Joyeux 8 mars ! Le saviez-vous ? Le 8 mars n’est pas seulement la journée internationale des droits des femmes, mais également le jour de saint Jean de Dieu. (De même, le violet n’est pas qu’une couleur féministe, c’est également la couleur des hommes qui préfèrent s’habiller en robe : les évêques et la plupart des ecclésiastiques de cour au Vatican autour du pape, ou à Londres autour de l’archevêque de Canterbury.)
Qui était ce Jean de Dieu célébré le 8 mars ? João de Deus (1495-1550) est le fondateur d’un ordre hospitalier et en outre un ex-libraire (car l’on n’est pas obligé d’exercer toute sa vie le même métier), deux éléments de biographie qui le rendent plutôt sympathique, et qui ont fait de lui le saint patron des infirmiers, des imprimeurs, des relieurs et des alcooliques. Mais retenons aussi que lors d’une vision mystique il aurait reçu la couronne d’épines des mains mêmes de la Sainte Vierge, c’est à dire de ce personnage mythologique qui n’est pas pour rien dans l’oppression patriarcale des femmes, balisant depuis deux millénaires l’horizon des possibles pour la moitié du genre humain : soit vierge, soit mère, soit les deux à la fois (idéal de science fiction présenté aux jeunes filles à fin de schizophrénie) soit aucun des deux et dans ce cas salope et sorcière.
Écrasons l’infâme avec le Fond du Tiroir ! En ce 8 mars, rappelons que tant qu’on n’aura pas identifié et sectionné les liens entre le patriarcat et les religions monothéistes, on n’aura pas fait avancer d’un centimètre la condition féminine ! Et bonne journée à toutes.
Autre chose : depuis le moment, scandaleusement récent, où l’anatomie exacte du clitoris a été connue (il est aberrant de songer que l’humanité a été capable de fabriquer la bombe atomique avant de savoir décrire un organe si utile à son bonheur), j’éprouve comme une sensation de déjà-vu, il me semble reconnaître cette forme sans toutefois être capable de mettre le doigt dessus. Et puis ce matin, eurêka, en observant « Phryge », la grotesque mascotte des grotesques jeux olympiques de Paris 2024, la vérité m’éblouit. Le clitoris est évidemment un bonnet phrygien. Marianne porte son clitoris sur la tête depuis toujours, et on ne le savait pas. (Voilà qui m’évoque Hitchcock parlant quelque part des actrices qui « portent leur sexe sur leur visage ».) Vive la Révolution féministe ! Vive Marianne ! Vive le clitoris ! Vive la République ! Vive la France !
Praga Magica d’Angelo Ripellino, collection Terre Humaine. Mon frère m’a offert ce livre dans les années 90.
Cette nuit, je me trouvais dans une capitale d’Europe de l’Est, je crois que c’était Prague mais comme je n’ai jamais mis les pieds à Prague, je ne pouvais en être absolument certain. J’arpentais les rues, je n’osais pas demander aux passants une confirmation de cette localisation, la question Pardon sommes-nous bien à Prague ? semblerait ridicule à n’importe qui, moi compris, je craignais de me faire rembarrer aussi bien en cas de réponse positive que de réponse négative, d’ailleurs comprendrais-je seulement la réponse, je ne parle pas un mot de pragois, je ne voulais pas me mettre dans l’embarras.
J’étais venu à Peut-être-Prague assister à un colloque international sur les conséquences du réchauffement climatique et je venais d’en sortir, tétanisé, j’avais besoin de prendre l’air, j’étais resté très frappé par la communication donnée à la tribune (en français et non en pragois, heureusement) par Pacôme Thiellement. Celui-ci avait expliqué, powerpoint à l’appui, que l’un des effets du réchauffement était le détachement de l’Afrique du Nord qui, désormais, se déplaçait de façon chaotique et imprévisible en Méditerranée, comme un continent mobile, comme une île qui se déplace (Pacôme Thiellement précisait qu’heureusement nous étions prévenus de cette situation grâce à Lost). Ce continent à la dérive venait à vive allure se cogner aux côtes méditerranéennes, rebondissait comme une boule de flipper en provoquant des tremblement de terre, et le récent séisme turc était l’avant-garde de ce à quoi nous devions nous préparer en Grèce, en Italie, en Corse…
Marchant dans les rues de Peut-être-Prague, je remâchais cette perspective terrifiante en me demandant si Peut-être-Prague était suffisamment loin de la mer pour être à l’abri du danger? Mais à présent il fallait bien que je rentre chez moi, sauf que c’était où « chez moi » à Peut-être-Prague ? Ah, oui, ça me revenait, j’habitais un peu plus loin, dans un immeuble un peu délabré, sans ascenseur, que mon frère venait d’acheter à fin de location. J’habitais là, avec mon frère et E., qui était sa copine durant les années 90 et que je n’avais pas revue depuis 30 ans, à l’époque nous étions tous les trois étudiants, dans un appart qui occupait tout un étage, et qui était conçu en U, sur trois côtés, tout autour d’une cour intérieure : lorsque j’étais dans ma chambre, je pouvais par la fenêtre voir la leur de l’autre côté de la cour. Et justement voilà mon frère, penché à sa fenêtre, de son côté de la cour. Il me demande comment ça va. Je n’ose pas lui parler du continent mobile et de la boule qu’il m’a laissé dans la gorge. S’il investit dans l’immobilier c’est qu’il a confiance dans l’avenir. Mais tout de même mon frère finit par me rappeler que mon hébergement est une solution provisoire, il me fait bien comprendre que cet immeuble il l’a acheté et qu’aussi longtemps qu’il me cède une chambre il perd un loyer, il veut bien me dépanner mais il serait temps que je me trouve autre chose. Je répondais Oui d’accord mais moi je ne connais personne à Prague ! Or quand je prononce ce dernier nom il fait une drôle de tête, penché à sa fenêtre les deux mains sur le rebord, il écarquille les yeux, j’ai dit une bêtise ? Peut-être bien que nous ne sommes pas à Prague, finalement…
Je referme ma fenêtre et je sors. J’espère que je ne vais pas croiser mon frère dans le couloir. Me revoilà dans les rues. Mon seul espoir est de tomber sur une personne de ma connaissance, qui parlerait ma langue et serait prêt peut-être à m’héberger. Or voilà que ce miracle advient : au détour d’une rue, je tombe sur Antoine, mon ami d’enfance, qui est devenu le directeur du musée Berlioz de la Côte-Saint-André. Ça alors, Antoine ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu fais à Prague ? Quand je prononce ce dernier nom il fait une drôle de tête, fronce les sourcils, ai-je encore gaffé avec cette histoire de Prague ?… Il n’est jamais venu à Prague, Berlioz ? Peu importe, je change de sujet, je suis content de le revoir, c’est inespéré, j’engage la conversation : Alors Antoine, toujours berlioziste à fond ? La Marche au supplice et tout le tremblement ? Soudain je me rends compte de son accoutrement. Antoine est déguisé en Napoléon. Il n’a pas son bicorne, il est tête nu, mais porte son uniforme d’apparat, habit vert avec épaulettes, pantalon blanc, bottes jusqu’aux genoux et gilet à boutons. Il s’est même fait la mèche à la gomina. Mais… Qu’est-ce que tu fais en Napoléon, voyons, Antoine ? Quelle drôle d’idée Napoléon à Prague ? Il éclate de rire et me dit : « Ah, tu vois, Berlioz mène à tout ! On m’a consulté à propos des liens entre Berlioz et Napoléon, en préparation d’un film en tournage ici. Et de fil en aiguille c’est moi qui ai décroché le rôle. Tu imagines, à mon âge, commencer une carrière au cinéma ? » Voilà qu’il repart d’un gigantesque rire qui fait se retourner les passants.
Le Dossier M est un grand œuvre, peut-être un chef d’œuvre. « Mon histoire de M » comme dit Grégoire Bouillier. Si l’on veut bien, ce sera notre histoire de M aussi. Lecture de longue haleine. Je ne recommande ma méthode à personne mais en ce qui me concerne je lis un tome par saison. Ainsi je m’en fais un feuilleton, une série. Six tomes, six saisons : j’aurai bouclé en un an et demi.
Durant l’automne, j’ai lu le tome 2 : Dossier bleu, l’Amour, qui comme son nom l’indique déployait les éclairs, les hormones, les désirs, les euphories, les hallucinations, les aspirations, les joies, les rêves.
L’hiver ici s’achève comme je viens d’achever le tome 3 : Dossier violet, le Réel qui comme son nom l’indique est quand on se cogne. (Au printemps prochain m’attend, et comme son nom l’indique ce sera pure antiphrase avec la belle saison, le tome 4 : Dossier noir, la Solitude.)
Qu’est-ce que le réel ? C’est quand on se cogne : se cogner littéralement c’est entrer dans le dur, dans plus dur que soi. C’est quand on repose, fût-ce brutalement, les pieds sur terre. C’est le tragique des choses qu’il nous faut non seulement admettre mais embrasser le plus pleinement possible, car être tragique est ni plus ni moins être réaliste, comme l’expliquent tant bien que mal Friedrich Nietzsche ou Ainsi parlait Nanabozo. C’est encore l’acceptation, la réception, l’absorption de ce que l’on peut connaître faute de mieux du monde et nulle coïncidence si, parmi les mille et une sorties de route du Dossier M, piétinements, digressions, anaphores, énumérations, divagations et ressassements à la Thomas Bernhard, c’est précisément dans ce tome 3 violet que prend place (partie VI, niveau 3, pp. 332 et suivantes) un utile et fort juste éloge de France Culture, ces voix qui parlent, qui nous parlent, surtout la nuit, qui nous rendent le monde et le réel, oui quelle chance avons-nous d’avoir France Culture et d’accéder ainsi au réel et dans le réel tout est lié. Ainsi que face à nombre de pièces de ce puzzle en six volumes, on pourrait dans un moment de fatigue ou d’inattention se demander mais qu’est-ce qui lui prend, qu’est-ce que France Culture vient foutre là, et puis on prend du recul, on voit l’image globale se préciser, le dessein s’affiner, le dessin se dépixéliser page à page, ah, oui, le réel. C’est grand : le tout est différent de la somme des parties et il fallait tout ça.
