Le questionnaire Calle-Bouillier (Dossier M, 2)

05/11/2022 Aucun commentaire

Je ne lis plus guère les Inrocks. Mais durant les années 2000 j’épluchais attentivement cette feuille de chou en branche, arbitre des élégances, et je me souviens fort bien de l’époque où chaque numéro voyait un artiste se soumettre au questionnaire conçu par Sophie Calle et Grégoire Bouillier qui, en ce temps, vivaient et travaillaient ensemble. Leur questionnaire était une variation, ou une actualisation, du trop célèbre Questionnaire de Proust, dont certaines des questions seraient à peu près impossibles aujourd’hui, même en tant que prétexte ludique pour lier bourgeoisement connaissance (Le fait militaire que j’admire le plus ? T’es sérieux, Marcel ? Mais la désertion, pardi ! Ces jours-ci j’admire énormément les soldats russes qui désertent !)

Je ne manquais jamais cette chronique qui en 22 questions plus ou moins biscornues faisaient le tour du propriétaire, et comme incidemment je venais de commencer à publier des livres et que je cédais assez facilement aux rêves de gloire, je me tenais prêt ! Ils pouvaient venir me poser leurs 22 questions, les Calle-Bouillier, j’aurais du répondant.

Près de 20 ans ont passé. Je déguste Le Dossier M de Grégoire Bouillier, livre gigantesque, bombe à fragmentation et à 6 faces. Je ne sais où il va me mener, mais loin, puisque je le lis sans me presser, en même temps que de nombreux autres livres, il m’accompagne sur le long terme. Peut-être que mon rythme adéquat est d’en lire un tome par saison et qu’il me faudra, mathématiquement, un an et demi pour en venir à bout ? J’ai lu le tome 1, Dossier rouge : le Monde cet été (et le récit de sa séparation avec Sophie Calle n’y est certes pas le passage le plus élégant, mais pas non plus le moins drôle) ; je viens de lire le tome 2, Dossier bleu : l’Amour en plein automne ; je me garde le tome 3, Dossier violet : le Réel pour cet hiver et ainsi de suite.

Quelle terrible merveille que ce tome sur l’amour ! N’ayons pas peur des hyperboles, c’est tout simplement le meilleur livre que j’ai lu sur le sujet, Stendhal peut se rhabiller, et même Liv Strömquist. L’amour dans toute sa démence, dans chacun de ses pleins et chacun de ses déliés, dans sa monomanie, sa contagion du monde, dans ses tremblements, dans son indécence, son anarchie, ses illusions plus réelles que la réalité, dans toute sa puissance de destruction et de délire en même temps que dans toute sa mièvrerie sentimentale de chansonnette… tout y est. On se souvient en le lisant qu’on ne vit pas tout-à-fait tant qu’on n’aime pas, qu’aimer c’est vivre pour de bon et ce n’est pas malheureux (du moins jusqu’à ce que ça le soit) et parfois on lève le nez du livre en se demandant si l’on est, si l’on a été, capable d’aimer ainsi que c’est écrit là, et d’être aimé ainsi, parce que sinon c’est pas la peine, mais aussitôt on se souvient qu’il ne sert à rien de se comparer puisque l’amour est toujours un cas particulier et encore heureux, alors on replonge dans le bouquin.

Enseigne-t-on l’amour à l’école ? Pourquoi non ? On apprend bien à lire et à écrire et à compter. On apprend nos ancêtre les Gaulois, les fables de La Fontaine, les équations du troisième degré et la loi d’Avogadro-Ampère. On apprend aux gosses des trucs très compliqués, vraiment ardus – et rien sur l’amour ? Rien sur ses arcanes ? Rien sur ses bienfaits et ses ravages ? Ses mirages et ses délices ? Sa chimie et ses pièges ? Rien sur le désir et les sentiments et comment concilier les deux ? Rien sur la passion et quoi en faire ? Rien sur les hommes et les femmes et comment ils peuvent s’accorder ? Comment c’est l’amour sous d’autres latitudes ? Comment on s’aimait à d’autres époques et si c’est la même chose aujourd’hui ? Non ? Rien de rien ? Alors que l’amour est universellement vanté et qu’il a le pouvoir d’occuper nos pensées bien davantage que toutes les tables de multiplication réunies. Alors que l’amour peut foutre en l’air une existence et même conduire aux pires violences et plutôt que d’y voir une criminelle ignorance, on parlera de crime passionnel. Et il n’y a que moi pour voir le problème ?
Et rien non plus sur la mort ? Rien sur l’angoisse et comment la supporter ? Rien sur la maladie ? Etc. Bon dieu, nous sortons de l’école complètement incultes des choses de la vie qui nous attendent et auxquelles nous ne couperons pas !
Nous abordons notre existence dans un état de complète ignorance.
Le Dossier M, livre 2, partie II, niveau 3.

Cette résurgence tardive du questionnaire, anecdotique (tout l’amour, tout le Dossier M peut-être, toute la vie si tu vas par là, est une accumulation d’anecdotes), m’a donné envie d’enfin répondre moi-même aux 22 questions. Voici mes 22 réponses.
Je vous invite à jouer chez vous, on comparera et on fera connaissance.

