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Un stylo dans la terre

21/04/2018 un commentaire

Pour la seconde fois, la première remontant à 2007, le hasard de mes voyages me fait traverser le village de Lourmarin (Vaucluse) à l’heure du crépuscule et des longues ombres. Pour la seconde fois, je décide un crochet par le bas du village et  me gare devant le cimetière. Ce coup-ci je reconnais mon chemin, je pousse le portail, je tourne à gauche, puis deuxième à droite, je fais comme chez moi déjà : me voici arrivé, devant la tombe d’Albert Camus. Elle est très belle parce que très simple, rien que du granit et du vert. Au premier plan, la pierre tombale massive à la gravure désormais presqu’illisible, est mangée et cernée par les plantes grasses et les herbes. Sous l’effet des grosses pluies des dernières semaines, la végétation y est très touffue. Je m’accroupis, je me recueille, je caresse les feuilles. Camus est mort à 46 ans. Lors de ma précédente visite, j’étais plus jeune que lui.

On lit Camus au lycée, et à cause de cela il trimbale une réputation idiote d’écrivain pour lycéens. Camus est un grand écrivain pour tous les âges parce qu’on est le bienvenu dans ses livres, on y puise à la fois l’intelligence et la limpidité, les affres y sont à notre échelle, ce sont les nôtres, c’est nous en personne mais nous avec des mots que l’on comprend, ce qui fait que ses livres rendent meilleur sans intimider – si Camus était prof de lycée il serait du genre dont on se souvient, dont on se dit quelques décennies plus tard ah oui grâce à lui. Bien sûr il est parfois cité dans ce blog (ici par exemple), ainsi qu’indexé dans les Reconnaissances de dettes, c’est la moindre des choses, il aurait pu l’être davantage.

Je me penche pour regarder ce qui pousse dans la terre, entre la plaque et l’arbuste.

Il pousse là, six pieds au-dessus de la dépouille de l’homme, quelques fleurs mais surtout des stylos. Stylos à bille pour la plupart, quelques-uns à encres, toutes les formes, toutes les couleurs. Ils pointent, verticaux, ou bien chacun avec sa propre inclination, comme s’ils émergeaient de ce terreau fertile. Je souris. Je trouve l’hommage émouvant, et juste. D’innombrables lycéens et ex-lycéens anonymes  se sont donc succédés devant la sépulture et, en guise de révérence, ont planté un stylo dans la terre, peu soucieux d’abandonner un outil facultatif – ce qu’ils conservent en eux d’irremplaçable, c’est l’écriture elle-même. Camus a fait lire, et aussi écrire, tous ceux qui auront laissé ici leur accessoire, et combien d’autres qui n’auront pas fait le voyage.

Si je me méfie des religions comme un allergique traque les traces d’arachide, en revanche j’aime les rituels. Je fouille mes poches, mon sac, j’ai forcément un stylo qui traîne. J’en trouve un, machinalement je vérifie qu’il fonctionne, du pouce je presse son sommet pour en faire sortir la pointe, je trace deux traits sur ma paume, je presse à nouveau, la pointe se rétracte. Puis, solennellement, je sacrifie mon stylo, au sens propre, je le rends sacré et l’enterre au tiers de sa hauteur parmi ses semblables. Je ne prie pas, il ne faut pas exagérer, mais ça y ressemble vaguement. Le soir tombe, je regagne ma voiture.

Que le spectacle

27/06/2017 un commentaire

Les suites du livre sans fin, seconde partie.

Au fil des quelques 300 fragments constituant l’ouvrage intitulé Reconnaissances de dettes, il est souvent question de cinéma. Quoi de plus normal, étant donné ce que mon éducation psychologique, intellectuelle, poétique, affective doit au cinéma : les films vus à 6 ans, à 11 ans, à 14 ans, à 18 ans, à 25 ans, à 40 ans, et leurs effets. Les films de 1895 ou du XXIe siècle. Les films revus dans les intervalles. Les films jamais vus et persistant dans l’imagination. Longtemps ai-je cherché sur grand écran, ou trouvé sans les chercher, les images qui révéleraient le sens du monde, ou le mien, et je crois presque mystiquement à la révélation rituelle qui consiste à s’asseoir dans le noir pour voir ce qui fut vu pour moi par un autre (le cinéaste).

L’exercice des Reconnaissances de Dettes (1998-2016) était bien parti pour ne jamais connaître de fin, l’empilement étant son principe même, sa méthode. Je n’ai jamais cessé ni d’écrire ni de me souvenir, sauf accident je ne cesserai pas de sitôt. Cependant, la publication a joué son rôle, transformant ce texte infini en livre fini. Je continue à m’asseoir dans le noir (un tout petit peu moins, cependant), à reconnaître et à devoir, tant pis pour les fragments tombés de la pile, les reconnaissances absentes du volume, en retard. En voici une : feuille volante, souvenir bonus de cinéma.

Je dois à Que le spectacle commence (Bob Fosse, 1979), vu vers l’âge de 12 ans, quelques images clefs, utiles pour le reste de ma vie.

