Bipenne
Prière de trancher
Incipit à l’exposition Double tranchant
Médiathèque de Troyes, 15 octobre-31 décembre 2012
Inauguration pendant le 26e salon du livre jeunesse, 18-22 octobre
Premier temps : la lame.
J’ai bénéficié durant l’automne 2011, il y a un an tout juste, d’une résidence d’écriture à Troyes. La bibliothèque de la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière est rapidement devenue l’un des endroits de la ville où j’ai pris l’habitude de m’installer pour travailler. Sans doute, mon éphémère situation de « résident », solitaire, concentré, préoccupé par la simple beauté du geste cent fois remise sur le métier, me prédisposait à aimer cet endroit dédié au geste artisanal, autrement dit au génie humain. C’est donc ici qu’est né un texte, Double tranchant, monologue d’un coutelier, rêverie sur l’artisanat autant que sur le rôle symbolique des couteaux dans l’histoire des hommes.
Créer un couteau, c’est créer de la culture, et réciproquement : ce qui n’était qu’une intuition a été confirmé par l’étymologie. « Couteau » et « culture » sont cousins, tous deux issus du verbe latin colere, cultiver, via le coutre, partie tranchante du soc de la charrue.
Deuxième temps : le manche.
Le texte s’est ensuite incarné dans les illustrations de Jean-Pierre Blanpain, partenaire de jeu idéal. Lui-même perpétuel et malicieux artisan, il a décidé que « la forme rejoindrait le fond » et qu’il produirait les images « en les coupant », c’est-à-dire qu’il a opté pour la technique de la linogravure. Sa magnifique série de linos noir et rouge tantôt colle au texte, et tantôt s’en éloigne, ne retenant que la légende dorée ou noire des couteaux (Charlotte Corday, l’un des motifs de sa série, est une marotte qui lui est personnelle, elle n’apparaît pas dans mon texte.)
Troisième temps : les rivets, pour faire tenir ensemble le manche et la lame.
Textes et dessins ont été confiés à un dernier cercle d’artisans, le Centre de création pour l’enfance de Tinqueux. J’ai hâte de revenir à Troyes pour découvrir cette exposition. Si j’ai le temps, j’irai aussi faire un tour à la Maison de l’Outil.
Fabrice Vigne, septembre 2012
Miam miam miam !