1) Quand êtes-vous déjà mort(e) ?
Je suis mort souvent, de manque d’amour. Je crois qu’on peut mourir de manque d’amour, pour de vrai. Mais pour ma part jusqu’ici je n’ai fait que semblant, métaphoriquement, je m’en sors bien.

2) Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je n’utilise plus de réveil-matin depuis le Grand Confinement. Je me lève quand je ne dors plus, voilà tout. Dans le meilleur des cas je me lève en reconstituant mes rêves de la nuit.

3) Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Les meilleurs, les plus poétiques, sont archivés dans la pop culture. Les autres, essentiellement consuméristes, qu’ils crèvent.

4) Qu’est-ce qui vous distingue des autres ?
Je suis très différent, comme tout le monde. Je suis le même, comme chacun.

5) Vous manque-t-il quelque chose ?
Oui, mais ce qui me manque me comble.

6) Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?
Non, pas tout le monde. En revanche, n’importe qui. C’est ce qu’explique très bien le rat Rémy quand on lui demande si tout le monde peut être cuisinier dans le film Ratatouille. Lorsque je suis artiste, je vois bien que je suis n’importe qui mais que je ne suis pas tout le monde (cf. ci-dessus question 4).

7) D’où venez-vous ?
Et on peut savoir avec qui ? Et à cette heure-ci. Et dans cet état, en plus. Tu as bu ?

8) Jugez-vous votre sort enviable ?
Oui. Et je ne dis pas oui par pure culpabilité de petit bourgeois occidental bien nourri, je dis oui parce que je n’oublie pas qu’il y a quelques années j’aurais dit non.

9) A quoi avez-vous renoncé ?
Aux illusions de gloire. Par exemple, au mirage qu’un jour quelqu’un me demanderait de répondre à un questionnaire tel que celui de Calle-Bouillier, et que mes réponses paraîtraient dans les gazettes. Heureusement que j’ai le Fond du Tiroir.

10) Que faites-vous de votre argent ?
J’achète trop de livres. J’en achète que je ne lis même pas. Parfois en deux exemplaires quand j’ai oublié que j’avais le premier. Je les accumule, à ma décharge je les offre aussi. Parfois j’en édite, ce qui engloutit de plus grosses sommes en une seule fois. À ce vice près, je suis peu dépensier.

11) Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?
Tout ce qui relève de la propreté me semble pouvoir être remis à demain. Il sera bien temps de s’y mettre puisque justement ce sera un peu plus sale demain (Ton air est bon mais mon chant point/il s’ra peut-être pas sal’demain).

12) Quels sont vos plaisirs favoris ?
La scène. Le sexe. La compagnie et la solitude, selon biorythmes. Le sentiment d’être utile et le sentiment d’être inutile, idem. Faire rire les enfants (en faisant tourner des ballons sur mon nez en Alaska, par exemple). Les livres. Le cinéma. Les chats. La table. La forêt.

13) Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des lettres manuscrites.

14) Citez trois artistes vivants que vous détestez.
Ça tombe mal : plus je vieillis moins je déteste. Je pourrais en lieu et place citer trois artistes qui me sont indifférents, mais comme ils me sont indifférents je les ai oubliés et je suis incapable de les citer.
Je sens bien que je m’en tire par une pirouette alors j’en cite tout de même un : Jeff Koons. Comme je l’ai détesté ! Et comme il m’est indifférent.

15) Que défendez-vous ?
L’émancipation, en tant que chemin individuel (les émancipations de masse me paraissent plus incertaines, plus autoritaires). Par trois voies : la connaissance, qui est toujours relative et pourtant toujours valeur absolue ; la liberté, idée géniale, dont le garde-fou est l’égalité, autre idée géniale ; la laïcité, encore une idée géniale. On ne me fera pas gober que ces idées-là ne sont que des spécialités régionales folkloriques, et que les prétendre universelles serait un réflexe de colon raciste.

16) Qu’êtes-vous capable de refuser ?
De jouer le jeu.

17) Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?
Le dos. La gorge. L’estime de moi.

18) Qu’avez-vous été capable de faire par amour ?
Cesser de râler. Puis admettre qu’il n’y avait pas tant que ça matière à râler, au fond.

19) Que vous reproche-t-on ?
Tout dépend du on. On me reproche d’en faire trop, tandis qu’on me reproche de ne pas en faire assez.

20) A quoi vous sert l’art ?
À débrouiller le monde pour ne plus me contenter de le subir.

21) Rédigez votre épitaphe.
Il a fait ce qu’il a pu
Mais ça n’aura pas suffi
Au diable philosophie
C’est fini n’en parlons plus !

22) Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?
Un arbre. Oh, tiens, un figuier.

