De tous mes livres, Les Giètes est celui qui a engendré la plus volumineuse revue de presse, surtout depuis la médaille « Pral » à la boutonnière. Pas un mois ne passe, même en été, sans que la maison Magnier ne m’envoie une ou plusieurs enveloppe(s) contenant quelques articles photocopiés. Pour citer une phrase peu innocente du livre en question, « le bilan est globalement positif ».
Dans cette imposante pile de papier, on trouve pêle-mêle : des informations pratiques et institutionnelles entre autres sur la Région Rhône-Alpes qui décerne des prix (un prix littéraire fait-il lire ? en tout cas il fait écrire la presse – normal : les journalistes traitent les événements. Un prix est un événement ; un livre, non), des éloges, des comptes-rendus lapidaires, des dossiers de presse copiés-collés, des approximations, des gentillesses, des généralités, des pots-aux-roses dévoilés (le titre est presque systématiquement traduit), et parfois mêmes quelques authentiques efforts critiques, que je salue et remercie bien volontiers.
La dernière recension qui m’est parvenue, initialement parue dans la revue belge Ados-livres, m’a tellement mis en joie par sa hauteur de point de vue que je me fais un plaisir et un devoir de la recopier ici intégralement. Cet article, particulièrement clairvoyant, rejoint d’ailleurs par de nombreux aspects la bande-annonce que j’avais rédigée moi-même pour la parution du livre voici un an et demi, c’est dire si je me sens en affinité. Le voici :
« VIGNE Fabrice (avec REHBINDER Anne pour les photographies), Les Giètes, Thierry-Magnier, Photoroman, Paris, 2007, 212 p. (après-texte compris), ISBN 13 : 978-2-8442-0524-4
COTE : 1/10
« La Maison » est un home qui accueille des vieilles personnes dans des studios spécialement adaptés aux difficultés de leur âge. Monsieur Bertram, le narrateur du récit de Fabrice Vigne, y occupe le numéro 409, à côté de Madame Ostatki, une toute nouvelle venue. En attendant les visites régulières de Marlon, son petit-fils, le vieil homme passe son temps à jouer au Scrabble et à relire son vieux journal, rédigé 45 ans plus tôt… « Photoroman », la toute nouvelle collection des Editions Thierry-Magnier, est-elle destinée aux vieillards passionnés par les pensées de Flaubert et membres du Parti Communistes Français ? Si oui, alors tout va bien ! Si non, il y a lieu de se poser quelques questions sur ce choix éditorial de Jeanne Benameur et Francis Jolly !
Vous l’aurez compris, Les Giètes – ces jours que l’on passe en l’attente d’un événement inévitable, telle la mort dans le cas des héros – ne nous a pas vraiment mis en joie ! En cause, un contenu tout à fait inapproprié, un narrateur susceptible de faire fondre seulement les quatre fois vingt et une intrigue qui se devine à peine ! Quel gâchis !
(Roman du quotidien, à ne pas lire avant 60, voire 70 ans) «
Rubrique La raison du plus court, in revue Ado-livres, Rue Puissant, 11 (2ème étage) 6000 Charleroi, Belgique. Téléphone et fax : 00 32 (0)71 53 59 98. Demande de renseignements et d’abonnements : ado.livres@skynet.be.
(Qui donc s’exprime ainsi, au fait ? La notule n’est pas signée, dommage. Mais la critique est critiquée à son tour, c’est justice ! et c’est même la nécessaire règle du jeu de la légitimation de parole, la bienfaisante régulation du grand brouhaha médiatique qui permet à chacun de savoir quoi penser. Ainsi, voici comment le CRDP de Grenoble présente la revue Ado-Livres. « Cette revue belge de critique littéraire spécialisée dans la littérature adolescente francophone offre une approche nouvelle de la note de lecture. En effet de la fiche critique jusqu’aux analyses en plusieurs pages, les romans sont présentés suivant une grille de lecture novatrice et très intelligente. On retrouve un « résumé apéritif », l’avis des rédacteurs mais aussi une fiche signalétique présentant l’organisation du texte, les personnages principaux, la voix narrative ainsi que des pistes pour aller plus loin en classe. Un dossier et une partie magazine complètent ce travail et permettent de découvrir le dynamisme de la littérature jeunesse en Belgique. »
Me voilà flatté derechef : je suis entre les mains d’experts novateurs et intelligents. Je me demande si ce n’est pas trop d’honneur.)