D’abord, une figure de femme. Celle, fantasmatique, de Jessica Lange la bien-nommée, blanche et auréolée, visage aimable de la Mort, Ankou femelle et sexué qui s’en vient si paisiblement, si aimablement, flirter et bavarder avec le protagoniste déjà dans le coma mais désirant encore. Ce portrait de la Mort en femme fatale, raffinée, portant voilette et froufrous plutôt qu’une cape noire qui pue et une faux qui rouille, allumant l’homme en train de s’éteindre, l’emportant sans impatience, mais avec bienveillance, indulgence et sensualité, m’est reprojetée sur l’écran intérieur du crâne toutes les fois que, pour raison médicale, lors d’une quelconque opération, prise ou don de sang, je me retrouve allongé, affaibli, impuissant, perdant en douceur mes moyens et remettant tout entier mon sort entre les mains d’une infirmière, habillée de blanc, qui s’affaire avec lenteur, me parle, et revient vers moi en souriant d’en haut.

Mais surtout, j’ai conservé par-devers moi la scène leitmotiv de routine matinale, au cours de laquelle le personnage principal, incarné par Roy Scheider, rentre dans sa salle de bains chiffonné de sommeil mais déjà mégot aux lèvres, et accomplit un inaltérable rituel de régénération : il glisse dans le lecteur la cassette audio du Concerto alla Rustica en sol majeur de Vivaldi, appuie sur play, avale quelques amphétamines en guise de petit dèj, prend sa douche, soulève ses paupières d’une main et de l’autre laisse couler quelques gouttes de collyre sur ses orbites, se peigne, et enfin s’examine dans le miroir pour vérifier qu’il n’est pas plus moche qu’hier. Alors il se sourit, écarte les doigts des deux mains et s’exclame, haussant le cœur et le sourcil : « Que le spectacle commence ! »

Cette scène maintes fois plagiée et parodiée, par des vidéastes re-cutters ou par ce bon Saul Goodman en personne, met en scène à la perfection l’énergie forcée que nous déployons coûte que coûte pour nous mettre en route au réveil (sans l’aide d’amphètes pour la plupart d’entre nous, qui nous contentons généralement d’une gélule de vitamines), mais aussi la concentration et le soin de soi anticipant le spectacle qui débutera dès le pas suivant, dès que nous nous extrairons de notre salle de bain pour nous élancer vers la scène et le public, ces deux-là entendus littéralement (les soirs de première) aussi bien que métaphoriquement (la rue, les gens). La vie, quoi. Souvent, à cette heure-là, quand je suis assuré de ma renaissance pour quelques heures, je lance à mon reflet un encourageant « Que le spectacle commence », y compris depuis que je sais qu’en VO l’incantation est « it’s Showtime, folks ! »

Si je parle aujourd’hui de ce film, c’est que je viens de le revoir. Ouh, eh ben, on a tous les deux vieilli. L’est pas très beau, en fait. Le cinéma des années 70 tout cracra, débraillé, mal coiffé, exultant ou avachi, suant (gros plans et zoom sur des visages luisants) a son charme, mais il se teinte ici d’un glamour antinomique, façon beurre plus argent du beurre : comme pour préparer le changement de décennie (le film date de 1979), l’anti-héros morbide seventies se fait également héros envié et adulé de tous. Je postule que c’est dans l’écriture du protagoniste, pourtant (ou justement) autoportrait de Bob Fosse, que le scénario pèche : ce personnage de chorégraphe n’est pas si intéressant que ça. Trépidant, exaspérant, narcissique, génial par décret sans qu’on sache très bien la nature de son génie, il ne dépassera jamais son schéma initial (tout le monde l’admire, mais il a une faille, il a peur de mourir). L’empathie réelle que l’on éprouve pour lui se dissout peu à peu durant son interminable agonie, soit dans la dernière demi-heure du film.

Bon, la révision de mon jugement n’a pas la moindre importance. D’abord parce que j’aurais dû m’attendre à l’ambivalence : cette époque et son cinéma m’ont faits, je les aime et les déteste à la fois, comme il est pointé dans le paragraphe II,73 de Reconnaissances de dettes. Ensuite parce que c’est du film vu à 12 ans, et non de celui revu la semaine dernière que je voulais parler. C’est à lui que je dois.

Le jour démarre. Le même qu’hier mais différent. It’s showtime, folks !

Le livre ne s’use que si on s’en sert

22/06/2017 un commentaire

Suites du livre sans fin, première partie.

Reconnaissances de dettes, livre fondamental et final du Fond du tiroir, a été imprimé l’été dernier, à 50 exemplaires seulement dans le but de garantir que nul stock ne me resterait sur les bras. Une petite année lui fut tout de même nécessaire pour écouler sa demi-centaine, or voilà qui est accompli, le 50e et dernier exemplaire a été vendu, adieu, adieu. Vérifiez chez vous : vous possédez le vôtre ? Merci, vous êtes mon ami(e). Vous l’avez et vous l’avez lu ? Merci infiniment, vous êtes mon ami(e) vrai(e), selon la définition classique due (oui « due » parfaitement, je dois tu dois il doit) à Elbert Hubbard : L’ami est celui qui connaît tout de vous, et continue cependant à vous aimer. Vous ne l’avez ni acheté ni lu ? Tant pis, trop tard, il faudra vous résoudre à vivre loin de lui. Vous vous débrouillerez très bien.

