ouvert votre lettre sincère en toute confiance. Je ne suis pas déçu : vous êtes charmante et quand on vous regarde on a immédiatement envie d’en savoir plus sur vous. Où habitez-vous ? Que faites-vous dans la vie ? Êtes-vous vaccinée contre le Covid ? Dites-vous plutôt « le Covid » ou « la Covid » ? « Pain au chocolat » ou « chocolatine » ? Quelles sont vos mensurations (poitrine/hanche/taille) ? Mangez-vous de la viande ? Si oui, combien de fois par semaine ? Connaissez-vous la pizzeria Fratelli à Besançon, rue Berçot (c’est super sympa, la pizza végétarienne est à 15 euros, c’est un peu cher mais ça les vaut) ? Croyez-vous en Dieu ? Et si oui, pourquoi ? Ça t’ennuie si on se tutoie ? Bref, j’ai hâte d’avoir avec vous de grandes conversations comme avec une vieille copine et tous les petits détails m’intéressent.
Bien à vous
Raoul DeBoisat

Je me nomme Marie-Francoise, je suis Célibataire sans enfant et je suis célibataire j’en marre de la solitude. Je suis une femme de nature gentille, sérieuse, compréhensive, respectueuse. Honnête, sincère et fidèle. Je cherche l’âme sœur, je serais très ravie de fait votre connaissance. Avez-vous un compte Skype ou Hangout si oui laisse le moi pour que je puisse vous envoyer une demande pour qu’on puisse dialoguer.
Bien à vous.
Marie

Chère Marie-Françoise.
Merci pour votre chaleureux message qui énumère toutes vos qualités sincères mais… je ne suis pas sûr de comprendre… un doute persiste… Quand vous dites « Je suis célibataire », qu’est-ce que ce mot signifie pour vous, au juste ? Cela veut-il dire que vous n’êtes pas mariée ? Que vous n’avez pas d’homme dans votre vie ? Que vous souffrez de solitude ? Par conséquent que vous seriez disponible voire disposée à une rencontre ? Une aventure sentimentale et sexuelle avec un homme ? Et cette aventure pourrait être… (pardonnez-moi, je me projette déjà) avec moi ? Vous pourriez vivre une folle passion avec moi ? Nous pourrions nous aimer follement en nous moquant du qu’en-dira-t’on ? Soyez indulgente si j’extrapole et si je déforme votre pensée, j’espère ne pas vous froisser, ne pas vous faire dire ce que vous n’avez pas dit et vous faire passer pour une femme facile ! Parce qu’après, vous allez répondre « non mais pas du tout espèce de mytho », vous allez balancer votre porc alors merci bien. Mais j’ai besoin d’être certain, soyez claire SVP : êtes-vous, oui ou non, célibataire ? Et si oui, pourquoi ne répondez-vous pas à mes petites questions (sur votre vaccination, votre pass sanitaire en cours de validité, vos mensurations, et votre connaissance de Besançon) qui permettraient d’accéder à une connaissance plus intime l’un de l’autre ? Votre silence est un peu décevant, je l’avoue.
Bien affectueusement,
Raoul

Je vous remercie de répondre Raoul,
C’est avec joie et bonheur que j’accueille en moi un si beau et tendre message de ta part et sache que c’est un plaisir toujours partagé et renouvelé d’être en ta compagnie par le biais de nos écrits qui se rencontrent sans cesse !
Moi je suis celibataire sans homme ni d’enfant je suis la recherche d’un homme sincère fidèle et honnête Oui oui je serais disponible pour une rencontre et je serais prête pour une relation sentimentale et sexuelle avec un homme.
Oui oui nous pourrions si nous faisons bien la connaissance si cela ne vous dérange pas.
Si j’ai fais le vaccination et je mesure 171 cm , 65 kg , silhouette normale.
Permets-moi de te poser quelques questions.Je peux avoir quelques photos de vous ??
Avez vous un compte Skype ou hangouts pour bien faire la connaissance
Marie