La réalité (et Bouillier prend soin systématiquement d’ajouter entre parenthèses Ce qu’on appelle la réalité) c’est, au mieux, ce qu’on en peut dire, surtout la nuit, ce qu’on en peut comprendre, ici la littérature joue plus qu’un rôle et ce volume est, outre le premier où son auteur se revendique l’écrivain (partie VIII, p. 451), également un éloge de ce que nous fait la littérature, par l’exemple : les dizaines de pages sur ce que Lolita de Nabokov a fait à Bouillier, a fait de lui, sont formidables (partie IV pp. 189 et suivantes), exégèse purement intime et non académique. Lolita a empêché Bouillier de devenir un assassin, ce n’est pas rien, et peut-être qu’un jour quelqu’un se dévouera pour raconter sur des dizaines de pages ce que le Dossier M lui a fait et ce qu’il lui a empêché de devenir.
Pourtant la littérature n’est pas le réel, prendre l’un pour l’autre serait pure folie, et il faut parvenir p. 361 pour, enfin, lire une rigoureuse définition du réel et de ce qui le distingue radicalement de la littérature :
Dans la vraie vie. On n’a pas le choix. On est forcé de s’incliner respectueusement. On ne peut faire autrement que de gober ce qui arrive, aussi incroyable et difficile à avaler cela soit-il. On ne peut pas nier, sauf si l’esprit n’y résiste pas. Je dirais même plus : ce qui semble pur artifice, totalement invraisemblable dans un roman paraît, dans la vraie vie, l’essence même de la réalité des choses. C’est très étrange. Plus ils sont improbables dans la réalité, plus les événements prennent un relief, une consistance, une aura. Plus ils expriment quelque chose qui a pour nom le réel. Ce qui ne marche pas dans une fiction court dans la vraie vie.
Le réel est, de même, non pas dans la musique, mais dans la création ou dans l’écoute de la musique. On peut, et ce serait comme une BO, écouter Bouillier présenter sa playlist ici. Et l’on n’oubliera pas que le Dossier M, qui regorge de citations comme autant de matières premières, débute, en épigraphe du dossier rouge par une phrase de musicien à propos de comment il fait la musique : « Je pars d’un point et je vais jusqu’au bout » (John Coltrane).
Bien sûr je ne lis pas, en tout et pour tout, un livre par saison. Je lis plein d’autres livres simultanément, et j’ai besoin que tous me fassent de l’effet et m’empêchent de devenir ceci ou cela. Et c’est ici que je vois à quel point le gars Bouillier est fort : les autres livres que je lis simultanément ont l’air de parler eux aussi du Dossier M, d’ajouter des chapitres, parties et niveaux, de contribuer à notre histoire de M. Je lis ainsi le dernier roman de Fabrice Caro, Samourai. Or malgré moi je le lis comme une variante ou, mieux, une variation (version light et divertissante, comme vulgarisée) du Dossier M et je suis sidéré que dès sa première page, dès sa première phrase, soient énoncées deux prémices qui pourraient constituer aussi le résumé archi-condensé du Dossier M : le narrateur débute son récit en disant, primo que la femme dont il était amoureux l’a quitté, deuzio qu’un ami à lui s’est suicidé.
Sans compter d’innombrables points communs narratifs, disons des mythèmes. Deux exemples. Bouillier envisage, pp. 192 et suivantes du Dossier Violet, de résoudre ses problèmes en faisant intervenir un tueur venu des pays de l’Est, un nervi nommé Slobo ; Caro envisage, pp. 96 et suivantes de Samourai, de résoudre ses problèmes en faisant intervenir un tueur venu des pays de l’Est, un nervi nommé Goran. Pp. 284 et suivantes du Dossier violet, Bouillier n’en finit plus tomber des nues que M lui ait rapporté l’avertissement lancé à elle par son fiancé : « Tu ne peux pas me quitter car tes parents m’aiment trop » ; p. 66 de Samourai le narrateur de Caro fabule puis pousse jusqu’à l’absurde une théorie selon laquelle une fille qui te présente ses parents s’engage dans une relation de longue durée : « Pff bon OK je reste avec lui sinon mes parents vont être tristes » ; etc. Samourai répliquant Le Dossier M en n’en retenant que l’aspect burlesque fait penser à l’aphorisme de Marx, un événement historique a toujours lieu deux fois, d’abord en tant que tragédie, puis en tant que farce. Mais ma lecture est induite par l’ordre de mes lectures.
Comme prévu, Mirliton Matin s’est autodissous le 28 février, son obsolescence était programmée. Les supports de presse indépendants sont si fragiles par les temps qui courent que nous sommes fiers d’avoir tenu deux mois… En revanche, curieusement, nous n’avons pas reçu d’offre de rachat de Vincent Bolloré. Son courrier a dû se perdre, avec les grèves et tout. Voici, baroud d’honneur de nos deux reporters de l’extrême Marie Mazille et Fabrice Vigne, la seconde compilation (la première est à retrouver ici) des mirlitons publiés quotidiennement sur la page FB du Fond du Tiroir.
Pour la seconde fois meurt « Verlaine » , un poète. Quel beau couple ils formaient, Patti Smith en Rimbaud ! Ensemble ils ont écrit The night, recueil-flambeau. Il était guitariste, auteur et interprète Mais jamais n’accéda au statut de vedette. Un poète maudit, un prophète du beau.
Puisqu’il est pour l’éternité « le président moderne », en son honneur nous composons un rap : Yo ! Maintenant tu sautes dans le ring Valéry vas-y c’est ton moment Total respect sens du timing Valery est un garçon ou bien je mens VGE tu brilles t’es bling bling T’adores trop l’Afrique et ses diamants Prends la pose en chasseur avec ta carabing Tu connais le prestige de l’armement Respect t’es le prince du shooting Sans compter ta réputation d’amant Qu’en disait Lady Di ? (Shocking !) T’as tous les talents, t’écris des romans Les avions renifleurs c’est du Boeing Moi et mon crew on te kiffe carrément On n’voit que toi quand tu breakes sur l’dancing Tu exploses le game avec tes chuintements Accordéon tu t’offres un featuring Guest-stars en back-up tout le gouvernement Enfin c’est l’heure, accomplis ton d’esting ! « AU ! RE ! VOIR ! » le flow était ton élément
Comment faire quand on est un serpent à deux têtes ? Comment faire pour demeurer intègre et honnête ? Comment réagir si l’une rote et l’autre pète ? Si l’une vote Jean-Marie et la deuxième Arlette ?
Jour 4
Mirliton Matin, rubrique solidarité des petits médias indépendants ! Les manifs contre la réforme des retraites continuent, suivons les bons conseils du Gorafi.
Nous partageons avec plaisir la couverture Du dernier Gorafi Magazine, lecture Permettant de hausser toute température, Comme un bon vieux cocktail dans une devanture
La coach Marie Kondo, icône normopathe, Nous enquiquine et nous effraie de longue date Nous culpabilisant de la moindre poussière, De tout fouillis naissant ! L’aimable conseillère
Arborant le sourire d’une adolescente Mais la sévérité d’une odieuse sergente Poussait le bouchon même à vouloir rationner La quantité de livres par elle cautionnée !
« Dix ou douze, pas plus ! » Mais… De quoi je me mêle ???? Moi qui vis (fort heureux) sur mes bouquins pêle-mêle Elle rêvait pour nous d’un cadre aseptisé, D’un placard bien rangé, d’un vide organisé,
Enfin d’un monde blanc, néant de cauchemar ! Voilà, coup de théâtre et pavé dans la mare, Qu’elle avoue aujourd’hui : « Je suis votre modèle Mais songez que chez moi, c’est grave le bordel !
Le chaos, c’est la vie ! J’ai viré ma cuti ! Quand je pense aux couillons que j’avais convertis… En un mot comme en cent, faites comme il vous plait ! » Me voici rassuré (là finit ce couplet).
Romans, chansons, essais, journaux Seront-ils moins vrais ou moins beaux Ou plus humains ou moins idiots S’ils sont écrits par des robots ? L’artifice est l’auteur nouveau Sans droits d’auteur et sans impôts L’intelligence est en réseau Et a déserté nos cerveaux Têtes de bois près du billot Nous sommes tous des Pinocchio En érection devant le faux Engendrés par Chat-Gepetto
Jour 7
Mirliton Matin, rubrique deuil et annonces légales. Nous avons le grand chagrin de vous signaler le décès de notre ami Jean Avezou.
Un homme est mort et c’est comme un coup de grisou. Un tranquille excentrique, un érudit zazou, Un homme de culture, de verve et de bizous, Un esprit disparaît. C’était Jean Avezou.