Le blues de la fin de l’Occident

03/11/2022 Aucun commentaire
« The electric house » (1922) avec Christine « Virginia Fox » Prato et Jean « Buster Keaton » Avezou

Navré pour les ombrageux déclinistes égarés (déjà que leur vie n’est pas marrante) qui, au petit malheur, auraient cliqué ici avec une joie masochiste, alléchés par un titre racoleur promettant une énième diatribe bien sentie sur l’agonie du monde occidental et de ses valeurs… Rien à voir : Le blues de la fin de l’Occident n’est qu’une traduction sauvage et non remboursable de West End Blues de Louis Armstrong (1928). Amis déclinistes, faites-vous du bien, écoutez plutôt de la musique de nègres !

J’ai bien l’honneur d’être l’invité de Christine Prato et Jean Avezou pour l’émission Quézaco sur Radio Campus Grenoble, où l’on échange des mots et où l’on se demande ce qu’ils peuvent bien vouloir dire.
Moyen le plus classe d’avoir des mots avec quelqu’un.
D’ailleurs, preuve infaillible de classe : le générique de l’émission est West End Blues de Louis Armstrong (1928).

Le résultat, Quézaco#8, Fabrice Vigne, est disponible en peau-de-casque.
Le Fond du Tiroir ira chercher votre tympan par la peau du casque.

Vous noterez, ou pas, que l’émission a beau avoir été enregistrée juste avant l’élection au Brésil, nous réussissons à glisser dans la conversation « Lula Presidente » .

Vous noterez également, ou pas, que je risque à nouveau de me faire enguirlander par Marie Mazille puisque je persiste dans mon erreur, en suggérant au micro que le stage d’écriture de chansons que nous animons ensemble pour Mydriase s’adresse principalement aux pros et aux semi-pros. Alors qu’il s’adresse aux amateurs au sens le plus noble du terme. Pardon Marie, ça m’a échappé, je ne le ferai plus. Ou pas. Et toi, là, l’amateur au sens le plus noble du terme, inscris-toi à notre stage, il reste des places !

Âme slave

28/10/2022 un commentaire

Oleksandra Matviichuk, avocate ukrainienne, reçoit le prix Nobel de la paix 2022… Formidable. Hélas la fortune de la TNT ne fera pas taire les bombes.

Je viens de lire avec fébrilité et terreur Z comme zombie de Iegor Gran, brûlot qui parle moins des films de Romero que de l’imaginaire russe, ledit Z étant celui qui orne les chars russes, devenu signe de ralliement nationaliste. Risquons le cliché : l’« âme russe » est admirable sans doute, pittoresque et poétique (ah Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov)… mais démentielle, délirante, ivre, paranoïaque, totalitaire, impérialiste et, pour l’heure, criminelle.

Moi qui déjà suis lecteur assidu des chroniques d’André Markowicz sur la guerre en Ukraine, je me vautre dans un cliché voisin du premier après lecture de Iegor Gran puisque me voici désormais convaincu qu’il est indispensable d’être au moins UN PEU russe, ainsi qu’un peu écrivain, pour tenter de décortiquer l’actuelle bouillie de la pensée russe. Markowicz et Gran qui cochent les deux cases (troisième exemple : Emmanuel Carrère – lisez Limonov) parviennent ainsi à la même conclusion, qu’un non-russe tel que moi (je suis certes un peu écrivain, mais cette qualité seule est insuffisante) ne se permettrait pas : perdre cette foutue guerre serait (sera ?) salutaire pour mettre un peu de plomb dans le crâne des Russes, leur recoller les pieds sur terre, les vexer.

Je me passionne pour la notion de vérité d’état, qui est le contraire de la vérité, ainsi que pour les mensonges en général (cf. le feuilleton du Fond du tiroir sur l’archéologie littéraire des fake news)… Dans Z comme Zombie, on peut dire qu’à chaque page je suis à la fois comblé et écœuré à vomir, merci. Les Russes ont inventé le village Potemkine, on dirait à présent que la Russie est un pays Potemkine dans un monde Potemkine.

Mais outre la disparition du lien avec le réel (Le faux est partout, Iegor Gran p. 129), ce pamphlet éclaire de nombreux autres recoins sombres de l’époque globale. Par exemple je relève au vol dans la presse ceci : « Hausse de 28 % des atteintes à la probité enregistrées en France entre 2016 et 2021. Ces atteintes regroupent les infractions de corruption, de trafic d’influence, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics, de favoritisme et de concussion. » (lemonde.fr, 27 octobre 2022)

Je suppose que la globalisation et la banalisation de la malhonnêteté des riches (ainsi que de ceux qui veulent devenir riches), est contemporaine de la globalisation et la banalisation des pipeaux de propagande, deux symptôme d’un même mouvement de fond, et je m’empresse de mettre cette info directement en lien avec un extrait de Z comme Zombies lu le même jour :