Chère Marie-Françoise
J’étais déçu de n’avoir pas de nouvelles de vous depuis plusieurs jours… Et puis in extremis j’ai eu le réflexe de regarder dans ma boîte à spams. Suprise ! Votre message avait été rangé là et il m’attendait avec votre taille en centimètres et votre poids en kilogrammes !Quel toupet ont ces navigateurs GAFAM et compagnie qui décident à notre place qui sont les désirables et les indésirables ! Ensuite, comme il faut bien s’occuper, j’ai passé mon après-midi à philosopher sur qui est désirable et qui est indésirable et j’ai fini par somnoler. Marie-Françoise, es-tu désirable en plus d’être célibataire ? Ou bien es-tu célibataire justement parce que tu n’es pas désirable ? Ces questions me hantent, désormais !Ainsi qu’une autre, brûlante : habites-tu loin de Besançon ? Je préfèrerais une rencontre en chair et en os plutôt que de confier mon image à Skype ou Hangouts, qui la revendraient sans aucun doute aux Russes ou aux Chinois pour faire de la désinformation politique. En outre, la rencontre physique permettrait de s’aimer sexuellement tout nus, j’expère que tu vois ce que je veux dire sans que j’ai besoin de préciser car j’ai ma pudeur. Je ne te propose pas de venir chez moi parce que ma nièce risquerait de débarquer à tout instant mais je connais un hôtel assez propre à seulement 100 mètres de la gare.
Je t’embrasse
Raoul DeBoisat

Bonne journée!
Merci pour votre réponse Raoul
Comprend moi j’aimerais bien faire votre connaissance.
Mais tu peux créer un compte Skype ou hangout, la on pourras bien discute.

Marie-Françoise
votre insistance à me créer un compte skype ou hangout, plutôt qu’à me retrouver dans notre nid d’amour à Besançon, me met la puce à l’oreille. Attention, ceci est une métaphore, je ne dis pas que vous souhaitez me greffer une puce ou un QR code dans l’oreille pour me tracer et épier mes moindres faits et gestes… mais pas loin. Il est temps de dire la vérité ! Êtes-vous vendue aux GAFAM, Marie-Françoise ? Ou pire, aux Chinois, aux Russes, aux Reptiliens qui veulent faire de nous une armée de robots vaccinés ?
Mon cœur saigne, Marie-Françoise.

(Avis aux amateurs : écrivez-moi, je vous répondrai ! J’adore qu’on m’offre des occasions de procrastiner !)

De l’amour (encore)

09/10/2021 Aucun commentaire

Hier, vu le Rabih Abou-Khalil trio sur scène.
Oh, fabuleux ! L’un des meilleurs concerts de ma vie. En tout cas mon meilleur de la semaine.
J’aime et je vénère la musique de Rabih Abou-Khalil depuis des décennies, mais je le voyais live pour la première fois et j’ai découvert une autre de ses facettes : il est aussi un excellent humoriste. Entre chaque morceau, il a débité d’innombrables imbécilités hilarantes, sur un ton pince sans rire, entre ses deux musiciens impassibles qui de toute façon ne pigeaient pas un mot de français. Par exemple : « Dans le morceau suivant, j’aborde un thème audacieux, rarement traité en musique… L’amour. J’ai intitulé ce morceau : « Ne me quitte pas, si tu me quittes il faudra que j’en trouve une autre et c’est beaucoup de travail ».
Cynisme fort récréatif mais…

Par ailleurs, le livre qui déforme ma poche ces jours-ci, et qui la déformait y compris pendant le concert est La rose la plus rouge s’épanouit par la Suédoise Liv Strömquist (ed. Rackham, 2019). Il s’agit d’un essai sur un thème audacieux, rarement traité en littérature… L’amour. Plus exactement, sur les raisons pour lesquelles l’amour est si difficile aujourd’hui, si empêché.
Et c’est passionnant. Elle énumère méthodiquement les hypothèses sur les causes de la disparition de l’amour dans nos vies : la disparition de l’autre au sens large (notre civilisation est celle de l’égo, symbolisée par le selfie), la rationalité (qui domine les sciences depuis trois siècles – mais qui détruit l’amour), la négation de la mort et du vieillissement (quasiment un corolaire du point précédent), le changement sociétal du statut masculin, et plus largement le désenchantement du monde tel que décrit par Max Weber…