[Indéfectible soutien de nos créations, Jean m’avait plusieurs fois interviewé sur mes livres ou mes spectacles et se montrait systématiquement bienveillant quoique pertinent (les livres, il les lisait pour de vrai) et spirituel. Je l’ai croisé pour la dernière fois en octobre : il m’avait invité à participer à ce qui sera l’ultime émission de radio inventée par lui, « Quézako », sur Radio Campus, avec Christine Prato. Ce jour-là il boitait un peu mais était alerte d’esprit et drôle comme il l’a toujours été. On peut réécouter cette émission ici.]
Rudolf en se couchant Pousse un cri effrayant Une femme étendue Des oreilles au cul Ronfle comme un canut Et c’est une inconnue Poilue, dodue et nue Des chevilles au cul Rudolf est en panique Il appelle les flics Pin pon pin ils arrivent Rudolf, à la dérive Vitupère calmement Son teint vire à l’endive Il se mord les gencives Tout en réfléchissant Que vont dire les gendarmes ? Que je suis son amant ? Mon dieu quelle catastrolphe ! Si j’appelais Maman ? Il frissonne, Rudolf Il va falloir qu’il s’arme De sérieux arguments… « Gendarm’rie nationale, Montrez-moi votre lit ! » La grosse femme à poil Entrouvre un œil et râle Quelle heure est-il chéri ? Demande-t-elle hagarde Qui est ce caporal Au milieu de ma piaule ? Est-ce un de tes amis ? Roger, Marcel ou Paul ? Son mari la regarde En se grattant l’oreille Un petit quelque chose Derrière la paupière close, Au milieu de l’orteil De la grosse inconnue Lui semble familier… Oui, ce vieux téton nu, Maintes fois il l’a vu… Son haleine essoufflée Transpire l’éthanol Rougissant, il avoue A la maréchaussée Que la femme allongée Il l’aurait épousée Il y a quelques années (Ses souvenirs sont mous) Les gendarment s’en vont Pin pon pin, pon pin pon Et croisent dans le hall D’entrée de la maison Vingt bouteilles de kro (20 bouteilles, c’est trop !) Et quinze de crémant Ils concluent en riant Si le soir tu t’endors Aviné, ivre mort Auprès de ta rombière Après avoir sifflé Trop de vin, trop de bière Tu penseras, mon cher Que c’est une étrangère !
Jour 9
Mirliton Matin, rubrique courrier des lecteurs ! Suite à la publication du mirliton d’hier, nous avons reçu ce message de l’une de nos jeunes lectrices, qui a choisi de signer d’un pseudonyme, c’est pourquoi nous respecterons l’anonymat de Marie Mazille :
Bonjour, je suis une de vos lectrices fidèles et anonymes et je souhaite porter plainte pour une absence de rime en « é » à la fin de cette histoire nauséabonde. Si nous pouvons traiter ce problème à l’amiable (beau niçois qui mal y pense) cela vous évitera, à vous, votre éditeur sulfureux et vos millions de fans, une déconvenue à nulle autre pareille, sinon, hou et youpida, avocats et toute la smala et on pourra pas dire que vous l’avez pas cherché. Pourquoi ne pas rajouter « ou de Puilly fuissé » après « trop de vin trop de bière » ? N’est-ce pas vous qui êtes parfois trop aviné ? Cordialement. Josette Kkqdjhbkjfourg
Ce à quoi nous avons répondu par un autre mirliton :
Merci beaucoup chère Josette De signaler les coquillettes Quelle chance une lectrice pas bête Nos gratitudes et nos risettes Nous vous souhaitions pour faire la fête De toujours garder vos chaussettes
Jour 10
Mirliton Matin Dimanche, rubrique « directement du producteur au consommateur » !
Saint Siméon de Bressieux : l’amicale des donneurs de sang a tenu sa rituelle « Matinée boudins » qui, selon le Dauphiné Libéré, a rencontré un franc succès puisque « tout a été vendu rapidement » . Voilà qui nous remet en mémoire le joli temps dela Confine, couplet 23 :
23ème jour de confine Sorties autorisées pour le don de sang Les globules ne sortent pas des usines Ni de la mer ni d’un étang Ils viennent des braves citadines Après le don de sang on dîne Au boudin noir au boudin blanc Y en a marre de la confine Y en a marre du confinement
Sur les plateaux andins ont lieu d’âpres échanges Certains soirs de Noël. On picole, on s’arsouille On prie la Sainte Vierge et on oublie les anges Bagarre générale pour le Takanakuy !
« Keskia, t’es pas content ? On sort et on s’arrange ! Viens me le dire ici, du moins si t’as les couilles ! Rendez-vous au sommet, mes deux poings me démangent, Là-haut on a le droit, et bim et bam aïe ouille ! »
Ce rituel brutal vous semble-t-il étrange ? Mais les vieilles rancœurs finissent en ratatouille Règlement au bourre-pif vaut mieux que l’on se venge Et ainsi se dénouent les pires cas de brouille.
Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch ? L’enfer poule gouine elle gogeri ? L’enfer à prononcer, chéri ! Poule Gouine elle gogeri chouirne ça résonne dans les narirnes Drobw lantissili gogogoch ? A retenir, c’est pas fastoche ! Et pourtant les petits enfants De « lanferpoule gouine elle goj’ri » Orthographient (et c’est l’horreur !) Le nom de leur ville natale (En plein coeur du pays de Galle) Tous les matins dans leur école Un tel nom, ça n’a pas d’égal ! Ils notent sur leurs cahiers, pas de bol « Je n’habite pas à Paris Mais à « l’enfer poule gouine elle go » Voyelles et consonnes à gogo Geri chouirne drob lantissili C’est long comme une nuit sans lit ! Drob lantisili gogogoch Z’ont vraiment pas de chance les mioches Quand ils doivent épeler leur ville On a beau leur dire « mais quel style ! » Tout le monde ne peut pas habiter A (Norvège) Oô (Haute-Garonne) ou My (Belgique, près de Lièges) Ri (Orne), Bu (Eure-et-Loire), By (Doubs) ou Oz (Isère) Pour les marmots, c’est un enfer ! Stylo violet, carmin ou vert, Braille ou verlan, endroit, envers Attention, deux ailes à Llanfair (Et c’est pas dans le dictionnaire !)
Jour 13
Mirliton Matin, éditorial politique ! Ci-dessus est reproduite la navrante quoiqu’authentique capture d’écran d’une publicité débile (pléonasme) polluant le site d’orange.fr : les vilaines trognes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen sont convoquées, on ne comprend pas très bien sous quel motif, pour illustrer le grand remplacement, celui de votre chaudière par une pompe à chaleur. Et il faudrait débourser 20 000 balles pour élire l’une plutôt que l’autre.
Macron incarne à lui tout seul le vieux monde d’hier Imprimant le carbone ainsi qu’une chaudière. La Le Pen, en revanche, est un calorifère Qui carbure en surchauffe et qui nous pompe l’air. Faudrait cracher 20 000 euros en numéraire Pour changer l’un par l’autre ? Ah non, ils exagèrent ! Plutôt crever que de payer dans cette affaire ! Car la sobriété rend plus que nécessaire De baisser radiateurs, d’éteindre les lumières, Mais aussi, c’est vital, de forcer à se taire Aussi bien le Néron qui se croit Jupiter Que la blonde fasciste et fille de son père. (On remarque d’ailleurs que les deux adversaires Ont un point en commun : ils sont pro-nucléaires, En termes de chauffage les deux font la paire Ne comptons pas sur eux pour les panneaux solaires.)
Quatorze février, l’amour est un cadeau Mais c’est, dans certains cœurs, la fin des haricots. Jennifer tend un verre à son mari Bruno… Tiens, mon amour ! Cul-sec, ce délicieux Porto, Méthadone en extra, t’enverra illico En enfer, chez les anges, ou chez les asticots Bonne Saint-Valentin, espèce de salaud ! Tu peux crever, povmec ! Moi j’en ai plein le dos. Tu ne me battras plus, satané alcoolo ! Tchin-tchin, à nos amours, et adios amigo
Le malheur est tombé sur le réseau ferré Des trains sont usinés en dépit du bon sens, Et tout le rail d’Espagne en sort déshonoré ! Pourtant des garde-fous existent dès l’enfance Afin que les idiots soient fissa repérés : Pénétrer le bon trou montre l’intelligence ! On teste les marmots d’un rond et d’un carré, Et de deux orifices servant l’expérience. Lors, à eux de jouer : trouveront-ils l’entrée ? Leur acuité se vérifie en diligence Le carré dans le rond ? Le rond dans le carré ? Faute rédhibitoire ! On vise l’excellence. Ainsi, les ingénieurs sont incorporés. Cette étape a manqué, funeste inadvertance Qui accouche de trains au front démesuré. La honte est pour l’Espagne, car bien sûr en France Pareille impéritie jamais n’arriverait !
On sait bien que « l’argent ne fait pas le bonheur » Mais voilà qu’on apprend grâce à d’autres chercheurs Qu’il ne fait rien non plus pour grandir le Q.I. ! Les nantis ne sont pas tous Einstein, inouï ! Le « premier de cordée génial » n’est qu’un fantasme. La conclusion s’impose et c’est un pléonasme : L’argent ne fait ni heureux ni intelligent L’argent au bout du compte ne fait que de l’argent Et il est fait par lui. L’argent se reproduit. Son absence de même et son désir aussi.