Détester l’Occident tout en étant totalement inféodés à la consommation des produits occidentaux – la schizophrénie des Russes atteint une perfection dans la démesure de leur dépendance à ces deux mamelles qui font le sel de leur existence. Le boycott des marques par les citoyens consommateurs, tel qu’on le rencontre périodiquement en Occident, est impensable ici ; il serait perçu comme une maladie mentale. Vous ne trouverez pas un seul zombie qui militerait pour la décroissance ou la limitation volontaire de la consommation personnelle pour protéger les ressources naturelles, limiter la souffrance animale ou réduire l’empreinte carbone. On vomit l’Occident et on bave devant ses produits avec un élan identique et une sincérité que l’on pourrait qualifier d’enfantine tellement la contradiction, pourtant flagrante, entre ces deux positions reste dans l’angle mort de la plupart des russes. (p. 130)

Quand les Russes constatent que les plus grands yachts du monde, les plus beaux châteaux, les montres de collection les plus rares appartiennent à des oligarques et des fonctionnaires russes, ce n’est pas de la jalousie qu’ils ressentent mais du contentement, comme s’ils étaient eux aussi, par ricochet, des rayons de soleil, baignés dans ces reflets d’or. Loin de remarquer que toute cette richesse provient de la spoliation dont ils ont été victimes, ils ont une admiration candide pour Abramovitch, Ousmanov, Deripaska, Potanine [litanie de noms d’oligarques] et les autres, car ce sont des gars « qui en ont », et c’est pourquoi ils sont en train de s’offrir l’Occident, qui se soumet – suprême jouissance !
Les inégalités ? Mais c’est encore heureux qu’il y en ait ; les inégalités sont une preuve du dynamisme de nos élites, de leur roublardise, de leur supériorité darwinienne sur les miséreux losers, ces lokhi comme on les appelle péjorativement depuis les années 1990. Un lokh, c’est celui qui se fait entuber, celui qui travaille dur et gagne peu, qui subit, le tâcheron, le minable que la vie économique exploite. Par extension, on classe en lokh le type honnête, l’idéaliste naïf, celui qui s’abstient de voler l’État ou l’entreprise où il travaille, celui qui n’a aucun passe-droit et peu de relations. Il ne mérite aucune compassion, aucune pitié – c’est un lokh ! (…) Proposez [aux Russes] d’échanger leurs ultra-riches parasites contre des minima sociaux dignes de ce nom et ils vous traiteront de populiste, de dictateur, d’envieux, de gauchiste et de lokh. (pp. 139-141)

Au temps pour l’idiosyncrasie russe. Pour le coup, je contredis ce que j’ai écrit plus haut. Ici les caractéristiques de l’âme russe semblent familières, très partagées, et un peu françaises aussi. Macroniennes, à tout le moins.

La machine à décerveler du père Ubu

27/10/2022 Aucun commentaire

Le formidable et palpitant film documentaire consacré à « l’agnotologie » et à la désinformation, La Fabrique de l’ignorance (Franck Cuveillier et Pascal Vasselin) a reçu le prix Parisciences 2021, et c’est justice.

Cette archéologie, non pas du savoir, mais du non-savoir stratégique, est une œuvre de salubrité publique. Les deux auteurs décortiquent comment, depuis les années 50, les grandes compagnies (tabac, amiante, carburants, pesticides, chimie, plastiques, agroalimentaire, nucléaire, numérique, etc.) ont privatisé la méthode du doute scientifique ainsi qu’ils ont privatisé tout le reste du bien commun, afin de retourner perversement la science contre elle-même, et de dynamiter la notion même de savoir. Sophisme : le scepticisme est une vertu scientifique, n’est-ce pas ? Alors les climatosceptiques sont les seuls vrais scientifiques. Les conclusions de leurs commissions d’experts appointés par ces compagnies (ou, pire encore, sincères) est, de façon récurrente, “On ne peut pas savoir” (si le tabac, l’amiante, les carburants, les pesticides, la chimie, les plastiques, l’agroalimentaire, le nucléaire, le numérique, etc… sont réellement dangereux).

Ainsi est réduit à néant tout ce qui pourrait entraver leur “bizness as usual” et leurs profits. Dans l’un des documents confidentiels ayant fuité (cf. la 26e minute du film), on lit cet aveu extravagant :

« Le doute est notre produit car c’est le meilleur moyen de concurrencer l’ensemble des faits présents dans l’esprit du public, c’est aussi le moyen d’établir une controverse. »

Le doute, principe qui enorgueillit et élève la pensée humaine au moins depuis Descartes, est ravalé à l’ignoble niveau de l’astuce marketing. La responsabilité morale de ces compagnies dans la confusion mentale généralisée à notre époque saturée de “faits alternatifs” , de mensonges décomplexés, de trumpisme et de poutinisme, est colossale et sera impossible à rembourser – tout comme les crimes contre le vivant lui-même.

Le documentaire n’est plus en ligne sur Arte (sauf en payant sur la boutique) mais on le trouve en deux clics sur Youtube.
Le paradoxe, ironiquement souligné par le cinéaste lui-même, est que son succès aura été, aussi, celui des complotistes qui ont massivement regardé le film… Mais il est parfois terriblement difficile de contredire les complotistes : comment appeler un cénacle de messieurs encravatés qui se réunissent dans une salle de conférence et élaborent une stratégie globale de décervelage, sinon “un complot” ?