Comptant parmi les 50, l’ami Jean Avezou m’a d’innombrables fois interviouvé à l’antenne de RCF Isère, dans le cadre de sa chronique Les Rendez-vous culturels. Fidèlement, il m’a tendu son micro cette fois encore :
– On se fait une petite émission pour la sortie de ton dernier ?
– Mais, Jean, je ne sais pas si celui-ci s’y prête, serait-ce raisonnable, une émission sur un livre si introuvable qu’il n’existe pratiquement pas ?
– Oui, voilà justement ce qui m’amuse. Un entretien littéraire techniquement exempt de toute promo. Et puis tu sais quoi ? Non seulement on va l’enregistrer cette émission, mais on va attendre un peu avant de la diffuser, pour qu’elle soit ma toute dernière. Je prends ma retraite, cette retraite-ci du moins, je quitte la radio. Dernière chronique culturelle, lundi 29 mai 2017, elle est pour toi et ton livre caché, si tu la veux.
– Alors d’accord, je prends. Merci, Jean.
L’émission, sa dernière et ma dernière, cependant pas triste pour un sou, est écoutable ici.

Reconnaissances de dettes, écrit obsessionnellement durant 18 ans, est un chantier archéologique de chevet, un puzzle reconstituant pièce à pièce l’image d’un individu singulier qui, comme tout le monde, ne ressemble à personne (ouais, c’est de moi que je parle). En outre, la technique est libre de droit : ce livre si peu destiné à être lu est surtout conçu pour continuer à être écrit, puisque nombreux parmi les 50 lecteurs sont ceux qui m’ont dit « la lecture m’a donné envie d’écrire à mon tour, de rechercher mes propres reconnaissances », eh bien, je vous en prie, y’a qu’à s’baisser (mais c’est ça qu’est difficile, c’est pas pour les gens fragiles, air connu).

Reconnaissances de dettes est, au fond, un atelier d’écriture sur pattes et à ciel ouvert, j’en ai eu la confirmation en adaptant sa formule pour une classe de collégiens de Cognin (73) le mois dernier, aux bons soins du Labo des Histoires. Les collégiens ne m’avaient pas lu, et n’en avaient aucun besoin pour s’écrire eux-mêmes. Fouillez en vous, jeunes gens, pas en moi, et tentez d’écrire : à qui, à quoi, à quand et où, devez-vous ce vêtement sur votre peau ? Cette envie dans votre tête ? Cette expression dans votre bouche ? Ce prénom sur votre carte d’identité ? Cette conviction que vous clamez si fort que c’en est louche ? Et cette honte cachée tout au fond ? Rassurez-vous, vous ne serez pas obligés de lire à haute voix ce qui va apparaitre sur votre feuille. Oh, là, là, ressort fertile, je suis bien placé pour le savoir. S’il y a des amateurs parmi vous, je reconduirai cet atelier d’écriture à thème lors d’une masterclass, toujours orchestrée par le Labo des histoires, cette fois dans le cadre de Partir en livres, à Grenoble, parc Paul Mistral, le mercredi 26 juillet 2017, 15h.

(Suite et fin, demain ou après-demain, on verra.)

Non-respect du cessez-le-feu

01/09/2016 2 commentaires

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La cessation d’activité, après 8 ans, du présent blog ainsi que de la maison d’édition Le Fond du tiroir, a été décrétée il y a un an. Un livre a paru entre temps, instantanément épuisé, chant du cygne tessiture baryton-basse, qui n’a eu, c’était prévu ainsi, aucun écho (seule exception, Yves Mabon en a donné sur son blog une petite notule et, en soi, c’était une manière idéale de boucler la boucle en compagnie du premier et dernier fidèle).

L’année écoulée a vu ma situation changer sensiblement ; pas ma résolution de cesser de t’en faire part. Les sporadiques bricolettes postées depuis lors, ainsi que celles qui viendront, ou pas, doivent être regardées comme autant de post-scriptums, chacun d’eux m’apparaissant comme le vrai authentique véritable derdéders, oh ne va pas croire à de la complaisance, je me lasse moi-même de cette mise en scène de l’acharnement thérapeutique et de la fausse sortie, mais crois bien que rien n’est calculé.