La Poste de nouveau augmente ses tarifs, Dégrade ses services, réduit ses effectifs… Puisqu’ « optimisation » reste son objectif Depuis qu’un pli postal n’est plus compétitif, L’exemple britannique sera décisif ! Tandis que le roi Charles orne le timbre de son pif « Royal mail » est en crise… Courage, amis rosbifs ! Un beau récit advient, et des plus instructifs : À Londres une missive au routage tardif A voyagé cent ans. Moratoire excessif, Mais le prix sur son timbre n’est plus qu’indicatif. L’expéditeur est mort, remède expéditif ! Enfin, ne coupons pas en quatre chaque tif, Retenons l’épilogue et soyons positifs Le « tarif lent » est un barème alternatif Qui propose à chacun des montants dégressifs Le cachet de la Poste fait foi, exclusif. (Si jamais tu l’estimes un rien prohibitif, Cesse juste d’écrire à titre préventif.)
Malédiction sur la population française ! L’injonction poétique d’augmenter la vie Est tombée sur le ventre. Un gras mauvais sévit. Près d’un Français sur deux souffre en silence et pèse.
La malbouffe, les chips, sodas et mayonnaise… Sont moins chers. À quel prix l’angoisse est assouvie ! Les jeunes, les plus pauvres, les plus asservis, Les plus fragiles sont aussi les plus obèses.
Sacrées sorcières est-il un pamphlet misogyne ? Matilda discrimine un peu trop les frangines ? La chocolaterie promeut-il le black face ? La grosse pèche est une sale histoire de fesses ? Fantastic Mister Fox, un spéciste imbécile ? Et Le bon gros géant un pervers pédophile ?
Apprenons donc à lire à tous ces fiers adultes Pleins de bons sentiments mais tristement incultes. Éduquer les enfants n’est pas leur éviter les chocs ! Et surtout pas l’humour, non plus que la provoc. Chercher à « protéger » c’est comprendre que dalle A la littérature et au grand Roald Dahl.
Jour 20
Mirliton Matin, rubrique « double bind » ! Le flux d’info est permanent Comment lier deux renseignements sans le moindre lien apparent et qui surgissent pourtant sur une même capture d’écran ? Pour Mirliton Matin, un jeu d’enfant.
Rester au lit en caressant un chat mignon Vous fait tout oublier, y compris le pognon ! Lui aussi dans son coffre attaque un roupillon Fauché par les banquiers qui boivent le bouillon Et vous voilà ruinés, rongés jusqu’au trognon À poil comme un matou. Ronronnez, ô couillons !
Pourquoi le monde est-il rendu intolérable ?
Parce qu’il est là. C’est tout. Et de façon durable.
Preuve en est qu’il émet des bruits et des odeurs.
Il persiste en son être. Quel culot ! Quelle horreur !
Ainsi la pizzéria qui sent trop la pizza…
Le plat du jour qui sent bien trop le jour du plat…
Le tabac qui sent trop les relents de la clope…
Le hall de gare qui sent un peu trop l’interlope…
Le boucher baigne trop dans les odeurs de sang…
Le parfumeur lui-même aux effluves puissants.
Et la station service ? Elle sent trop le gasoil !
Et la fromagerie ? Elle sent trop le maroilles !
La terre sous la pluie schlingue le pétrichor
Et les banquiers d’affaires refoulent de l’offshore
Les casernes de pompiers sentent trop le roussi
Les parterres de fleurs sentent trop le souci
Le cabinet du psy sent trop le refoulé
Et que fait la police ? Elle sent trop le poulet.
Aux quatre vents tous les relents sont diffusés.
Appelons de nos voeux un monde aseptisé
Sans vie et sans remugle, invasion organique.
Mais le remède est bien connu, pas de panique !
Derrière nos portes closes, ne bougeons plus d’un pore
(Car chaque humain est pour un autre humain, un porc)
Le beau temps reviendra du grand confinement !
Vivement.
Jour 23
Mirliton Matin, rubrique encore un peu de nécrologie/car jour après jour les morts c’est la vie ! Gros François est mort et c’est triste.
Il était comme un éléphant A la fois punk et bon enfant Banjo violon ou vielle à roue Voix de boucher, de loup-garou Délicat comme une aubépine Poussée dans une Doc Martens L’était multi-instrumentiste Hardcore et chanteur réaliste Fils des Ramones et de Fréhel D’Édith Piaf et des Hell’s Angels Il était tendre et carnivore Il a chanté Roland Topor Il était étroit dans son corps Il mérite un Mirliton d’or C’est un Accordéon Hero C’est François Hadji-Lazarro
Mohammed et Marie
Sont deux prénoms bénis
Marie et Mohammed
Leurs noms sont des remèdes
Mohammed et Marie
Nos nouveaux-nés chéris
Marie et Mohammed
Le ciel nous vienne en aide
Nos noms sont des présages
Des ressources fossiles
Nos noms sont des mirages
Paroles d’évangiles
Nos noms feront des cages
Décorées avec style
L’obscurantisme enrage
Depuis l’état civil
Quelques exemples historiques :
Marie Tudor (1516-1558), Reine d’Angleterre, dite « Bloody Mary », tyran sanguinaire ayant fait exécuter ou persécuter des centaines d’opposants ;
Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz al-Saoud (1985-), dit MBS, dit « le prince meurtrier », prince héritier et premier ministre d’Arabie saoudite, autre tyran sanguinaire ayant fait exécuter ou persécuter des centaines d’opposants ;
Marie Besnard (1896-1980), dite « la bonne dame de Loudun », tueuse en série, 12 victimes au compteur ;
Mohammed Mera (1988-2012) dit « Le tueur au scooter », terroriste, 7 morts et 6 blessés ;
Marie Becker (1879-1942), empoisonneuse belge, dite « L’empoisonneuse du siècle », « la veuve Becker », « la veuve noire », « the Belgian Borgia », 11 personnes assassinées ;
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (1985-) dit « Momo », conducteur du camion poids-lourd de 19 tonnes ayant foncé dans la foule sur la promenade des Anglais (Nice) le 14 juillet 2016, 86 morts et 458 blessés ;
Mystérieuse pasta au cœur du New Jersey !
Des spaghetti, macaroni, et coquillettes
Ont surgi du néant, en plein terrain boisé !
On parle de 300 kilos et des brouettes.
Comment interpréter la présence incongrue
De ces monceaux de pâtes, cuites (et non pas crues) ?
Oui, « Little Italy » se trouve à quelques rues
À peine des sous-bois où la masse apparut…
Pour autant, faudrait-il accuser les ritals ?
Ce serait préjugés, et discrimination !
Car malgré leur cuisine et leur accent natal,
Les Italiens suspects ne font que diversion.
Nous avons, quant à nous, une autre théorie.
Cet amas de pasta serait pur terrorisme !
Provocation de militants ! Piraterie !
L’acte semble signé : c’est… le pastafarisme.
La religion du monstre en spaghetti volant A encore frappé ! Pour marquer les esprits, Pour prouver que SON dieu est le seul tout puissant, Elle égoutte ses pâtes en forêt, puis les prie !
Le vote personnel à bulletin secret Est en démocratie un principe sacré. Nul ne doit dévoiler, fût-ce à sa propre femme Son intention de vote ou son choix de programme. D’aucun s’agacerait de ces cachotteries… Mais de là à en faire un prétexte à tuerie ! Régler un contentieux à coups de fusil d’chasse Est anti-démocrate, et même dégueulasse : En politique il n’est rien de plus salissant Que de pousser un grand principe jusqu’au sang. Et qui va nettoyer le cerveau sur les murs ? Pas les élus, préoccupés d’investiture ! Mais les petites mains des humbles ouvriers ! (J’en ai déjà trop dit, votez qui vous voudrez.)
Jour 27 et final
Capture d’écran « Les articles les plus lus de la semaine sur lemonde.fr » .
Mirliton Matin, rubrique un dernier pour la route et après ça babaille ! Toujours la même actu depuis que l’actu existe : la guerre, le sexe et Dieu.
Nous étions Mirliton un jour, Nous serons Mirliton toujours ! Les préoccupations des hommes Ne changent presque pas en somme. Depuis toujours s’affiche en une La même actu, lune après lune Après l’autre, au tiercé dans l’ordre, Sempiternel et sans démordre : La guerre ! Et le sexe ! Et les dieux ! C’est tout, depuis qu’le monde est vieux. « Rien de neuf » selon l’Ecclésiaste. Il nous faut crier ici « Baste » Fermer l’ordi et le journal Prendre l’air ou jouer à la balle.
Avisse à la population Stage création de chansons (Pas seulement des mirlitons) C’est notre seconde session et tout ça en demi-tons-tons
À Marie Mazille et mézigue Le mois d’avril sera prodigue Bourgoin-Jallieu nœud de l’intrigue As-tu du cœur ou quoi, Rodrigue ? Votre inspiration ? Edvard Grieg !
Pour les beaux yeux de Mydriase Écarquillés durant l’extase Avec des notes avec des phrases À vous de pas louper l’occase en do majeur (oui, c’est la base !)
Inscrivez-vous, on y est presque Ce sera au moins romanesque Ou pittoresque ou titanesque Un peu grotesque un peu burlesque Grosso-modo rocambolesque Carnavalesque etceteresque do ré mi fa en arabesque
« Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot exige un esprit rare. » Ce principe de précaution politique attribué à Michel Rocard, facile à trouver en ligne mais difficile à sourcer (quand, où, pourquoi Rocard a-t-il prononcé cette phrase ? on ne sait pas ! c’est louche !) semble une paraphrase du célèbre rasoir d’Hanlon qui lui, en revanche, est fort bien documenté : « Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer », et youpi.
