Raconter une histoire
Merci à Yann de m’avoir incité à lire le discours de Le Clézio à l’occasion de la réception de son Nobel, discours d’une très grande richesse (merci au même Yann pour son commentaire définitif et fulgurant, « Le Clézio est trop parfait »).
L’un des sommets de ce texte qui ne manque pas de relief consiste dans l’apologie des contes, des conteurs (et surtout d’une conteuse) – hommage appuyé à la littérature orale, à la fois paradoxal sous la plume de l’impétrant de la plus prestigieuse récompense couronnant la littérature écrite, et tout naturel : tout naît, semble-t-il, de l’art de raconter, art primitif et premier, précédant les égos encombrants des modernes « auteurs ».
Hasard objectif : j’ai découvert ce discours quelques jours après avoir profité de l’enseignement d’une conteuse, Nathalie Thomas (photo ci-dessus). Lors de la formation qu’elle nous a dispensée, de sa bouche à nos oreilles se sont écoulées maintes idées et, surtout, maintes histoires. Elle nous recommandait d’utiliser ses contes, de nous les approprier et de les transmettre, de les faire vivre à notre tour en direction d’autres oreilles ; ce que j’ai fait. L’une de ces histoires, celle de L’Homme qui cherchait sa chance, m’a tellement plu que je l’ai dite plusieurs fois, et puis, finalement, écrite.
Et c’est ainsi que le Fond du Tiroir, seul blog au monde qui publie un article le 25 décembre sans vous souhaiter Joyeux Noël, vous offre nettement mieux en lieu et place : une histoire.
« Il était une fois un homme qui se lamentait de sa malchance. « Qu’ai-je donc fait pour être si démuni ? Qu’ont-ils de plus que moi, tous ceux-là qui réussissent leurs affaires, leurs amours, et leur vie toute entière ? La chance, seulement la chance ! Ils ont la leur, mais où est la mienne ? Je donnerais tout pour connaître le secret de leur chance… Hélas que donnerais-je, puisque je n’ai rien ! Je n’ai rien puisque je n’ai pas de chance. Qu’ai-je donc fait pour être si démuni ? Où est ma chance ? », et ainsi se lamentait-il à longueur de journée.
Un jour la rumeur parvint à ses oreilles qu’un grand et vieux sage, ridé, plissé, chenu, logeait derrière la forêt. Ce sage, grâce à sa longue expérience, grâce aussi sans doute à certaines facultés plus occultes, était disait-on capable de répondre à n’importe quelle question, d’accéder à n’importe quelle requête. « Je pars à sa recherche ! Ce sage seul, s’il existe, saura m’indiquer où est ma chance ! »
L’homme se met en route, pénètre la forêt, et rencontre un loup qui se morfond.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi te morfonds-tu, ô loup ?
– Parce que je n’ai plus d’appétit. Qu’est un loup sans appétit ? Je suis un loup en vie, mais aussi bon que mort. Connais-tu le moyen de me rendre mon appétit ?
– Cesse de te morfondre. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».
L’homme se remet en route, pénètre la forêt plus avant, et rencontre un arbre qui gémit.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi gémis-tu, ô arbre ?
– Parce que mes bourgeons ne poussent plus. Qu’est un arbre sans bourgeon ? Je suis un arbre en vie, mais aussi bon que mort. Connais-tu le moyen pour que mes bourgeons poussent à nouveau ?
– Cesse de gémir. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».
L’homme se remet en route, pénètre la forêt plus avant, et rencontre un jeune fille qui pleure.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi pleures-tu, ô jeune fille ?
– Parce que j’ai perdu mon sourire. Qu’est une jeune fille sans sourire ? Je suis une jeune fille en vie, mais aussi bonne que morte. Connais-tu le moyen pour que mon sourire à nouveau illumine mes lèvres ?
– Cesse de pleurer. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».
L’homme se remet en route, récapitule en esprit ses quatre requêtes, la sienne, celle du loup, celle de l’arbre, celle de la jeune fille, et sort de la forêt.
Juste à la sortie de la forêt, il voit une maison et, devant la porte, un très vieil homme, ridé, plissé, chenu, assis dans un fauteuil à bascule.
« Oh là, vieil homme ! Est-ce toi, le fameux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête ?
– Je serai celui-là si tu veux croire que je le suis.
– Alors j’ai quatre requêtes à te soumettre. Comment rendre l’appétit à un loup ? Des bourgeons à un arbre ? Un sourire à une jeune fille ? Et moi, où est ma chance ?
– Tu diras au loup ceci : il a perdu son appétit parce qu’il souffrait trop de ne dévorer que de belles et bonnes choses – il retrouvera son appétit dès l’instant qu’il aura mangé l’homme le plus bête du monde ; tu diras à l’arbre ceci : ses bourgeons ne pousseront pas tant que ses racines seront entravées – or ses racines sont à l’étroit à cause d’un coffre empli d’un trésor enfoui à son pied ; tu diras à la jeune fille ceci : elle retrouvera son sourire dès qu’elle rencontrera un amoureux qui acceptera de l’épouser ; quant à toi, rentre vite, car ta chance t’attend chez toi.
– Merci, vieux ! Je pars sur le champ ! »
Et l’homme retraverse la forêt en sens inverse, cette fois en courant.
« Jeune fille ! Arrête de pleurer ! Tu retrouveras ton sourire dès que tu rencontreras un amoureux qui acceptera de t’épouser.
– Ah oui ? Et toi, beau jeune homme ? Me trouves-tu à ton goût ? Car tu es au mien, assurément… Veux-tu m’épouser ? (et elle esquisse, pour la première fois depuis longtemps, un sourire…)
– Tu es très jolie, jeune fille, hélas je ne puis rester auprès de toi, je dois rentrer chez moi au plus tôt ! Ma chance m’attend chez moi. »
Et l’homme se remet en route, en courant.
« Arbre ! Cesse de gémir ! Tes bourgeons pousseront dès que tes racines seront libérées du coffre contenant un trésor, enfoui à ton pied.
– Ah oui ? Mais je n’ai pas de bras, beau sire. Veux-tu creuser la terre pour moi et déloger ce coffre de mes racines ? Tu pourras conserver ce trésor en souvenir de moi.
– J’aimerais te rendre service, arbre, hélas je ne puis rester auprès de toi, je dois rentrer chez moi au plus tôt ! Ma chance m’attend chez moi. »
Et l’homme se remet en route, en courant.
« Loup ! Arrête de te morfondre ! Tu retrouveras ton appétit dès que tu auras avalé l’homme le plus bête du monde ! »
Alors, sans plus attendre, le loup dévora l’homme et retrouva pour toujours son bel appétit. »
(Merci encore à Yann, premier lecteur et destinataire de ce morceau de littérature orale écrite.)
il me faut des histoires a raconter a des personnes agées d’une maison de retraite …; histoires courtes , et correctes , alors sur quel site puis-je cliquer pour les satisfaire
Merci de la part d’une bénévole bien ennuyée
Francine
Bonjour, Je m’apelle Solène, une éléve de seconde 1. Nous avons tous étaient contente que vous nous ayez parler de votre livre avec simplicité et émotions. Vous nous avez appris des choses grâce a vos explications. Merci pour tout. Au revoir et bonne continuation dans la littérature on voit vraiment que vous aimez sa et vous le faites partager :)
Je viens juste de lire votre histoire et je l’adore? Merci