Également sur Youtube : notre chanson Vos gueules (Leïla Badri, Norbert Pignol, Fabrice Vigne et Nicolas Coulon), d’une actualité sans date de péremption puisque les gueules ne se ferment pas, ferait une excellente bande originale pour ce film. « Tiens, une abeille est morte, tralalala… » :

Sur le même sujet que La fabrique de l’ignorance, et mettant en exergue cette hallucinante même citation (Notre produit, c’est le doute), on se réfèrera à ce déjà classique de 2010 réédité cette année aux éditions du Pommier, Les Marchands de doute de Naomi Oreskes et Erik M. Conway.

Un jeton dans le bastringue

21/10/2022 un commentaire

C’est reparti.
Tout va reprendre ! ce Sarabbath ! Vous entendrez siffler d’en haut, de loin, de lieux sans noms : des mots, des ordres… Vous verrez un peu ces manèges !… Vous me direz…

Après Guerre au printemps, un nouvel inédit de Louis-Ferdinand Céline sort en librairie pour cet hiver : Londres. Le synopsis semble connu puisque c’est celui de Guignol’s Band, donc ce roman est sans doute une variation sur un thème déjà lu. Bien sûr que je le lirai, mais je ne me précipite pas, je prends mon temps, comme pour le précédent.
En attendant, le hasard fait (ceux qui savent, savent qu’il n’y a pas de hasard) que je lis beaucoup de Robbe-Grillet ces jours-ci. Or au 12e chapitre de sa Préface à une vie d’écrivain, je lis ceci qui est l’un des propos sur Céline les plus intelligents qui me soient passés sous les yeux :

C’est la forme de l’écriture qui critique le monde, ça n’est pas du tout les histoires qu’on raconte. Les grands romans soviétiques qui glorifient la révolution, le peuple, les lendemains glorieux sont une littérature parfaitement réactionnaire. Tandis qu’au contraire un écrivain qui va mettre en cause l’écriture même du monde va être lui [révolutionnaire]. Il ne faut pas du tout s’étonner du cas de Céline, ce n’est pas un cas à part. Céline est ce qu’on devrait appeler un écrivain de gauche bien qu’il ait été d’extrême droite. Il portait l’esprit d’une révolution, on ne peut pas en dire autant de beaucoup de bons esprits de gauche de l’époque, qui au contraire faisaient de la littérature de droite. (…) Pourquoi est-ce que j’ai connu Céline très tôt alors que je ne connaissais pas du tout la littérature, c’est parce qu’il était d’extrême droite. Mes parents étaient d’extrême droite, ce qu’on lisait c’était les chroniques de Brasillach dans l’Action Française où l’on parlait de Céline, on ne parlait jamais d’André Breton. Céline avait la chance d’être antisémite donc on pouvait en parler à la maison. Et il se trouve que c’est le grand écrivain révolutionnaire !

Bravement, je reproduis ces lignes intéressantes sur Fachtreubourk… Immanquablement, la mention de Céline crée la polémique, sacré Ferdine et sacré Fachtreubourk, ils ne déçoivent jamais !
Sous mon post, deux commentaires apparaissent, deux malentendus, deux jugements avec lesquels je ne puis être d’accord et auxquels il me faut répondre, je réponds.

YG écrit sur mon mur :

Merci Fabrice pour ces trouvailles. Merci de distiller ces perles d’intelligence.On peut donc être catalogué à l’extrême droite et être révolutionnaire. Dans un monde soumis à l’injonction progressiste être conservateur est donc devenu révolutionnaire. Logique en somme.

Je me sens obligé de répondre :

« Pas d’amalgame » comme dit l’autre !
Je ne t’accompagnerai certes pas jusqu’à l’idée générale Être conservateur est donc devenu révolutionnaire, qui ne concerne que ce que l’on appelle la révolution conservatrice. Celle-ci a fort peu à voir avec la littérature, où l’idée de Robbe-Grillet (la révolution est dans l’esthétique et non dans le discours), pour brillante qu’elle soit, ne saurait s’ériger en cas général, ni autoriser à qualifier par principe et par paradoxe de révolutionnaire toute idée conservatrice : les contemporains de Céline classés dans la même case politique que lui (Rebatet, Brasillach, Chardonne, ou même Morand…) étaient des réacs dans le fond ET dans la forme !

Puis, FD écrit sur mon mur :

Je vais certainement me faire lyncher. Mais les premiers livres de Céline que j’ai eu entre les mains étaient ? L’école des cadavres et Bagatelles pour un massacre. C’était tellement nauséabond que je n’ai jamais pu lire autre chose de lui. Il avait peut-être du talent, beaucoup le disent mais j’ai toujours à l’esprit les précédents cités.