Reste que les théories du complot existent (les complots aussi, quoiqu’un peu plus rarement), qu’elles ont même tendance à pulluler à la faveur d’un climat favorable et constituent un phénomène imaginaire très fertile, machines à histoires, fictions en marche, sensibilités exacerbées, élucubrations créatives, pelotes déroulées jusqu’au délire, exégèses infinie et sauvages à partir des moindres signes (par exemple d’une série de chiffres, y compris de chiffres attribués aléatoirement tel un numéro d’ISBN), apophénie parade, source intarissable de fascination et de griserie. Qui mérite bien qu’on lui consacre un livre, voire un millier. J’ai fait ma part, j’ai écrit le mien. Je lui ai donné la forme d’une blague politique de veine un peu comparable à Fatale spirale. Il s’appelle La théorie de la compote (j’ai hésité quelques secondes, je l’avoue, avec La théorie du compost), il paraîtra le 19 mai prochain (19, date intéressante parce que 1+9= 10, le un et le zéro, hum-hum, belote, disons, d’autant que mai 23 = 05.23 = 0+5+2+3 = 10, hum-hum les indices se recoupent) chez l’Atelier du Poisson soluble, et youpi.
Le Poisson soluble et moi, on se tourne autour depuis des lustres, on se cherche, on se renifle, on s’examine. Il aime ce que je fais, j’aime ce qu’il fait, il fallait bien que quelque jour nous concrétisions et apposions nos deux noms, non sur un parchemin mais sur une couverture. La Compote reposait dans un placard depuis des années, c’est le moment, elle est mûre, elle sort et youpi.
Le Poisson soluble est un éditeur étiqueté jeunesse, par conséquent ce livre va tomber sous le coup des mêmes malentendus que certains de mes précédents, avec la question pénible en épée de Damoclès : à qui ça s’adresse ? Idéal à 10 ans ? à 19 ans ? 28 ? 37 ? 46 ? Oh la la. J’ai une infinie gratitude à Olivier Belhomme, éditeur, de ne pas me l’avoir posée une seule fois durant tout le processus de création, et youpi.
Il s’agit de mon 22e livre et de mon 6e éditeur (je ne compte pas le Fond du Tiroir parmi mes éditeurs). Hum hum. Attends je recompte, suis-moi bien. J’additionne les livres et les éditeurs, 22 + 6 = 28. Et 2 + 8 = 10. Hum-hum. Rebelote : le un et le zéro. Et youpi.
Ce livre a pour numéro d’ISBN 978-2-35871-181-4 (indéniablement l’un des plus beaux numéros d’ISBN du monde, ex-æquo). Or si l’on ajoute tous les nombres qui le composent on obtient 64, et (suis-moi toujours) 6 + 4 = 10 ! Encore 10 ! Carrément 10 de der, un et zéro, soit les deux seuls caractères de l’alphabet universel et numérique permettant de tout exprimer, le oui et le non, le vrai et le faux, l’être et le néant, le plein et le vide, le tout et le rien, le singulier et le grand saut, le yin et le yang, la vie et la mort, l’absolu et la case départ, l’exigence et l’opiniâtreté, le mur et la fenêtre, le confit de canard et le steak de tofu, le poisson et le soluble, la compote et la théorie, le passé et le futur, en un mot (plutôt en deux) ce numéro d’ISBN est le signe, peut-être même la preuve, que ce livre marque un changement de cycle et d’ère et d’énergie. Et youpi.
Les nominations aux Oscars 2023 viennent de tomber. À l’Ouest, rien de nouveau d’Edward Berger est en lice pour 9 récompenses ; Top Gun: Maverick pour 6, et Avatar La voie de l’eau pour 4. Tous trois concourent pour le prix du meilleur film. Trois films de guerre, d’une manière ou d’une autre, documentée ou fictive. Le film de guerre se porte bien. Sans doute parce que la guerre se porte bien.
Depuis que le cinéma existe, il n’y a toujours eu que deux sortes de films de guerre : les films de propagande et les films pacifistes (distinction applicable également aux romans de guerre, depuis que la littérature existe). Les films de propagande mettent en scène des héros, des grands soldats qui mènent une guerre juste, noble, et qui généralement gagnent à la fin ; les films pacifistes mettent en scène des soldats ni grands ni petits, de simples humains paumés dans une guerre violente, sale, moche, absurde, et souvent ils meurent à la fin. D’un côté le divertissement droit dans ses rangers et fleur au fusil, de l’autre le pamphlet ou le reportage, la tragédie et les charniers. Il va de soi que les films de la seconde catégorie sont plus réalistes que ceux de la première.
On rangera évidemment À l’Ouest, rien de nouveau dans la catégorie des films de guerre pacifistes qui plongent son spectateur dans la boue et le sang, l’écoeurent et l’indignent et lui donnent envie de fuir l’uniforme ; Top Gun et Avatar entrent dans la catégorie des films de guerre de propagande qui fouettent les nerfs, s’adressent aux sensations, présentent la guerre comme un trépident manège de foire, et donnent envie de s’enrôler dans le bureau de recrutement le plus proche.
Il convient de souligner que la Première Guerre Mondiale est la plus propice à inspirer des films de la catégorie pacifiste, dénués de tout esprit nationaliste va-t-en-guerre, et ce immédiatement après l’armistice, dès 1919 avec J’accuse d’Abel Gance (puis la liste est longue : La Grande illusion de Renoir, Les sentiers de la gloire de Kubrick, Johnny s’en va-t-en guerre de Trumbo, La vie et rien d’autre de Tavernier…) et qu’elle est assez peu susceptible d’engendrer des fictions de propagande vantant la noblesse des armes. Pour une raison simple : cette Première, bien mal surnommée Der des Ders, est indéniablement et de quelque côté qu’on la prenne, sale, moche, absurde, débile, et il y est fort malcommode de distinguer gentils et méchants. Idem les romans qui, pour partie, ont inspiré les films : À l’Ouest, rien de nouveau (Erich Maria Remarque, 1929), Les Croix de bois (Dorgelès, 1919), ou Voyage au bout de la nuit (Céline, 1932) (1) sont des romans sur la Première Guerre Mondiale écrits par ceux qui l’ont vécue ; qu’ils soient français ou allemands n’a pas tellement d’importance, puisque les tranchées étaient à peu près les mêmes des deux côtés du front et ces oeuvres, éminemment antimilitaristes, sont absolument dénuées de patriotisme ou d’héroïsation de ses protagonistes.
La Seconde Guerre Mondiale, a contrario, fait émerger beaucoup plus naturellement le camp des gentils et celui des méchants, héros et vilains pour parler comme un film Marvel, et si l’on s’en tient à la dichotomie ci-dessus, a engendré infiniment plus de films de propagande que de films pacifistes : Le Jour le plus long (1962) pour ne prendre qu’un exemple entre mille, montre les gentils alliés triompher des méchants nazis et doit, malgré qu’on en a, être rangé parmi les films de propagande où les héros gagnent à la fin. Ceci est d’autant plus difficile à écrire pour moi que, comme tout le monde (à l’exception de quelques dangereux extrémistes infréquentables) je suis convaincu que les alliés sont gentils et les nazis méchants et, mes deux grands-pères ayant été, chacun à sa manière, engagés dans la Résistance, je me suis toujours senti du bon côté. Ce n’est pas une raison pour rejeter la distinction, toujours opérante même dans le cas d’une guerre que je juge personnellement juste, entre les films pacifistes (où la guerre est une horreur) et les films de propagande (où la guerre est une épreuve désirable, qui sera remportée par les gentils grâce à une justice providentielle et le sens de l’Histoire).
Les guerres se poursuivent, et le cinéma guerrier aussi : je songe qu’en ce moment même, ou très bientôt, la Russie et l’Ukraine produisent et produiront leurs propagandes… Et plus tard, peut-être, leurs pacifismes.
Mais revenons à ce À l’Ouest, rien de nouveau, troisième adaptation cinématographique du roman de Remarque, et toute première produite par des Allemands, en langue allemande. Son réalisateur, Edward Berger, n’a pas manqué de rappeler que les Allemands n’ont pas le même rapport à la guerre que les citoyens des autres nations : en 1945 ils ont intégré la honte et la haine de soi nationales, qui les ont sans doute rendus, tels des individus violents reconditionnés de force par quelque « méthode Ludovico » , incapables de se compromettre dans la catégorie du film de propagande, où la guerre est héroïsée et sexy. C’était bien à eux de réaliser cette nouvelle version du film pacifiste, comme un retour à la maison, ou un mythe fondateur de nouveau raconté. Mission accomplie, à merveille. À l’Ouest, rien de nouveau version 2022 est un tour de force toujours nécessaire et toujours dérisoire.
Deux réflexions subsidiaires :
– On peut toujours dire du mal de l’Union européenne, ouais, ouais, on peut en dire du mal puisqu’elle a bien des défauts et qu’elle fait parfois de la merde (exemple récent : elle se laisse facilement impressionner et corrompre par les pétrodollars qatariens). N’empêche que si elle est née, c’est suite aux deux suicides européens (1914-1918 : 17 millions de morts ; 1939-1945 : 20 millions de morts), et qu’elle tente depuis d’accomplir une mission pacifiste, elle tente d’empêcher l’Europe de se suicider en prenant de cours les nationalismes débilitants et les hécatombes (faut-il rappeler l’imparable slogan de François Mitterrand, Le nationalisme c’est la guerre ?). Merci à l’Union européenne, entité transnationale. Elle est aussi peu glamour qu’un film de guerre pacifiste face à un Top Gun ou un Avatar. On ne lui décernera pas d’Oscar. Mais la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne fait sens.