Renoncer à rendre compte de ce que je fais, lis et écris… L’étalage me manque-t-il ? Parfois. Dans ce domaine-là comme dans tous les autres, fût-ce sur un blog, écrire c’est réfléchir en mieux. J’écris, je fignole la phrase et par conséquent la pensée, et je trouve dommage que ce ne soit pas en ligne, sur la ligne, fixé avec une petite pince à linge, pour que ni la pensée ni la phrase ne s’envolent. Quand l’étalage me manquera trop, j’étalerai de loin en loin. Le temps que ça sèche. Tiens, là, juste pour la route et pour la chambre d’écho, une dernière (ah ah ah c’est ça ouais on y croit vachement) note de lecture, j’ai l’envie pressente de te partager, je te partage, je copiecolle cet extrait du fortifiant recueil de Tanxxx, Des croûtes au coin des yeux :

Tiraillée entre vivre de ce que je fais et faire ce que j’ai dans la tête, j’en étais arrivée à plus du tout savoir où je voulais aller, comment, si ce que je fais si c’est pour gagner ma croûte ou pour me faire plaisir (…)
Après 8 ans de travail à mon compte, je n’arrive plus à distinguer ce que j’aime faire et ce que je dois faire pour vivre. Les questions de statut, de reconnaissance du travail, du métier d’auteur/illustrateur, tout ça a fini par me bouffer. Bien sûr que c’est intéressant et primordial de défendre ses droits, j’en suis plus que jamais convaincue. Mais voilà, ce sont des questions épuisantes, et quand on commence à mettre le doigt dedans, très vite on ne parle plus que de ça.
Lire l’histoire de 6 pieds m’a rappelé qu’il n’y a pas si longtemps j’avais la fougue du fanzineux, l’enthousiasme de faire des choses, de rencontrer des comparses, et peu importe si je me plantais, j’avançais (…)
La conclusion de Fabrice Erre à l’Animal a 20 ans résume parfaitement ce que je ressentais sans mettre le doigt dessus : ne pas laisser le réalisme prendre le dessus. Faut arriver à concilier les deux, gagner sa vie et vivre, or les deux sont inconciliables (…) Tout ça pour dire que le fanzine, c’est la tentative de retrouver ce truc qui tient en vie quand tout déconne plein pot autour(…)
Et dans mon petit coeur de punk, il y a une hippie qui sommeille, avec l’envie de faire des bisous à tous ces gens merveilleux.

Okay, merci Tanxxx, je prends, je redonne aussitôt, j’ajoute mes bisous. Et à présent, une seule question nous brûle : oui ou non Noé a-t-il embarqué dans son arche des couples de poissons ?

Aux dernières nouvelles

27/06/2016 2 commentaires

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Chant du cygne, rechigne. Reconnaissances de dettes, ultime parution du Fond du tiroir, aura subi les retards cumulés de toutes les personnes impliquées, rares pourtant, de ma pomme à l’imprimeur en passant par le graphiste. Trois mois dans la vue, presque. Trois mois à trépigner, à retoucher le texte puis à rager de ne le plus pouvoir, que croyez-vous c’est moi le plus impatient de tenir l’objet, qu’on en finisse. Mais aux souscripteurs je dois (car dans ce livre je dois, c’est un principe, une manie) des excuses ainsi qu’un aggiornamento du planning : je récupèrerai le tirage vendredi 1er juillet dans l’après-midi. Dans la foulée je passerai chez Patrick F. Villecourt pour que nous apposions nos griffes sur chaque exemplaire, et je posterai les souscrits dès samedi matin. Ou lundi si j’arrive trop tard à la Poste. Vous recevrez votre mini-pavé dans le courant d’une onde pure et de la semaine prochaine.

De même que le destinataire de l’UNIQUE service de presse. Un seul exemplaire gratuit a été prévu, moins à titre de promo que de souvenir amical, expédié à l’Agence Rhône Alpes (« Rhône Alpes Auvergne » désormais ?) pour le Livre et la Documentation. Le livre était accompagné de la lettre ouverte qui suit.

Association Le Fond du Tiroir
11 rue du Champa
38450 Le Gua
04 76 72 31 26
http://www.fonddutiroir.com
fvigne@fonddutiroir.com

Service de presse : Reconnaissances de dettes
À l’attention de L’ARALD
25 rue Chazière
69004 Lyon
Le Gua, le 1er juillet 2016

Chère Arald,
En 2008 tu me décernais le Prix rhône-Alpes du livre jeunesse, assorti d’une forte somme d’argent. Souviens-toi : je décidai d’engloutir cette somme dans la création d’une micro-maison d’édition associative, Le Fond du tiroir, au sein de laquelle je programmai de faire strictement ce que je voudrais, et d’inventer en chemin.
Huit ans plus tard… Merci beaucoup chère Arald, le plan s’est accompli, j’ai certes fait ce que j’ai voulu. Le Fond du tiroir affiche un catalogue de 12 livres, chacun singulier par son sujet, sa démarche, son apparence, son genre, sa taille, son ton… Je suis fier des 12 expériences. J’ai été comblé par cette chance exceptionnelle que tu m’as donnée : être autorisé à me prendre pour un éditeur, à imaginer la forme d’un livre plutôt que de seulement l’écrire et sous-traiter le reste, à rencontrer des partenaires de jeu talentueux voire géniaux, des illustrateurs, des graphistes, des imprimeurs, des musiciens.
Huit ans plus tard, toutefois, la mise de départ est engloutie depuis belle lurette, et le modèle économique du Fond du tiroir (modeste : vendre suffisamment de livres pour avoir de quoi faire le suivant) s’est fracassé contre le mur du réel. Enfin ruiné, je renonce et ferme boutique. Le Fond du tiroir accomplit cependant, pour la joie du parachèvement et la beauté du geste, un dernier tour de piste. Je publie un ultime livre, et l’imprime à un nombre minimal d’exemplaires : 50, soit à peine plus que que la somme des souscripteurs. Ce livre sera donc épuisé sitôt « paru ».L’occultation me convient : le plus intime de tous mes livres a la vocation du souterrain plutôt que de la tête de gondole.
Je t’en ai tout de même mis un de côté. Il s’appelle Reconnaissances de dettes, et il énumère méthodiquement, quoique dans le désordre, ce que je dois, et à qui. Pour le coup, je te dois tant ! Donc je te l’offre ci-joint, avec plaisir et, comme son nom l’indique, reconnaissance.
Chère Arald, merci encore, c’était bien, ces 8 ans. Et bon courage à toi, qui connais aussi la pénurie, la crise, le danger de marginalisation, de disparition, de défaut de reconnaissance. Je te souhaite bonne continuation. Je le souhaite pour toi, et pour tout ceux qui, comme moi ou d’une autre façon, vivent pour les livres.