Je me sens obligé de répondre :

Non non pas de lynchage.
Le Fond du tiroir est, par principe, contre le lynchage.
Cependant je me permets de trouver dommage que vous n’abordiez Céline que par ces deux livres-là précisément (quelle drôle d’idée ! ou quelle malchance !), deux livres pénibles, polémiques, répétitifs, de circonstance, deux livres « engagés » et fourvoyés… plutôt que par son œuvre romanesque. C’est un peu comme si vous vous contentiez, pour vous forger une opinion sur Eluard, d’avoir lu sa vibrante Ode à Staline (1950), ou sur Aragon, son confondant éloge du goulag qui enfin dressera l’homme nouveau (Pour un réalisme socialiste, 1935).
Ces deux interventions/réactions à l’actualité n’épuisent pas leurs auteurs respectifs et sont seulement susceptibles d’épuiser leurs lecteurs (1).
Bon, de même, Bagatelles pour un massacre existe, mais ce n’est pas le meilleur livre de Céline.
De même qu’il est préférable, en principe, de lire un grand roman épique et total tel Voyage au bout de la nuit plutôt qu’un pamphlet fulminant torché en vitesse, il vaut également mieux lire un livre qu’un post Facebook. J’en profite pour rappeler à toutes fins utiles que mon opuscule Lettre ouverte au Dr. Haricot de la Faculté de Médecine de Paris est toujours en vente au Réalgar.

Ah et j’ai même un certain PL qui juge bon d’écrire :

Mouais, le fumeux poncif du « style contre les idées » : Robbe-Grillet était apparemment aussi mauvais critique qu’écrivain ou cinéaste.

Mais là, j’atteins mes limites et m’abstiens de répondre. L’idée que l’on peut discuter avec tout le monde par la magie d’Internet est un leurre.

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(1) – On peut sans avoir à réfléchir trop longtemps citer un exemple plus contemporain : il est fortement conseillé, avant d’exprimer le moindre avis sur l’écrivain Virginie Despentes, d’avoir lu autre chose que sa chronique « On se lève et on se casse » ou, pire encore, sa déclaration d’amour débile aux frères Kouachi parue dans les Inrocks. Elle aussi vaut mieux que ça.

« J’ai été aussi les gars qui entrent avec leurs armes. Ceux qui venaient de s’acheter une kalachnikov au marché noir et avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que de vivre à genoux. J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. […] Je les ai aimés jusque dans leur maladresse – quand je les ai vus armes à la main semer la terreur en hurlant “on a vengé le prophète” et ne pas trouver le ton juste pour le dire. Du mauvais film d’action, du mauvais gangsta rap. Jusque dans leur acte héroïque, quelque chose ne réussissait pas. Il y a eu deux jours comme ça de choc tellement intense que j’ai plané dans un amour de tous – dans un rayon puissant. »
Virginie Despentes, Les Inrockuptibles du 17 janvier 2015, 10 jours après le massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo.

Vaillant petit ailleurs

17/10/2022 Aucun commentaire
Marie MAZILLE – chant, nyckelharpa, accordéon, mots
Christophe SACCHETTINI – flûtes, scie musicale, psaltérion, percussions, conception, montage
Fabrice VIGNE – récitant, trombone

Sept d’un coup ! Comme dit le vaillant petit tailleur.
Je n’avais jamais connu un tel marathon. En un mois, j’ai joué dans sept spectacles distincts, dont certains étaient conçus et écrits par moi-même, et dont plus de la moitié (quatre sur sept, eh ouais) étaient payés, fût-ce au chapeau. Si je devais devenir intermittent (qui connaît l’avenir, hein ?), ce mois-là serait une bonne période-test pour m’interpeler moi-même comme on donne un conseil à un vieux pote, Eh, gars, non mais franchement qu’est-ce que tu fous encore avec ton travail salarié que-t’aimes-bien-mais-t’as-mieux-à-faire ?

Mesdames et messieurs, ledit marathon s’achèvera demain soir, mardi 18 octobre 2022 à 20h, avec le spectacle le plus bizarroïde des sept, haut la main, ne manquez pas ça parce qu’on ne le refera, a priori, jamais, et même, en capitales, JAMAIS.
Ce sera un ciné-concert intitulé Le miroir qui revient, chez Christophe Sacchettini et Marie Mazille, il reste quelques places, informations à la demande en message privé auprès de moi ou de Christophe, qui, dans certains réseaux sociaux interlopes, est également connu sous le nom de Mustradem Prod.
Pour de sordides raisons de droits, je n’ai pas l’autorisation de vous détailler davantage les œuvres filmées et écrites qui seront présentées ce soir-là (je peux tout au moins dire qu’on y entendra au minimum une chanson inédite de Marie Mazille), j’en suis réduit à vous redire Faites-nous confiance, venez donc, ce sera vachement bien et, au sens premier et absolu, inouï.

La photo originale (et c’est le moins qu’on puisse dire) est ici.