…
Post-scriptum. Un an plus tard, la même revue Ado-Livres m’adresse parmi d’autres un appel à manuscrits. S’ensuit ce dialogue :
Ado-Livres organise un concours de romans sur manuscrits écrits par des auteurs connus ou inconnus…
Genre(s) et thème(s) au choix !
Dead-line : fin octobre 2009 !
Public-cible : adolescents entre 12 et 16 ans
Auteur connu ou non, publié ou non, tout le monde a sa chance puisque, bien entendu, tous les manuscrits resteront anonymes pour tous mes collaborateurs et les jurés. Je serai, en effet, le seul à connaître le nom de l’auteur de chaque texte !
Bien à vous,
Benoit Anciaux,
Directeur de la revue « Ado-Livres ».
Merci pour cette intéressante proposition, malheureusement je ne peux que la décliner. Il semble que je n’aurai aucune chance d’intéresser vos collaborateurs et jurés, et en cette matière l’anonymat des manuscrits n’y fera rien ! Car, hélas, votre revue ayant gratifié d’un impitoyable 1/10 mon dernier roman, espérer vous plaire un jour est un luxe hors de mes moyens.
Avec mes regrets, et cependant mes cordiales salutations,
Fabrice Vigne
Bonjour,
Je comprends que vous ne souhaitiez pas participer au concours que j’organise et je ne cherche pas ici à vous inciter à y prendre part ! Ce n’est pas mon genre !
L’article auquel vous faites référence et que j’ai écrit, comme à l’époque la plupart des articles d’ « Ado-Livres », est vraiment très dur à l’égard de « Les giètes ». C’était mon avis et il reste parfaitement fondé à mes yeux…
Si vous me connaissiez un peu, cependant, vous sauriez que je cultive l’indépendance à l’égard de tous : si je trouve qu’un livre n’est pas bon, je l’écris. Je me trompe parfois, bien entendu, mais c’est le propre de tout travail critique… Que l’auteur soit un ami – et j’en ai quelques-uns dans le petit monde fermé de la Littérature pour adolescents – n’y change rien ! J’ai écrit sur les plus grands de vilaines choses sur l’un ou l’autre livre : certains me l’ont pardonné, d’autres pas…
Ne croyez pas que le texte que vous pourriez nous présenter serait donc exclu d’office ! D’abord, les lecteurs de la pré-sélection ne sont pas moi ! Ils ont leur avis et moi le mien ! Et qui vous dit que la prochaine fois, je mettrai à votre texte un moche 1/10 ?
Avec mes regrets et, cependant, mes cordiales salutations,
Benoit Anciaux
Cher Benoît,
La vérité, toute plaisanterie mise à part, est que lorsque j’ai sous la main un manuscrit de roman, je préfère le soumettre à un éditeur plutôt qu’à un concours lancé par une revue.
Quant à votre article sur mes Giètes, je n’ai strictement rien à vous « pardonner » ! J’ai plutôt à vous remercier, car il m’a beaucoup fait rire, d’un rire très sain, je vous assure, pas jaune le moins du monde. Car si votre critique avait été la seule, ou même la première, recension de mon ouvrage, elle eût été prodigieusement destructrice… Mais comme elle venait après de nombreux éloges, elle m’a semblé au contraire, dans l’originalité de ses points de vue, bienvenue, et même salutaire.
Avec mon plus grand respect pour la liberté des critiques, et mes cordialités renouvelées,
Fabrice Vigne
Cher Fabrice,
Je me ferai donc un plaisir de lire votre prochain roman … publié ! N’oubliez surtout pas de me le faire envoyer !
Avec mon plus grand respect pour la liberté des auteurs et mes cordialités renouvelées,
Benoit
(Et puis quoi encore ? C’est mon éditeur qui fera les services de presse, pas moi…)
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