Sont mis à contribution bien sûr Socrate, Kierkegaard (1) et Roland Barthes, les trois experts académiques de l’amoûr, mais aussi Leonardo di Caprio (point de départ de l’étonnement philosophique, et donc de la réflexion), Emily Dickinson, Marsile Ficin, Lou Andreas-Salomé, Thomas Mann, Angela Davis, le Schtroumpf à lunettes, Lovie Austin, Eva Illouz, Jabba the Hutt, George Bataille, Erich Fromm (qui dès les années 50 expliquait pourquoi la civilisation occidentale était fatalement nulle en amour, puisque par définition elle cherche à prendre plutôt qu’à donner), Shiva et Parvati, Thésée et Ariane, Beyoncé (archétype de l’amoureuse contemporaine, rationnelle, utilitariste, adepte du développement personnel et de la résilience, amoureuse thérapeutique, capitaliste win-win et empowérée) ou au contraire Lady Caroline Lamb (archétype de l’amoureuse démodée, passionnée, ravagée, à mauvaise réputation), ou enfin la poétesse américaine Hilda Doolittle qui tomba éperdument amoureuse une dernière fois à 74 ans d’un jeune homme pour qui elle écrivit maints poèmes, dont « La rose la plus rouge s’épanouit » qui donne son titre au livre de liv Strömquist.

Quel(le) imbécile peut prétendre Je sais aimer et je n’ai rien à apprendre sur la question et renoncer à lire ce livre ? Cette enquête sur l’amour parle forcément de vous, d’une manière ou d’une autre. Puisqu’elle parle de moi. Elle parle de quiconque a éprouvé ce sentiment audacieux, si rarement traité dans les arts. Je suis sûr qu’elle parle aussi, en cherchant bien, de Rabih Abou-Khalil.

(Comme le sujet ne saurait être clos, l’œuvre de Liv Strömquist revient au fond du Tiroir ici.)


(1) – « Aimer est le bien suprême et la plus haute félicité. Celui qui aime vraiment s’est enrichi, car il s’enrichit chaque fois qu’il peut donner son amour en renonçant à la réciprocité. » Soren Kierkegaard, Les œuvres de l’amour, 1847. Totalement ringard à notre époque de Qu’est-ce que j’y gagne ?

Au quatre coins du carré magique

04/10/2021 2 commentaires

Comme dit l’autre, « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance. »

J’étais depuis plusieurs mois en quête intérieure d’une image manquante, engloutie au fond de ma mémoire.

J’avais beau touiller, l’image restait floue, reflétée à la surface d’une eau mouvante. Il s’agissait d’une image vue durant les années 70, dans l’un des albums reliés trimestriels du Journal de Spirou dont, enfant, je faisais collection. Une image (couverture du journal ? page intérieure ? double-page ? simple cul de lampe ?) annonçait la prochaine prépublication d’un nouvel épisode de la série Isabelle. Telle que je m’en souvenais, cette image était carrée et ses quatre coins étaient occupés par des portraits des quatre auteurs de la série (Will, Franquin, Macherot, Delporte), chacun se renvoyant la balle sur l’air de « Oh non mais moi je n’ai pratiquement rien fait dans cette histoire, voyez plutôt avec les trois autres » .

Si cette image m’a tant marqué c’est qu’elle a condensé, à un moment clef de ma vie de lecteur de bandes dessinées (donc… de ma vie de lecteur tout court) (donc… de ma vie tout court) l’émergence de l’idée même d’auteur, qui supplante celle de personnage : d’un seul coup quatre créateurs avaient un visage et la parole, et se révélaient beaucoup plus intéressants que la créature nommée Isabelle. Encore dix ou quinze ans et je serais mûr pour la déflagration de l’autobiographie dessinée, de Crumb à l’Association, mais ici la graine était plantée.

