Accueil > En cours > Je n’irai pas à l’Alhambra (Troyes épisode 21)

Je n’irai pas à l’Alhambra (Troyes épisode 21)

J’ai beaucoup regardé mais peu photographié, depuis que je suis à Troyes. Ci-dessus la toute première vision qui m’a obligé à m’arrêter en pleine rue pour dégainer l’appareil photo. Ce n’est certes pas un rutilant colombage cher à M. Barouin, c’est l’Alhambra désaffecté. Pas très glamour, hein ? Mais émouvant.

Moi qui ai appris a déchiffrer le monde sur des grands écrans… qui ai longtemps travaillé dans des cinémas, en cabine ou en caisse mais en salle dès que possible afin de comprendre encore et encore de quoi ce monde retourne… qui m’adonne toujours de loin en loin à la projection en bénévole parce que je n’ai rien trouvé d’équivalent au rituel de la salle qui s’éteint et de l’écran qui s’allume… qui pour tout dire suis joliment fier, moi si peu manuel, de savoir manipuler un projecteur 35 mm… Rien ne me brise le coeur comme un cadavre de cinéma. Oh, je sais bien qu’il en existe de bien plus graves et urgents, des symptômes de l’éradication de ce qui est collectif en ce début de siècle, mais le cinéma, c’était les yeux levés sur un horizon repeint, c’était beaucoup. 

Le cinéma, art des fantômes par excellence, tourne spectre lui-même. Cette devanture de rêve décati sera sans doute prochainement ravalée comme un chagrin, et on lui substituera une foutue agence de téléphonie mobile, ou une assurance, ou une pharmacie. Ou peut-être une boutique de home vidéo, pour joindre l’ironie à la désolation.

Troyes, ville indéniablement vivace sur le plan culturel en regard de sa taille, n’est décevante que dans un domaine : le cinéma. L’offre cinématographique troyenne est toute entière (ou alors j’ai mal cherché, mais je ne crois pas) ramassée en un seul multiplexe, soit un bunker climatisé, décentré et accouplé à l’Hippopotamus, dix salles avec fauteuils complets de leurs réceptacles à pop-corn, distribution de lunettes 3D pour sauver les blockbusters de la platitude, et, puis, c’est, tout.

Aujourd’hui mercredi sortent deux films français que j’ai très envie de voir, l’Appollonide de Bertrand Bonello et le Cochon de Gaza de Sylvain Estibal (que j’aime bien en tant qu’écrivain, alors qui m’intrigue en tant que cinéaste). Ces deux films ne sont pas programmés à Troyes. J’en brandirais presque mon appareil photo d’indignation, mais pour photographier quoi ? Les réclames pour les boutiques et restaurants régionaux, diffusées dans le multiplexe avant chaque film, anachronisme dans ce temple moderne ? « Nous sommes les spécialistes du marbre sur Troyes depuis plus de vingt ans »… Ah oui, tiens, c’est une idée, je vais m’acheter du marbre

(Londonomètre : 54, à cette heure-ci. Je réajusterai ce soir.)

  1. MC
    17/10/2011 à 17:46 | #1

    Bonjour,
    En villégiature sur votre blog (indiqué par une collègue vous ayant rencontré hier à propos d’une exposition photoroman et peut-être une rencontre) je me permets de signaler que L’Apollonide passe à Troyes ces jours – dans le bunker.
    Sinon, bien d’accord avec l’indigence de la programmation locale…
    MC

  2. 17/12/2011 à 23:21 | #2

    Bonjour,
    je partage votre point de vue sur le cinéma à Troyes,
    merci de garder un oeil sur mon blog récent, mimitoucour.com et de le faire circuler… merci…voir librement un film à Troyes, c’est possible…

  1. Pas encore de trackbacks

*