Echoppe bonus
L’Echoppe enténébrée (70 exemplaires écoulés sur un tirage de 260) comprend vingt-six articles. En voici un vingt-septième, déballé dans l’arrière-boutique.
Rêve de la reformation des Beatles
Vendredi 22 février 2008
Je me trouve dans un centre de vacances en été, comme quand je faisais des colos. Une réunion se prépare, préparation ou débriefing des animations en cours, et je suis tenu d’y assister. Nous nous retrouvons dans une sorte de salle des fêtes un peu délabrée, un peu miteuse, qui ressemble à la salle polyvalente des Saillants du Gua, dans une lumière très crue. Le but de cette réunion est la reformation des Beatles. Un cercle de chaise en plastique a été aménagé, nous nous asseyons, tout le monde est en short, en T-shirt, en sandales, il fait très chaud. Je remarque la présence des deux Beatles survivants, George Harisson et Ringo Starr [dans la réalité les deux survivants ne sont pas tout à fait ceux-là], qui sont là pour recruter les deux nouveaux membres. Je surprends des conversations, et j’apprends que je suis pressenti pour tenir la batterie dans la nouvelle formation. Je suis très embêté, parce que je n’ai jamais joué de batterie de ma vie, mais faire partie des Beatles, c’est quand même une sacrée occasion, ce serait dommage de louper ça, ça ne se refuse pas. J’échafaude des stratégies, je peux toujours leur dire oui maintenant, et ensuite proposer de jouer du tuba à la place de la batterie. Nous faisons un tour de table (il n’y a pas de table). Quand arrive mon tour, je me présente, « Fabrice Vigne, je suis né en 1969 »… Là-dessus Harisson sourit et glisse à l’oreille de son collègue : « Ah, 1969 ! Tu te souviens ? Nous étions en Inde. » Je suis très impressionné, mais je suis apparemment le seul dans l’assistance. Peut-être que toutes les personnes présentes dans cette salle des fêtes étaient elles aussi en Inde en 1969 ?
Soudain, je trouve saugrenu qu’on me propose la batterie alors que Ringo Starr est vivant, et même assis juste à côté de moi. Il semble deviner mes pensées et me donne une tape amicale sur l’épaule en me disant : « T’inquiète pas, tout va bien se passer ». Qu’est-ce qu’il est sympa, ce Ringo Starr. J’espère qu’il va me donner quelques tuyaux, pour la batterie. Je vais essayer de m’asseoir à côté de lui à la cantine.
Je me réveille.
Pas mal celui-là aussi !
Où as-tu déniché cette photo de Thomas Fersen ? Moi qui connais tout de lui, celle-ci je ne l’avais jamais vue…
Dimanche 6 juillet 2008 :
Le concert vient de se terminer. Il faut absolument que j’aille dire à Cali à quel point sa prestation m’a touché.
Je file en direction des loges et pénètre dans un vaste espace bétonné aux allure de parking souterrain.
Quelques individus discutent par groupes de 5 ou 6 ; des enfants jouent.
J’y retrouve Fabrice. Il n’a pas assisté au concert alors je lui raconte. Je lui raconte Cali et son mégaphone en train de faire chanter le public, je lui raconte les milliers de mains levées vers le ciel et tapant en rythme, je lui raconte la ferveur de « Elle m’a dit », l’émotion à fleur de peau pendant « Comme j’étais en vie »… Je lui raconte Cali descendant au milieu du public, fendant la foule, grimpant sur un échafaudage pour atteindre la poursuite et la braquer sur les spectateurs, sautant sur une estrade réservée aux personnes en fauteuil roulant et gratifiant chacune d’elle d’un baiser sur chaque joue puis retraversant la foule dans l’autre sens, à plat ventre, porté à bout de bras par le public, jusqu’à la scène.
Fabrice reste sceptique, visiblement pas convaincu par l’intérêt de la chose. Je ne sais comment le convaincre.
C’est alors que déboule Cali, les cheveux collés par la transpiration, les traits tirés mais le regard encore empli de tout l’amour qu’il a reçu.
Je m’approche de lui, pose ma main sur son épaule, le félicite chaudement pour sa prestation et me retourne vers Fabrice pour faire les présentations. Fabrice tend une main un peu molle, traduisant par la même un certain désintérêt pour ne pas dire un désintérêt certain. Ces deux-là n’ont vraisemblablement rien à échanger.
Nous nous asseyons sur un canapé rouge au milieu de cet abri en béton. Je reprends la parole, remercie Cali pour le bonheur qu’il m’a donné, la générosité dont il a fait preuve à l’égard du public, l’intégrité de son engagement, la magnificence de son attitude sur scène…
Pendant que je débite mes compliments au kilomètre, Fabrice regarde à droite, à gauche, en l’air, feint de n’être aucunement concerné par la discussion… c’est tout juste s’il ne se lime pas les ongles !
Je sens le découragement m’envahir…
Je me réveille.
Lumières :
J’ai assisté avec mon fils à un formidable concert de Cali, la veille au soir.
Fabrice m’a avoué la semaine dernière qu’il n’était pas du tout emballé par le dernier album de Cali.
J’éspère au moins que la cantine est bonne !