Fabrice Vigne

Et puis voilà.

13/06/2016 Aucun commentaire

Couverture RdD complète

Cette nuit, j’étais installé parmi de nombreux convives à une grande table tout en longueur. Ma voisine de gauche se tourne vers moi, elle se présente comme une collègue (ça veut dire quoi ? elle écrit aussi ?), et me dit de but en blanc : « Je les ai lues, tes Reconnaissances de dettes ». Allons donc ? Comment ce serait possible ? Elles ne sont toujours pas parues ! Mais je n’ai pas le temps de lui faire l’objection, je la vois qui pleure. « Ce livre m’a bouleversée. C’est comme si on m’avait greffé ton cœur dans la poitrine ». On ne m’avait jamais fait un aussi gros compliment, ni aussi romantique, ni aussi ambigu. Je me réveille.

Deux mois de retard, oh ça va, je suis au courant, l’agonie fut longue, et agonie, TMTC, ça veut dire combat. Enfin le combat est clos, la chose est faite, les Reconnaissances de dettes sont chez l’imprimeur, et les souscripteurs, que je congratule pour leur patience et leur indulgence, recevront leur exemplaire dans, disons, pour éviter une fausse promesse supplémentaire, quelques jours.

Retardataires compris, nous avons reçu 31 souscriptions (sans compter quelques « ouais ouais bien sûr que je le veux mets-m’en un de côté mais là j’ai pas mon chéquier »). La hauteur du tirage est désormais fixée : le livre sera imprimé à 50 exemplaires (sans doute la semaine prochaine, au pire la suivante). Après calculette, règlement de l’imprimeur, rétribution pourtant scandaleusement basse du travail d’orfèvre et de factotum de Patrick V. (qui s’est surpassé) et frais de port, le prix de revient du livre à l’exemplaire sera d’un peu moins de 26 euros. Alors que, vous l’aurez remarqué, son prix de vente, décidé il y a lurette, est de 20. Ah ah ah ah, mrdr, mégalole et toute cette sorte de choses ! Pour chaque livre acheté, le Fond du tiroir vous file directo six euros ! C’est le meilleur coup du Fond du tiroir, pas la peine jamais d’espérer faire mieux que ce chef d’oeuvre de gestion éditoriale, après celui-ci on arrête, normal. Vous voulez gagner six euros ? Commandez vite !

Ci-dessus la couve-plus-quat’-de-couve définitive, ultime création de Patrick « Tout-vient-à-point » Villecourt pour le Fond du Tiroir. Vous admirerez l’harmonie générale mais également le sens du détail : remarquez je vous prie, sous le PQ, trônant au sommet de la composition quoique la tête en bas, subtil hommage à mon grand-père et à ceci, le 10 Francs Mineur. Ce billet qui eut cours légal de 1943 à 1951 fut imprimé, Wikipédia me l’apprend, à 515 millions d’exemplaires. Reconnaissance de dettes avoue quant à lui un tirage de 50 exemplaires, ce qui est nettement mieux. Quarante-deux d’entre eux sont attribués, offerts, achetés ou réservés. Restent huit, si un petit regret vous saisit et que vous souhaitiez entendre mon cœur battre dans votre poitrine. Tout doit disparaître.

 

Reconnaissances de dettes

28/03/2016 Aucun commentaire

Projet COUV RdD 2

Le week-end prochain, je suis invité à la Fête du livre de Villeurbanne. À mon programme, une rencontre publique le samedi 2 avril à 16h dont l’intitulé est « Qui êtes-vous ?», déclinant le thème de l’identité choisi pour cette 17ème édition de la Fête. La rencontre sera partagée avec Carole Fives, Delphine Beauvois et Julia Billet.

Qui suis-je ? Eh bien, puisque vous me faites l’honneur de poser la question… Si je suis un petit peu capable de répondre, si j’ai une vague idée de qui je suis, c’est grâce à un livre que j’ai écrit. Un livre de Reconnaissances où je me suis reconnu par l’écriture. Une cartographie de l’habitus bric-à-brac d’un petit-bourgeois né vers la fin des 30 glorieuses, qui lit et écrit, et de ses ascendances : il est le petit-fils d’un mineur de fond, d’une bistrotière, d’un entrepreneur de travaux publics, et d’une institutrice ; plus haut dans son ordre généalogique, 100% de paysans.