J’ai longtemps cherché à retrouver cette image sur le web… Hélas j’ai beau avoir usé de mots clefs, Isabelle, prépublication, quatre auteurs… fait défiler les couvertures de Spirou de l’époque… bernique, j’échouai à mettre le doigt de ma souris dessus. Pourtant, à l’ère d’Internet, les questions sans réponse n’existent guère. Notre mémoire externe est sans limites. J’ai soumis ma recherche à un groupe Facebook, Les Fans d’André Franquin… en deux ou trois heures mon énigme était résolue, PDF à l’appui. Merci !

Je relis cette double page publiée dans le Spirou numéro 1928 du 27 mars 1975. Je suis amusé, attendri, émerveillé, je redécouvre que les quatre caricatures sont géniales puisque de la main de Franquin, et que le fameux carré dont j’avais conservé la vague mais indélébile mémoire est en réalité créé de façon subliminale tout autour de la pliure du journal par les quatre mains des auteurs, créant le mouvement perpétuel d’une boucle à quatre maillons.

Quant au message exprimé par cette mise en page très graphique, il est d’une élégance folle, d’une admirable modestie, et en dit long sur la notion de collectif, le contraire même du cliché de l’Auteur plein de son ego qui tire la couverture à lui. Conclusion du texte, fort spirituel, que l’on est en conséquence tenté d’attribuer à Delporte : « La seule explication qui vienne à l’esprit, c’est que l’histoire s’est faite d’elle-même, comme par magie.« 

Et pourquoi donc, au fait, suis-je depuis si longtemps obsédé par cette image ? Pourquoi ai-je tenté avec tant d’empressement de la ressusciter ? Eh bien, parce que ces temps-ci, figurez-vous que je travaille au sein d’un quarteron. Je me sens moi-même le coin d’un collectif carré où la création a l’air de s’accomplir toute seule grâce au talent des trois autres. Depuis un an et demi, je crée Au Premier jour de la Confine avec mes trois camarades : Marie Mazille, Capucine Mazille, Franck Argentier. Je nous imagine sans mal proclamer, chacun à notre tour et avec quelle sincérité, « Oh non mais moi je n’ai pratiquement rien fait dans cette histoire, voyez plutôt les trois autres, tout ça c’est grâce à eux » .

Sur ces entrefaites déboule la 16e « saison » de notre chanson réputée interminable (et pourtant…), consacrée à nos vies à l’époque du confinement. Saison très littéraire puisqu’on y rêve, on y enfile des vers comme des perles (encore une magnifique illustration de Capucine) et qu’on y évoque Les Misérables. Pourquoi Les Misérables ? Allez, un coup d’œil en coulisse : avouons-le, certains des couplets de notre chanson sont nés purement et simplement de leurs rimes, nos deux rimes uniques, pied gauche et pied droit, « -ine » et « -an » . On cherche des ine, des an, ine, an, ine, an… à force de répéter ces sons nous finissons par ressembler à des ânes (« Venez faire les ânes dans mon studio et vous aurez de son« , dixit Thierry Ronget)… Tôt ou tard on ne pouvait que s’exclamer façon Eureka : « Fantine ! Jean Valjean ! Éponine ! » Aussitôt on décide qu’un couplet sera consacré à l’une de nos activités de confinement (mais si, rappelez-vous) : ouvrir un bon gros vieux pavé qui attendait depuis des lustres que l’on soit enfermé chez soi pour lui consacrer du temps. Quant à la musique de cette saison : Marie et Franck se sont à nouveau dépassés pour inventer quelque chose d’à la fois absolument neuf, et d’étrangement familier comme une immémoriale comptine. Petit indice : cette « saison » durant sa gestation a été désignée entre nous sous le surnom « saison Sheller » puis, après révision des arrangements, « saison Gotainer » . Saurez-vous identifier les discrètes influences ? Oui ? Non ? Dans tous les cas, abonnez-vous à la chaîne Youtube « Tous bien confinés » ! Et la souscription du livre-DVD arrive…

Moi ? Ah, non, moi, je n’ai pratiquement rien fait.