– On peut toujours dire du mal de Netflix, ouais, ouais, on peut en dire du mal puisqu’il a bien des défauts et qu’il fait parfois de la merde. N’empêche que c’est Netflix qui a donné (a rendu) à un Allemand, et en quelque sorte à l’Allemagne, pays où l’industrie cinématographique est en ruine, les moyens de réaliser ce film allemand et anti-nationaliste, utile peut-être au monde entier. Merci à Netflix, entité transnationale.
(1) – « – Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat… – Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. » Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
Mirliton Matin, rubrique spectacle vivant. Tous chez François Fourel le vendredi 27 janvier 2023 (Sainte Angèle) à 20h pour la création mondiale du concert en duo Mazille & Vigne !
La Mazille et le Vigne se donnent en spectacle Dans le coquet duplex du bon François Fourel Transformé pour l’occaze en cour des hauts miracles (Règlement au chapeau, gratuit pour les Angèles)
Concert que, naturellement, nous avions au départ envisagé d’intituler « Mazille & Vigne, enfin la tournée d’adieu ! » , mais nous avons craint que Djal nous intente un procès pour contrefaçon, alors il s’appelle en toute modestie « Wolfganga Mazille et Victor Vigne chantent leur pires tubes » afin de placer la barre suffisamment haut pour se faufiler en-dessous. De même, l’affiche du spectacle a scientifiquement été conçue afin que chacun.e hoquette en son for intérieur : « C’est quoi cette horreur ? Ma nièce de 5 ans fait mieux en cinq minutes sur Photoshop ! », car nous nous en voudrions d’intimider quiconque.
À force de mirlitonner, d’accumuler depuis des années diverses chansons créées en atelier ou pour le simple plaisir de faire n’importe quoi (Anything Anytime Anyplace For No Reason At All, en gros), nous avons fini par nous rendre compte que nous avions tout un répertoire et largement de quoi monter un concert. Allez tant pis pardon on y va on le fait, c’est à ce concert que nous vous convions. N’importe quoi garanti ou remboursé deux fois.
On m’y entendra même rapper, c’est dire. Deux mois que je m’entraîne. C’est très difficile, le rap (respect aux rappeurs), mais ça a pour moi un énorme avantage : on n’est pas obligé de chanter juste.
Oyez, oyez, oh yeah ! Dès le premier janvier Adviendra le Grand Soir Dans le Fond du Tiroir : Marie Mazille et moi Lançons, pour tout le mois, Un nouveau quotidien ! Le « Mirliton matin » Un média poétique Musical sans musique Qui traitera l’actu Hors des sentiers battus Rimaillera les faits Pour les réenchanter ! (Ceci en prévision De notre création D’un concert en duo Qui aura lieu bientôt : Le vinteussept janvier.) Oyez, oyez, oh yeah !
« Mon beau sapin, roi des forêts au vent fétide ! Une épine corrompt la magie de noël : Des branches du Nordmann tombent les pesticides Et nous les savourons en guise de cocktail. »
Jour 1
1er janvier, MIRLITON MATIN ! Demandez MIRLITON MATIN ! Le quotidien qui vous enchante et qui paraît quand ça lui chante ! Le quotidien qui vous emballe et qui fait vibrer les timbales ! Le quotidien qui vous enivre et qui vous cause comme un livre ! Le quotidien qui rime ailleurs et qui devient bouquet de fleurs ! Le quotidien qui prend l’actu et lui colle une plume dans l’flux !
Lors, que puiserons-nous dans le remugle immonde Des actualités qui encombrent le monde ? George Santos est un sensationnel vantard Nouveau champion poids lourd du cynique bobard Fringante incarnation du futur politique Qui nous vient (forcément) de New York, Amérique. Enfoncés, les Contras, l’Irangate de Ronald… Dépassée, la fable « armes massives » Bush Junior… Relégués, tous les tweets vérolés du Donald… Le boniment ricain a un nouveau cador ! Il s’appelle George Santos et il ment tellement bien Qu’on ne peut croir’ ni ce qu’il dit ni son contraire Il ment comme il respire, il ment pour tout, pour rien Sur ses parents, sur son argent, sur sa carrière… Sur sa vie sexuelle : il jure qu’il est gay Si cela lui rapporte un électeur de plus ! La vérité est morte ! Et chacun peut briguer Un mandat d’imposteur car toute honte est bue. Ce jeune homme ambitieux, politicien ultime Assure qu’il n’a fait que ce que d’autres font Falsifier son CV pour un job… Pas un crime ! Puisqu’il vous dit que l’important est qu’il soit bon.
Jour 2
Mirliton Matin vous souhaite une bonne journée et une bonne année ! L’info du jour est très intéressante, preuve en est qu’elle est puisée dans Ça m’intéresse. 1 « Tes yeux sont si profonds que j’en perds la mémoire » Ainsi parlait, à son Elsa, Louis Aragon Qui, même s’il était un stalinien notoire, Était, grâce à l’amour, rendu un peu moins con ! 2 Attention aux dangers méconnus de l’orgasme ! On désire bien sûr ce vibrant choc nerveux Qui nous secoue la fibre et l’âme et l’enthousiasme Mais nous rend amnésique avant que d’être vieux
1 Pauvre champion cycliste qui, sans ex-aequo Et peut-être non plus sans anabolisants, Avec pour seule came un peu de proseco, Passe d’une heure de gloire à un drame cuisant ! 2 C’est-il assez ballot d’échouer si près du but A trop la secouer on triomphe sans gloire Lors que notre champion aurait pu mieux boire En penchant de côté son jéroboam en rut
Jour 4
Mirliton Matin, rubrique politique française ! Parfois l’actu s’offre comme un cadeau : le discours de nouvel an d’Emmanuel Macron, pour incongru et scandaleux qu’il fût, comprenait cette question de pure rhétorique, faussement naïve… mais qui, à peine remaniée, forme un délicieux alexandrin : « Qui aurait pu prévoir la crise climatique ? » Oui, il l’a dit. Il a osé. Avec une telle matière première, rédiger le reste du poème n’était plus que formalité pour l’équipe de professionnels chevronnés de Mirliton Matin :
« Qui aurait pu prévoir la crise climatique » ? La France compatit à l’effroi de Manu. Nous qui ignorions tout ! L’instant serait critique ? L’info est stupéfiante et nous tombons des nues ! Car depuis quarante ans, seuls quelques scientifiques (Tous amish, marginaux, gauchistes malvenus) Clament que le climat atteint un seuil critique ! Les autres, les sérieux, ont toujours soutenu Que tout va pour le mieux ! La ré-ale politik Rassure les marchés, et chaque revenu De la croissance augmente les ruisseaux de fric Pour sauver la Planète et tout son contenu ! Le réveil est brutal et l’aveu, poétique. Terminée la bamboche, tas de parvenus ! Le président élu de notre République Nous prendrait-il pour une bande d’ingénus ?
Ce qui est bon pour nous ne l’est pas pour les bêtes. Nos orgies ne sont pas pour les chiens, ni nos tables. Chocolats interdits aux clebs pendant les fêtes ! Car Médor risquerait un trépas lamentable. Son maître, quant à lui : uniquement diabète, Surpoids, indigestion, plaisir un peu coupable.
1 L’œuvre lente de Cage, dont le prénom est John Dure, c’est étonnant, six-cent trente et neuf ans. Un accord chaque année et tout l’orgue en résonne. Allah, dit le Coran, couronne les patients. 2 Ça ne vous suffit pas, un chant de 107 ans ? Nous avons trouvé mieux : six siècles et des poussières ! Concerto pour têtus et pour leurs descendants Qui à leur tour seront retournés en poussière.
Jour 7
Mirliton Matin, rubrique faits divers : alerte à la bombe à l’hôpital de Toulon après l’admission d’un octogénaire s’étant introduit un obus dans le rectum ! Les deux envoyés très spéciaux de M.M., Marie Mazille et Fabrice Vigne, ont immédiatement été dépêchés sur le lieu du drame afin d’enquêter sur cette délicate affaire. Chacun, en toute indépendance, en a promptement rapporté (c’est ce que font les reporters) un papier. Nous les publions tels quels, mais par pudeur et discrétion, nous ne dévoilerons pas à nos lecteurs qui a écrit quoi. Peut-être devinerez-vous ?… La première bonne réponse gagne un abonnement à vie à Mirliton Matin ! 1 Jouer au trou d’obus avec son trou de balle Est séduisant, mais périlleux. Avertissement ! N’essayez pas chez vous ! Il peut être fatal De s’introduire un projectile au fondement. 2 Un peu de vaseline sur un obus Vous débouche la pine et puis le cul Pas d’âge pour essayer certains objets Pour vos quatre-vingts ans c’est excitant Un obus dans le trou le fait plus grand Oui ! Allons-y gaiement si ça nous plaît ! Et si c’est pour faire plai- sir à Grand-mère Enfilons-lui direct un réverbère
Jour 8
Mirliton Matin, chronique criminelle ! « La police drogue la ville » ? Cette nouvelle littéralement stupéfiante valait bien un quatrain, sans doute.
Les flics croyant bien faire brûlent trois tonnes de shit Aux abords d’une agglo comptant deux millions d’âmes Reste à verbaliser tous ces toxicos, vite ! On n’est pas mieux servi que par sa propre came.