Quiconque lira ce livre en saura presque autant que moi à mon sujet. Plus exactement, me connaîtra autant qu’on peut connaître le personnage d’un livre, c’est-à-dire environ un huitième, selon la théorie d’Hemingway, ce qu’il appelait le sommet de l’iceberg. Quand on y pense, c’est énorme le huitième d’une personne, réelle ou fictive, dans la vie ordinaire on ne connaît que zéro huitième des gens.

Donner à lire ce livre est donc étourdissant d’obscénité, comme si je me baladais nu dans la rue, homme-sandwich à épiderme en braille.

Le livre en question s’appelle Reconnaissances de dettes, il est le dernier que je publierai ici, et le bon de souscription est à télécharger sous ce lien. Patrick F. Villecourt et moi-même avons bien travaillé, l’autoportrait interminable est terminé, la maquette quasi-prête : il sera le livre le plus râblé du catalogue FDT, un petit gros de 18×11 cms et 400 pages, 20 €, ISBN 978-2-9531876-9-4.

Imprimez la souscription je vous prie, renseignez-la et adressez votre chèque au Fond du Tiroir. Le livre sera confié à l’imprimeur fin avril, le tirage dépendra du nombre de souscriptions reçues, et dans tous les cas ne dépassera pas 100 exemplaires. Le Fond du Tiroir, à l’article, ne cherche plus de nouveaux clients, seulement de vieux amis.

Le Fond du Miroir

06/03/2016 6 commentaires

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Oui, Le Fond du tiroir travaille. Il travaille à son ultime publication, il travaille à boucler sa boucle, et par conséquent il travaille à sa perte. N’est-ce pas ce que nous faisons tous, allez.

Reconnaissances de dettes sera le livre le plus personnel du Fond du tiroir. Terme impropre… Personnel chaque livre du catalogue l’est, peu prou. Ce sera alors le plus privé disons, faute de mieux. Le moins public. C’est dire. Les yeux dans les yeux. Publier aujourd’hui cette inactuelle introspection, à l’heure où le travail d’écriture devrait, pour bien faire, s’ancrer en urgence non dans un nombril mais dans le vaste et chaotique monde, est peut-être un poil obscène… Et peut-être pas. Connais-toi toi-même.

Risquons une échéance : Son Éminence le Factotum Plénipotentiaire et moi-même visons sans rire une publication (publication toute privée, donc) de ces Reconnaissances de dettes dès avril 2016. C’est dingue, ça : avril c’est le mois prochain les p’tits cocos. Un délai aussi bref ne demande qu’à être trahi, faut voir, suspense. Le formulaire de souscription sera disponible ici même, dans quelques jours. Dès qu’il sera en vue, précipitez-vous, parce que les choses iront ensuite assez vite. Nous compterons les souscriptions et nous lancerons le tirage. Deux temps, trois mouvements, pas plus.

Puisque la fermeture définitive est programmée dans la foulée, contrairement aux précédents livres du FdT, il n’y aura pour ainsi dire aucun stock de Reconnaissances de dettes, aucun carton empilé dans mon garage. Je conserverai juste cinq exemplaires par-devers moi, c’est un joli nombre cinq, voir venir, on ne sait jamais, un cadeau à faire, ou un souvenir, cinq ce sera un dépôt à peine moins légal que le Dépôt Légal. Si je reçois trois souscriptions (hypothèse basse), le tirage sera en tout et pour tout de huit exemplaires. Cent souscriptions (hypothèse haute) ? Cent cinq exemplaires. Et roule Berthe et adieu ma poule.

 

Enceinte après la ménopause : les gestes qui sauvent

31/01/2016 3 commentaires

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Coucou tout le monde ! Méga-surprise ! comme dirait Xavier Dupont de Ligonnès.

Comme celle de Mark Twain, la nouvelle de la mort du Fond du Tiroir était finalement exagérée, puisqu’il lui restait un livre à faire. Le tardon en question se nomme Reconnaissances de dettes. Vieux dossier, vieux projet, vieux travail toujours neuf, forme vive ayant connu quelques avatars (au sens propre du terme : quelques incarnations, dont celle de 2009)… L’envie m’a pris tout compte fait d’en tirer un vrai livre en post-scriptum, et qu’on n’en parle plus.

Il est de somptueux post-scriptums, souvenez-vous. En 2003, Ingmar Bergman a 85 ans et il a renoncé au cinéma depuis 20 ans. Mais il déclare : « Je me suis senti, comme Sarah dans la Bible et, à mon grand étonnement, gros d’une nouvelle oeuvre, à un âge avancé », et hop, il nous tourne Sarabande, pas un testament, juste le dernier grand film qu’il lui restait.