La Confine qu’on finit

24/09/2021 Aucun commentaire
« Et moi je l’aime bien avec du citron ! »
Notre Bobyne (Lapointe) portraituré par notre Capucine (de la pointe, de son pinceau).

The Confine is back !

Au premier jour de la Confine, chanson à rallonge, burlesque et politique, signée Marie Mazille/Capucine Mazille/Franck Argentier/Fabrice Vigne, née pendant le confinement de 2020, revient. Et cette fois nous comptons bien aller jusqu’au bout. Ce sera la Confine qu’on finit. De grandes nouvelles arrivent bientôt, mesdames et messieurs préparez-vous à faire chauffer Ulule. Le Fond du Tiroir, qui avait pourtant solennellement juré plus jamais en 2016 après les Reconnaissances de dettes, s’apprête à éditer un livre, parce qu’il aurait été trop dommage que tout ça se perde… Non seulement un livre, mais un livre-DVD. Et divers goodies. Un savon, par exemple. Puisqu’il paraît que les Français ont cessé de se laver pendant le confinement.

En attendant, la saison 14 et la saison 15 du feuilleton surgissent, plusieurs mois après la saison 13 qui va vite fait bien fait être rebaptisée saison 15 afin que la vraie 13 c’est-à-dire la 15e trouve enfin sa place, la soudure est faite non mais laissez tomber ne perdez pas votre temps à essayer de suivre ça n’a aucune importance, écoutez plutôt la chanson…

Précisons plutôt, ce sera plus intéressant, que La Confine est une villanelle, et ça, ça vous la coupe, hein ? dixit Wikipedia : « Villanelle, sorte de petite poésie pastorale mise à la mode, en France, au XVIe siècle, à forme fixe et divisée en couplets qui finissent par le même refrain. (…) Le rythme des villanelles, le nombre des couplets et des vers ont varié selon le caprice du poète. Souvent elles ont quatre couplets de huit vers ; le dernier ou les deux derniers vers du premier couplet sont répétés en guise de refrain. C’est alors, sous un nom ancien, la forme ordinaire de la chanson. » Notre villanelle du XXIe siècle poursuivra sa marche inexorable et triomphale jusqu’à son fatal 107e couplet, mais toujours exclusivement sur deux jambes, et deux rimes, « -ine » et « -an ». Scoupe ! Yves Simon en personne a écrit pour nous un couplet de la Confine ! Car lui aussi a été inspiré par ces deux rimes entêtantes pendant le confinement !

« Tu portais une cape de zibeline
Chère Zelda, et tout en écoutant
Le tube « Kashmir » de Led Zeppelin
Y’en a bientôt marre du confinement ! »

Bon… okay… fake news… pastiche… Monsieur Simon n’a pas écrit la Confine, dont les paroles restent obstinément et hystériquement pondues par Marie Mazille et Fabrice Vigne. C’était juste pour attirer votre attention. Je l’ai, votre attention ? Alors d’un geste expert je l’attire et la déplace sur la saison 13 tout juste sortie des studios Clip Clap, qui est l’une des plus longues à ce jour (4 mn 50 pour 5 couplets), ma saison préférée jusqu’à la prochaine, saison de Marcel Proust (Le temps et Albertine, oh quel beau couple de rimes !), de lecture, de banjo, de jardinage, de rêverie sur une carte postale, de perte de notion du temps… Saison conclue par un magnifique couplet « Boby Lapointe » qui rappelle à quel point Capucine Mazille, en plus d’être une illustratrice drôle, tendre et poétique, est une portraitiste hors pair. (Mais vous le savez déjà si vous avez vu son Raoult, dans le couplet 17, dans la saison 4… Et encore, vous n’avez pas vu son Macron, qui déboulera bientôt au couplet 70 dans la saison 17 si je compte bien…)

To be continued and concluded.