Jour 9
« Mirliton Dimanche-Voici-Gala-Closer » ! Par milliers, ou millions, je ne sais plus, je n’ai pas recompté ce matin, les lecteurs de Mirliton Matin nous réclament une rubrique people. Nous vous avons entendu ! Notre reporterre ventre-à-terre Marie Mazille a réagi à chaud au coming-out de l’acteur Wentworth Miller, acteur vedette de la série Prison Break.
Le jour où j’ai découvert que Wentworth était homosexuel.
Wentworth Miller ? Homosexuel ? Oh, doux Jésus, oh Sainte vierge ! Quelle abominable nouvelle Prions, chères sœurs, prions le ciel Pour que ça ne soit que lubie Un si bel homme, Ah ! quel gâchis ! Moi qui, presque toutes les nuits Rêvais de son cul, de sa verge !
Par solidarité, Fabrice Vigne a rédigé une réponse qui vient de tomber des téléscripteurs (ou des fax, je ne sais plus, je n’ai pas vérifié ce matin) de l’Agence France-Presse.
Console-toi Marie, voici ma sympathie Je partage, sais-tu, ta profonde détresse ! Depuis toujours je suis dingo d’Anna Calvi Et mon coeur saigne : elle préfère les gonzesses
Peut-être connais-tu New-York city Un ? C’est un tableau carré du fameux Mondrian Inspiré d’un décor graphique et citadin Composé de carrés bleus, rouges, jaunes et blancs Exposé depuis plus de soixante-dix-sept ans Dans une galerie au cœur de Düsseldorf. C’est Suzanne Meyer (immense commissaire) Qui a compris soudain, en faisant le poirier Que ce tableau était (on ne peut le nier) Accroché à l’envers (mon dieu ! la catastrorphe !)
1 Faites un petit effort sur les zygomatiques Étirez-moi ces muscles ! Mieux que ça je vous prie Vous sortirez grandis de cette gymnastique Par un sourire comme jamais on n’a souri. 2 L’info ne date pas d’hier mais de M. de la Bruyère : « Rions avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri » C’est le sourire qui rend heureux, non le contraire Un sourire forcé… puis un vrai c’est promis. 3 Brassens, citant Pascal, se moquait des curés Pérorant un moyen d’atteindre l’éternel : « Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez ! » À notre époque à peine moins irrationnelle L’équivalent de ce conseil s’appellerait « Manuel de Développement Personnel »
Des savants prestigieux (et cités par Biba) Déconseillent toujours de rappeler son ex Car cette humiliation accroit le célibat Au lieu de garantir une partie de sexe Même si votre moral reste désespérément bas Ne le rappelez jamais sous aucun prétexe !
Jour 13
Mirliton Matin, rubrique Monde de l’éducation !
Et attention ! Aujourd’hui la rédaction de MM fait du zèle. Le fait divers du jour est tellement inspirant que nous en tirons non un modeste quatrain mais un vaste poème épique en 31 alexandrins, conçu selon une versification particulièrement sophistiquée : rimes quadruples, en -Ac, -Ic, -Ec, -Oc. Ayant constaté la nature rythmique et percussive de ce texte, nous avons songé que sa finalité idéale serait de devenir un rap. Mesdames et messieurs, nous avons le plaisir de vous annoncer que ce rap sera créé sur scène le 27 janvier prochain (les détails viendront). Car Mirliton Matin n’a peur de rien, tels les grands reporters qui lui servent de modèle, Albert Londres ou Jack London (qui portent du reste presque le même nom).
Grande stupeur au collège Georges Charpak ! Le prof d’histoire encourage les travaux pratiques Invitant les élèves à la bibliothèque À se munir d’objets racontant les époques… Ce matin-là l’objet choisi faisait tic-tac Un obus de 14 enclenche la panique ! « C’était à mon grand-père » , se défend le blanc-bec Insouciant de la peur que sa bombe provoque : 700 élèves évacués de la baraque ! Une alerte à la bombe, on appelle les flics Peu s’en faut qu’on lançât un nouveau plan ORSEC Le préfet, les pompiers sécurisent le bloc Le pays aux abois : un terroriste attaque !?!? Plus de peur que de mal : l’artefact historique N’était plus en état d’engendrer des obsèques. Mais il ne faudrait pas minimiser le choc Car il y a de quoi rendre paranoïaque… Pour la prochaine fois, un cours sur l’Amérique Chacun apporterait arc, flèches, poignard aztèque Et l’on se scalperait à coups de tomahawk ? Le collège aujourd’hui c’est n’importe nawac ! Laissons les professeurs faire œuvre pédagogique Je sais bien que chacun doit gagner son bifteck On dit qu’il y a beaucoup d’enseignants sous médocs Mais si ça les retient de distribuer des claques… Tenir… jusqu’à la fin… palmes académiques… « Pense aux enfants ! À ta mission ! Et à ton chèque ! À Samuel Paty sans faire dans ton froc ! » A-t-on le droit de l’dire sans passer pour réac ? Ton métier a changé, ainsi que ton public Je tire mon chapeau, je bois à ta santé, mec !
La vidéo se regarde ici, sauf il n’y a rien à regarder, c’est une image fixe, vous pouvez faire autre chose en même temps, la vaisselle, le ménage, un tableau impressionniste, ou un chèque d’arrhes pour votre stage libellé à Mydriase.
C’est le printemps c’est le printemps C’est le stage de printemps Ran tan plan tambour battant Viens boire un petit coup de… rouge !
Raphnin Maurel et ses ritournelles Vous apprennent le diato en ribambelle Des polkas, des scottish des bourrées, des tangos, En ré dièse en colargol, en mi bémol en do Au refrain : C’est le printemps c’est le printemps…
Si tu veux dev’nir un as de l’accompagnement Meilleur que Gershwin ou Michel Legrand Choisis Milleret, Reboud, Quéré Ces gars sont très forts en si en ré Au refrain : C’est le printemps c’est le printemps
Que tu sois baryton, bar-man ou soprano Que tu joues du pipo, du banjo, du piano Que ton nom soit Rodrigo, Roberto, Pinocchio Inscris-toi chez Piccolo saxo et Botasso Au refrain : C’est le printemps c’est le printemps…
Si quand tu chantes au diato tu te perds et tu t’égares Que le do sus neuf te laisse hagard Que tu confonds les bémols et les bécarres Précipite-toi chez Jean-Marc Rohart Au refrain : C’est le printemps c’est le printemps…
Si tu veux faire des chansons petit patapon Trouver des rimes en ronron en bonbon en pompon Fabrice Vigne et Marie Mazille T’apprendront tout tout tout avec un stylo bille Au refrain ad. lib.
Je ne prendrai pas de pincettes Pour te refiler la recette D’un mémorable cinq-à-sept Pour un orgasme jeu, match, et set Si tu veux partir en sucette Dire adieu à ta vie d’ascète Exploser comme un Exocet Jouir comme une boule à facettes En quadrichromie, en offset Comme un jackpot crache les piécettes Facile : tu gardes tes chaussettes
Comme le Titanic fonçant sur un Iceberg, Le monde et l’Allemagne avalent le carbone Et recrachent l’émeute. Survient Greta Thunberg ! Peut-elle faire de ’23 une année bonne ?
Couplet 1 Je crois que c’est mon tour ? d’accord bonjour docteur Je ne viens pas pour moi, c’est pour un d’mes amis Figurez-vous qu’il souffre d’un étrange malheur Il croit qu’il est un autre, il croit qu’il n’est pas lui Il joue la comédie même s’il n’est pas acteur Il a tout usurpé, il n’a aucun génie Il ne mérite rien, ni statut ni honneur On se trompe sur lui, il vit dans le déni Il n’a que profité du hasard, d’une erreur Pour en arriver là il a toujours menti Il doit tout, son travail ou ses affaires de cœur À des malentendus ! Imaginez sa vie…
Refrain Je ne suis pas ce que l’on croit Je ne suis pas celui qu’on dit Le costume est trop grand pour moi En dedans je suis tout petit Faire semblant c’est du tracas Mais je l’ai fait toute ma vie Et j’aggrave encore mon cas À chaque fois que je souris La vérité éclatera Sur ce qu’au fond de moi je suis Le monde entier dénoncera L’incroyable supercherie J’irai me cacher comme un rat Et j’attendrai que l’on m’oublie
Couplet 2 Pour couronner le tout, il a sans arrêt peur Il craint qu’on le démasque, il craint d’être démis Lorsqu’on l’appellera un mystificateur J’ai fait quelques recherches sur internet la nuit Ah oui c’est vrai docteur je prends l’affaire à coeur J’ai appris que son cas fait partie des manies Qui sont référencées par des grands professeurs On a même donné un nom à sa maladie Elle a pour nom de code « Syndrome de l’imposteur » Enfin je n’en sais rien, je répète ce qu’on dit Pouvez-vous faire quelque chose pour moi docteur ? Euh non pardon bien sûr, je veux dire mon ami ?
Fabrice Vigne se sentant assez peu concerné par ce scoop (voici, en toute transparence et sans forfanterie, la liste complète de ses voitures successives : une R5, une 2 CV et trois Twingos), c’est Marie Mazille qui se colle au poème du jour :
Ferrari ou Bugatti ? Tout petit petit zizi Si tu roules à trois-cent-dix ? Tout petit petit pénis Fonce en Hennessey Venon ? Zizi vraiment pas très long Frime en Tuatara Jaguar ? Microscopique, ton dard Mais… Mini-Cooper, Coccinelle ? Considérable chandelle Quatre-ailes ou bien deux-chevaux ? Rocco rocco Sifredo Trottinette ou bicyclette ? Enormissime quéquette Patins à roulette ou mob ? Trois mètres de long, ton zob
Il fait beau, il fait froid, on arpente la rue On dégourdit ses jambes et son pouvoir : on marche Notre 49.3 est l’allée parcourue. Parce que c’est nous, pas lui, la « République en marche »
Manif 2010
Notre grand reporter, de dos et de guingois Au sein du défilé de deux mille vingt-trois. Une chose inchangée, et l’on peut en sourire : Comme autrefois il porte son manteau de cuir.