J’aime cette métaphore de l’engendrement, et j’adore l’humour sérieux de Bergman, mais le cas de mon ultime polichinelle dans le Tiroir est sensiblement différent, puisque sa grossesse a débuté il y a dix-huit ans et englobé l’engendrement de tous ses frères et soeurs. Le bébé a eu le temps de grossir, de profiter bien à l’abri de mon nombril, jusqu’à devenir au moment de l’expulsion le petit gros de la famille. Première fois que l’un de mes opus dépasse les 300 000 signes, et tout en introspection, messieurs-dames. Limite bouffi le petit poussah. Merci la péridurale.

Je viens de rédiger une manière de préface retraçant les étapes de la gestation. Je vous invite à passer le test de grossesse : lisez ce teaser maniaque, et s’il titille votre curiosité, je vous prie, restez à l’écoute. Dans quelques semaines si tout va bien (car rien n’est sûr : cette 12e et dernière référence au catalogue du Fond du tiroir est une aventure aussi incertaine que les 11 précédentes, je reconnais cette excitation des choses qui n’attendent que nous, elle m’avait manqué), je balancerai un bon de souscription. Merci à M. le premier souscripteur, qui se reconnaîtra.

Le livre que vous ne lirez pas cet été sur la plage

26/06/2009 3 commentaires

Ceci est-il un livre ?

Les livres du Fond du tiroir, « pour tout le monde et pour personne », sont discrets, mais cependant débusquables… Si l’on est persévérant, on finit par trouver quelqu’un au bout du fil… Ces livres nés de la cuisse du tiroir ne sont pas un mythe, ils sont en vente, et en conséquence ils sont même vendus, oh pas beaucoup… La crise, partout-partout… Mais enfin, si peu que ce soit, la possibilité d’une transaction commerciale suffit pour que leur destin public soit enclenché… Pour que leur vie de produit soit avérée… C’était encore trop… Je me disais qu’il y avait moyen de faire mieux. Pousser plus loin le bouchon, exacerber l’éclipse, la dissimulation au paroxysme, le geste encore plus gratuit et encore plus sublime…

Eh bien, voilà qui est fait.

Mon dixième livre vient de paraître. Sauf que ce verbe ne convient pas. Mon dixième livre vient de ne pas paraître.

Il s’intitule Reconnaissances de dettes, et il est publié par les éditions du Pur hasard, qui n’existent pas. En quatrième de couverture, un code-barre, un ISBN, un prix (15 euros), une adresse web (www.purhasard.fr), une mention de dépôt légal… Respect : tout ceci est pure fiction. Pourtant le livre est bel et bien là, entre mes mains, je peux l’ouvrir, le lire… Lire un livre qui n’existe pas, quelle étrange, et vertigineuse, et borgésienne expérience.

De la même façon strictement qu’avec mes neuf précédents, je suis fou de joie en le sortant du paquet, ah de quoi rire tout seul, ah j’ai fait ça, je l’empoigne, le feuillette, redécouvre mon texte mis en forme… Et de la même façon toujours, je tombe fatalement sur une page, une phrase, un mot, où ma bouche se pince, zut, scorie, je n’aurais pas dû laisser passer, il a manqué une ultime couche de correction… Oh, je connais fort bien les symptômes… Ici, ils sont à blanc. Puisque ce « livre » n’est que pour moi.

Voilà toute l’histoire. En janvier dernier, je reçois ce mail :

Bonjour,
Je suis étudiante en troisième année d’édition au pôle « métiers du livre » de Saint Cloud, et je suis à la recherche d’un texte, ou plus exactement d' »écrits personnels » pour un projet éditorial qui consiste à éditer un texte (qui n’a jamais fait l’objet d’une publication) dans le cadre de mes études. Je recherche donc un roman personnel, une auto fiction, un journal, une autobiographie, un carnet de bord, des poèmes, recueils de chansons etc., en définitive, tout ce qui s’attache à ce sujet d’écriture de l’intime (je suis très ouverte quant à la forme de ces écrits pourvu qu’ils m’intéressent) en vue de les travailler, de les mettre en page et d’en imprimer un ou plusieurs exemplaires.
Ayant particulièrement apprécié
TS, je me demandais si vous auriez ce type d’écrit et, le cas échéant, si vous seriez d’accord pour me les « prêter », me les soumettre.
Il est évident que cela ne représente pas une vraie publication et que le travail d’auteur ne sera pas rémunéré (le travail abouti de sortira pas de l’université, il s’agit juste d’un exercice, il n’est en aucun cas question de violer les droits d’auteur).
Si mon projet retenait votre attention, n’hésitez pas à me contacter pour de plus amples informations.
Cordialement
Marion Hameury

Je réponds immédiatement : ah oui, bien sûr, très volontiers, j’ai ce qu’il vous faut. Je vous confie un texte intime et délicat, important extrêmement pour moi, dense, méticuleux et foisonnant, rédigé petit à petit sur une longue période (1998-2002), du temps où j’écrivais mais où personne ne me prenait pour un écrivain, ce qui évitait tout malentendu… Un projet vital à un moment donné, « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur » (Jean-Jacques – pour lire la citation entière c’est par ici), par bien des points la matrice de tout ce que j’ai pu écrire par la suite, publié ou non – Opus dix ? Plutôt Opus Zéro… et je ne souhaite absolument pas voir cette somme publiée, MÊME, c’est dire, au Fond du Tiroir. L’objet s’intitule Reconnaissances de dettes. Faites-en bon usage.