Chaque bon début

12/10/2022 Aucun commentaire

En 2014, dans un lycée technique grenoblois.
Je suis invité par l’enseignant atypique Antoine Gentil au sein de sa classe expérimentale, “Starter” – je connais Antoine depuis plusieurs années, il m’avait déjà invité dans sa précédente vie, dans son précédent lieu de travail : en prison.
Je cause avec ses élèves, ados grands décrocheurs, et tous raccrochés un par un, minutieusement, à la main, vers un métier. Paumés, retrouvés. Chantier en cours.
En guise de prétexte à l’échange, je leur présente le beau Double Tranchant que j’ai commis avec Jean-Pierre Blanpain (toujours disponible au catalogue du Fond du Tiroir), je raconte ce que couper signifie, ce qu’avoir un métier ou un savoir-faire signifie, puis par extension nous évoquons la portée symbolique de chaque geste professionnel.
La conversation s’engage. Je peux témoigner de ce que je fais quand j’écris. De ce que fait Jean-Pierre quand il dessine. Et eux ? Tu fais quoi, toi ? Tu te destines à être chauffagiste ? Ce n’est pas rien, apporter de la chaleur aux gens. Et toi ? Tu apportes à manger à des personnes âgées ? Tu nourris le monde, c’est énorme… Etc… Et ce que fait Antoine tous les jours ici, donc ? Son geste à lui ne serait-il pas le plus difficile et le plus vital ? J’y pense très fort mais nous ne l’aborderons pas.

Je ressors ragaillardi par ce que j’ai vu et entendu, épaté par Antoine, que je tiens ni plus ni moins pour un héros. Je ne sais pas si j’ai fait du bien à ces jeunes gens et à ces jeunes filles avec mes histoires de couteaux, mais eux m’en ont fait, avec leurs histoires de vies, cabossées et réinventées sous mes yeux.

En 2022 sort au cinéma Un bon début, film documentaire tourné pendant un an dans la classe d’Antoine. Ce qu’il fait est enfin abordé. Je lis la critique qu’en donne Le Monde, et j’opine : tout cela je le savais depuis 2014, y compris qu’Antoine est un héros, mais qu’est-ce que je suis content que ce soit dans le journal, que ce soit sur l’écran, que ce soit pour tout le monde et tout Le Monde.

« A Grenoble, au lycée professionnel Guynemer, existe depuis 2012 une classe de 3e unique en France, qui propose chaque année à une quinzaine d’adolescents en décrochage scolaire sévère de les arrimer à un projet de qualification professionnelle, par l’obtention d’un CAP, voire d’un bac pro. Baptisé « Starter », ce dispositif a été créé et coordonné par Antoine Gentil qui, c’est le moins qu’on puisse dire, entouré d’une poignée d’enseignants associés, paie de sa personne pour tirer vers le haut ces jeunes en difficulté. Agnès et Xabi Molia, elle documentariste, lui réalisateur et romancier, se sont installés en classe et ont suivi, un an durant, le processus mis en œuvre pour ce faire. (…)
Cette longue immersion – restituée par le choix du « Scope » et du plan-séquence – permet au film de saisir au plus près l’efficience et, pourquoi économiser ses mots, la réussite éclatante du projet. Elle consiste en un mélange bien dosé de partenariat actif avec les entreprises et de soutien intensif aux élèves, tant psychologique que pédagogique. C’est bien le moins, pensera-t-on, sauf que le film, c’est sa grande vertu, met en lumière ce qu’il faut de résolution, d’opiniâtreté, de patience et de bienveillance pour parvenir à ce minimum. C’est dire d’emblée que le véritable héros de ce film – dans la droite ligne de l’enseignant Georges Lopez dans le célébrissime Être et avoir (2002) de Nicolas Philibert – est Antoine Gentil, dont l’énergie, l’omniprésence, la combativité, la qualité d’écoute, l’exigence et l’intelligence pédagogiques enfin, magnétisent le cadre. » (Jacques Mandelbaum, Le Monde)

Confine Revival

09/10/2022 un commentaire
photos : Laurence Menu

Revival « Confine » vendredi dernier avec toute l’équipe réunie pour la première fois, y compris Capucine Mazille la Bretonne, de passage à Grenoble, mais aussi Marie Mazille (of course), Franck Argentier, Christophe Sacchettini et Farid Bakli.

Le happening a pris place dans l’arrière-Caverne (merci à Mohamed Aouine et à son héroïque librairie). Quel plaisir de rejouer sur scène notre épopée burlesque !

Comme l’a fort justement résumé Capucine durant les papotages de l’after : la principale vertu de la Confine est d’être joyeuse. J’en suis convaincu aussi et la joie est pratiquement une question d’éthique. Se montrer joyeux à propos d’un événement collectif qui au contraire avait tout pour rendre morose, voilà qui est élégant, classe, sain, vital, résistant, c’est ce que nous pouvions faire de mieux et nous l’avons fait, bravo. C’est en outre certainement pour la même raison qu’on ne s’en lassera pas : grâce à la Confine, le confinement n’est pas qu’un mauvais souvenir.

Mesdames et messieurs, le livre-DVD Au Premier Jour de la Confine est toujours en vente au Fond du Tiroir.

Nobelle

06/10/2022 Aucun commentaire

Youpi !

Pour une fois qu’à l’annonce du Prix Nobel de littérature on s’écrit Youpi ! plutôt que C’est qui çuilà déjà, eskilé seulement traduit en français ?