La méritocratie dans toute sa splendeur ! La fille aînée du roi devient reine à son heure Il est si beau de triompher grâce à sa sueur Humblement nous souhaitons à nos puissants seigneurs Opulence et santé, réussite et bonheur (Ils vécurent heureux et eurent l’argent du beurre)
La championne d’échecs ne sera plus voilée La reine prend le roi ! Dehors les phallocrates ! Sous le fichu, la liberté est contrôlée Un beau jour les mollahs seront échec et mat
Deux loups, ouh-ouh, ouh-ouuh Deux loups sont entrés dans l’Isère En passant par Saint-Martin-d’Hères Deux loups sont entrés dans l’Isère Oh, tu peux rire, charmant Albert Deux loups sont entrés dans l’Isère
Dieu nous est apparu, or c’est une déesse ! L’origine du monde : un beau sexe carmin On ne voit que devant mais on rêve à ses fesses À ses seins, à sa bouche, à ses yeux, à ses mains Révisons en urgence et la Bible et la messe Vivent les bacchanales, rites gréco-romains !
(Ce gros plan permet même les plus fous espoirs : En plus que d’être femme, Dieu est peut-être noire ?)
J’ai vu. L’âme erre… Jeu laid ! J’ai vu l’amer, je l’ai. G., vue là. Merge l’est. J’Ève… Hue, mère ! « Je » lait. [vers psychanalytique] Jé, vůle âme « R ». Je l’est [un autre. vers rimbaldien] Jet – vue la maire, geule, haie [vers politique] Gève, hue, lame, aire, jeu, lai J’ai vu l’amère gelée… J’ai vu la mer geler.
Précision pédagogique apportée par notre envoyée spéciale Marie Mazille :
Voilà qui permet d’apprendre quatre mots (minimum). – Jé : sonde de jonc pour dégorger les tuyaux/synonyme de rotin. – Vůle : volonté, bienveillance. Du vieux slave vola qui donne le polonais wola et l’anglais will. – Lai : Petit poème narratif, en vers octosyllabique, inspiré de sujets sérieux ou passionnés, empruntés le plus souvent à d’anciennes légendes. – Geule : variante rare de Gole ou de Gueule, pour désigner une bouche, un collet ou une parole.
Quoi qu’est c’qu’elle a ma gueule / Oh ce mortel ennui L’un se prend pour Gainsbarre et l’autre pour Jonnhy Tous deux sont voisins proches et pourtant ennemis Paul souvent se déguise, Norbert se travestit Un beau jour c’est le drame car Paul Dupuis Se saisit d’une hache et Norbert d’une scie Le combat est sanglant en fin d’après d’après-midi Ils agonisent en chœur sur leurs paillassons gris Sans s’être dit bonjour pendant vingt ans et d’mi
Dernier jour de l’année. Occasion d’avouer un plaisir coupable. Depuis 26 ans, soit tout au long de la seconde moitié de mon existence (comme j’ai dû m’ennuyer lors de la première, rétrospectivement !), aussitôt que j’ai besoin d’un petit remontant, d’une dose immédiatement métabolisable d’énergie, de joie, d’optimisme, de liberté même, je regarde le clip Wannabe des Spice Girls, trois minutes et cinquante-six secondes, et ensuite ça va mieux.
L’effet est garanti. Il est pour moi pratiquement identique avec Who do you Think you are des mêmes cinq girls, mais leur Wannabe a quelque chose en plus, quelque chose de spécial, une grâce particulière qui a forcément partie liée à l’effet de style du plan-séquence : on ne peut pas les quitter des yeux. Synopsis : entre le début et la fin du plan-séquence de trois minutes et cinquante-six secondes, on voit des filles débouler dans une soirée mondaine où personne ne les avait invitées, foutre un bouzin monstre telle une tornade incontrôlable et multicolore, et sitôt leur forfait accompli, repartir en courant et en riant vers d’autres aventures, dans un autobus à impériale, sans même payer leur ticket, à tous les coups. C’est un summum de pop music et pourtant, résumé ainsi, c’est du pur punk.
Allez, je me le regarde encore… Oui, ça marche. Sérieux, je vais un peu mieux qu’il y a trois minutes et cinquante-six secondes.
« Plaisir coupable » ? Mais pourquoi ai-je commencé sottement par ces mots ? Que peut-il y avoir de coupable à se laisser envahir par cette joie-là ? Vivent les Spice Girls ! Et vivent les filles EN GÉNÉRAL, c’est ça le truc ! Leur message politique depuis 26 ans, Girl power !, est bien sûr simpliste mais il n’est pas niais, pas du tout, et d’ailleurs toujours d’une brûlante actualité, allez les filles, allez les girls, allez la moitié de l’humanité, n’attendez pas qu’on vous invite, prenez le power et tant que vous y êtes prenez le pouvoir à Londres, en Iran, en Afghanistan, mais oui partout s’il vous plaît, débarquez et détournez la party !
Le Fond du Tiroir vous souhaite une année 2023 pleine de girl power.
Edit 2025 : je trouve la même joie trépidante du plan-séquence, la même anarchie soigneusement chorégraphiée, la même traversée des intérieurs et des extérieurs anglais… dans ce Rock DJ génial extrait de Better Man qui, s’est évident, a pris Wannabe pour inspiration. Simplement ce sont cinq garçons (dont un singe) au lieu de cinq filles donc c’est un tout petit peu moins bien.
« Quand le drapeau se déploie, toute l’intelligence se retrouve dans la trompette. »
Cet aphorisme antimilitariste et antinationaliste m’enchante ! Et son usage est perpétuel, avant, pendant ou après je ne sais quel conflit armé, ou championnat du monde de baby-foot ou de pétanque. Toutefois un scrupule m’envahit. Je crains qu’il ne soit assez politiquement incorrect de manquer à ce point de respect à la trompette, instrument tout-à-fait estimable (coucou à mes camarades trompettistes, Micromégas, OSE, Mother Funkers etc.). Aussi, je présente mes sincères excuses pour mon comportement inapproprié à l’endroit du pupitre de trompettes, minorité subissant déjà de sévères discriminations et préjugés.
En tout état de cause et à toutes fins utiles, je précise que l’auteur de l’intéressant aphorisme ci-dessus n’est pas moi, mais Stefan Zweig. Petit tuyau Fond-du-Tiroir : il est très fertile et même hygiénique de lire un Zweig de temps en temps. Étant donné sa grande prolixité, il existe forcément près de chez vous un Zweig que vous ne connaissez pas encore et que vous serez content de connaître.
Certes, nul ne dispose en permanence, surtout vautrés tels que nous voici dans la magie de noël, de la disponibilité d’esprit et des nerfs rudement accrochés permettant de se cogner son pavé testament, le terrible Monde d’hier qui est mon préféré parmi sa bibliographie. Vous ferez ce que vous voudrez mais pour ma part je viens d’avaler en quelques minutes les 40 pages de L’uniformisation du monde, essai que Zweig publia il y a près d’un siècle dans la presse, et qui vient d’être réédité en version bilingue par Allia.
Zweig y vilipende l’uniformisation du mode de vie planétaire, en surface (modes, coiffures, goûts, danse, sport, cinéma, idées) et surtout au plus profond de nous : l’ennui ! Equation fatale : uniformisation = monotonie = ennui. Mais ennui à l’américaine, hystérique, avide de sensations, « instable, nerveux et agressif » . Zweig explique que la passion de l’esclavage est le moteur de cette uniformisation : « la guerre mondiale a été la première phase, l’américanisation est la seconde » .
Publiée en 1925, cette charge semble décrire internet et les réseaux sociaux des décennies avant leur invention, comme si l’esprit global, USA en tache d’huile, était préparé de longue date pour leur avènement.
« Il nous suffit de passer devant un panneau d’affichage dans une grande ville ou de lire en détail les batailles homériques des matchs de football pour sentir que nous sommes déjà devenus des outsiders, tels les derniers encyclopédistes pendant la Révolution française, une espèce aussi rare et menacée d’extinction aujourd’hui en Europe que les chamois et les edelweiss. »
Zweig snob ? Nostalgique ? Vaticinateur ? C’était-mieux-avant ? Méprisant pour ce qui est populaire, y compris le peuple ? Misanthrope et réac ? Vieux con ? OK boomer ? Vieux frère ? Pas du tout. Le texte a l’élégance de s’achever par un appel à se garder de tout mépris : « Ne nous consumons pas dans une distanciation méprisante, dans une résistance impuissante et stupide au monde » , et surtout par un appel à la joie, quête de chacun, de tous les temps, de tous les horizons et de chaque instant :
« Voici notre atelier, notre monde à nous, qui ne sera jamais monotone (…) C’est notre tâche, devenir toujours plus libres, à mesure que les autres s’assujettissent volontairement ! »
Pour le coup, voici un parfait message de noël. Joyeuses fêtes !
Éditeur et blogueur depuis avril 2008.
Treize livres au catalogue. Deux épuisés, onze en vente. Tous remarquables, achetez-les en lot.
Près de 800 articles à lire gratuitement en ligne. Pas tous indispensables, choisissez soigneusement.
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