Elle en a fait bon usage. Aucune nouvelle pendant cinq mois… Enfin, un nouveau mail :

Je reviens vers vous maintenant que le projet est imprimé.
Nous vous avons réservé un exemplaire, aussi, si vous vouliez bien me donner votre adresse postale, je pourrais vous l’envoyer afin que vous puissiez voir notre travail, qui est en définitive le résultat du vôtre.
Je profite de ce mail pour vous dire combien il a été intéressant et enrichissant de travailler sur vos textes,
Reconnaissances de dettes et Journal de tournée, ce que nous comptons mettre en avant lors de notre soutenance (durant laquelle nous expliquerons à nos professeurs les raisons de nos choix éditoriaux).
Je vous remercie de la confiance que vous nous avez accordée en nous confiant vos manuscrits et soyez certain que nous avons veillé à ce qu’ils ne sortent pas du cadre de notre cours d’édition.
Cordialement,
Marion Hameury

Je vous reprends là où j’en étais : devant ma boîte aux lettres, je sors le volume du paquet… Le travail éditorial est soigné, le graphisme de la couverture pertinent (une vieille caisse enregistreuse greffée sur une machine à écrire)… For my eyes only. Je suis content. Comme je ne suis pas chien (ou alors, allez savoir, parce que je suis chien spécialement vicelard, soucieux  de parfaire la frustration), je vous recopie la quatrième de couve de ce livre que vous ne lirez pas :

On ne meurt pas de dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire.
Louis-Ferdinand Céline

À la manière du Je me souviens de George Perec, Fabrice Vigne compose un inventaire de 100 dettes, emprunts ou empreintes, autant de facettes de son existence que l’auteur explore à travers ce jeu oulipien. Il existe en effet un point commun entre Barbe-Bleue, Hemingway, le jazz, et le vol d’un stylo : tous on laissé une trace dans sa vie, et sont les créanciers de sa personnalité.
Une partie en trois manches dont la dernière s’étiole pour finalement s’interrompre en cours de jeu.
Fabrice Vigne est né en 1969 dans l’Isère. Proclamé « auteur jeunesse » suite à la publication de son premier roman,
TS, il aime jouer sur l’ambiguïté des catégories et brouiller les pistes, n’hésitant pas à s’aventurer hors des sentiers battus de la littérature conventionnelle et linéaire. Il est le fondateur d’une structure d’auto-édition, le Fond du Tiroir.

Moi qui, généralement, préfère avoir la main sur les quat’ de couv’, je trouve celle-ci plutôt bien torchée, et je souhaite à Marion de décrocher une bonne note à son examen, puis une longue carrière dans le monde de l’édition, milieu fort difficile où il convient de s’endurcir le cuir (cf. cet article rédigé par le Syndicat Interprofessionnel de la Presse et des Médias, SIPM). Bonne chance à elle !

Et surtout, grand merci. Je suis ravi, comblé. Mon dixième livre n’est que pour moi. Je ne manquerai pas, désormais, de mentionner ce titre introuvable chaque fois que l’on me réclamera ma bibliographie, riant sous cape à l’idée que quelqu’un, quelque part, peut-être, essaiera de dénicher cet Opus X fantôme. Où diable cette passion de l’occulte va-t-elle me mener ?

Bon ! Cette fois il n’y a plus moyen de faire mieux. Pour qu’un livre existe encore moins, il faudrait ne le point écrire, et je ne me résous tout de même pas à cette extrémité. Je retourne au boulot, requinqué. J’ai un livre à écrire. Qui, si tout se passe bien, paraîtra. C’est bien aussi (moue et haussement d’épaules).

Une petite réserve, toutefois. J’avais confié à la demoiselle deux textes, tous deux intimes, mais très différents dans leur nature, en lui demandant de choisir… Elle a choisi de ne pas choisir, et à composé le volume en accolant les deux textes. Je ne suis pas certain de la pertinence. Les Reconnaissances de dettes étaient un projet spécial, très spécifique formellement, alors que le Journal de tournée était d’une teneur plus classique, et aussi plus brut, sans lecteur en ligne de mire, par conséquent sans le souci d’expliquer les références personnelles. Ainsi, je découvre, en le relisant aujourd’hui, la phrase « Je suis le chat qui fait baw-waw » sans le moindre commentaire de texte, donc rigoureusement incompréhensible. Je m’amuse à souligner, à l’attention de personne, que, cette explication manquante, je l’ai donnée des années plus tard, dans un des premiers articles du blog. Décidément, mes références ne changent pas tellement, avec les ans. Mon goût est fait. Pour cette constatation, intime s’il en est, merci encore, Marion.

[Coup de théâtre sept années plus tard : l’idée a fait son chemin et le Fond du Tiroir a publié en douce une édition définitive des Reconnaissances de dettes.]