Rétrospective Annie Ernaux, écrivaine extrêmement importante pour moi comme pour les faiseurs de Nobel : il a été question au Fond du Tiroir de…

  • Les années Super 8 : ici.
  • Passion simple & L’événement : ici.
  • Regarde les lumières mon amour (collector ! ma correspondance avec madame Ernaux !) : ici.
  • Hôtel Casanova : ici.

…et bien sûr Les Années, somme récapitulative et chef d’œuvre, ici et là et un peu partout…

Pense-bête

03/10/2022 Aucun commentaire
Première page de la traduction anglaise de la chronologie universelle de James Ussher (vers 1658)

Âge de l’univers : 13,7 milliards d’années
Âge du soleil : 4,603 milliards d’années
Âge de la terre : 4,543 milliards d’années
Âge de la vie sur terre : 4,1 milliard d’années (micro-organismes fossiles)
Âge de LUCA (Last Universal Common Ancestor), organisme vivant complexe multicellulaire : 3,3 à 3,8 milliards d’années
Âge des premiers animaux marins : 700 millions d’années (vers, méduses, éponges de mer)
Âge des premiers poissons : 450 millions d’années
Âge des premiers animaux amphibiens (qui sortent de l’eau) : 350 millions d’années
Âge des premiers reptiles (ancêtres des dinosaures) : 300 millions d’années
Règne des dinosaures (Mésozoïque) : 252 millions d’années
Âge des premiers mammifères : 200 millions d’années
Disparition des dinosaures (fin du Mésozoïque) : 66 millions d’années
Âge des premiers hominidés : 7 millions d’années
Australopithèques (Lucy) : 4,2 millions d’années
Âge des premiers outils (cf., pour en avoir une interprétation artistique, le prologue de 2001 : l’Odyssée de l’espace) : 3,3 millions d’années
Homo habilis : 2,3 millions d’années
Invention du feu : 1,5 million d’années
Homo Erectus : 1 million d’année
Ancêtre commun des Sapiens et des Neandertal : – 660 000 ans
Perfectionnements technologiques (pierre, bois…) : au minimum – 476 000 ans
Apparition d’Homo Sapiens en Afrique : à partir de – 300 000 ans
Premières sépultures, donc peut-être premières religions : entre – 200 000 et – 100 000 ans
Dispersion et migrations d’Homo Sapiens dans le monde entier : entre – 70 0000 et – 20 000 ans
Homo Sapiens attesté en Europe (Italie, Bulgarie et Grande-Bretagne pour les plus anciens ossements) : – 45 à – 43 000 ans
Peintures de la grotte Chauvet : – 33 000 ans
Disparition des derniers Neandertal (Sapiens demeure le seul hominien) : – 30 000 ans
Peintures de Lascaux : – 18 000 ans
Fin de la préhistoire/début de l’histoire (révolution néolithique, invention de l’écriture, de l’agriculture, de l’élevage, de la métallurgie, des villes, du pouvoir politique central, de l’économie de production, de la guerre, etc.) : entre – 10 000 et – 4000 ans selon les parties du monde

Bonus pour rire :

Alors le monothéisme vint !
Premier monothéisme connu (du moins après la tentative singulière, brève, discutable et opportuniste du pharaon Akhenaton, milieu du XIVe siècle avant JC) : Zoroastrisme, 660 avant JC, soit il y a environ 2700 ans. Les autres ont suivi dans la foulée, judaïsme, christianisme, islam, tous ont promis l’immortalité de l’âme au premier venu et en ont profité pour mettre enfin un peu de de rigueur dogmatique dans l’histoire trop compliquée et fastidieuse de l’univers.
Âge de la terre selon la Bible : 6000 ans (ha ha hi hi)
Durée de vie du monde selon l’islam (d’après certains hadiths du Prophète) : 7000 ans (ho ho hé hé)
James Ussher, un gars sérieux puisque pasteur anglican, docteur à l’âge de 28 ans, historien en plus d’être théologien et soucieux de réconcilier ses deux disciplines, a épluché la Bible paragraphe après paragraphe pour dresser une chronologie exhaustive et définitive. C’est ainsi qu’en 1658 il a établi que l’instant zéro avait eu lieu au soir du 28 octobre 4004 av. J. -C. (hou hou hou stop j’en peux plus c’est trop, ouye les crampes dans les côtes, quel dommage que le gars n’ait pas aussi précisé l’heure et la minute).

Rappel : le concordisme est l’ennemi de l’honnête homme.
Le savoir et la foi, l’un toujours provisoire et en cours d’amendement, l’autre prétendant à l’éternité et à l’immuabilité, sont deux manières de penser inconciliables. Les mélanger expose au ridicule. Les tenir éloignés l’un de l’autre est le projet même de la laïcité, pas le moins du monde ringard.

Quand j’étais petit je regardais tous les soirs ce générique, qui à notre époque serait sans doute polémique voire cancélé tant il passerait pour une dangereuse propagande propre à froisser les convictions intimes de certaines populations. Dommage, on y entendait du Bach, ce qui est très bon pour la santé.