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Intervenant en milieu scolaire

Cette nuit, j’étais censé jouer dans une école le spectacle Je t’embrasse pour la vie, lettres à des morts.

Je me demandais si c’était vraiment adapté à un public jeunesse, mais bon, pour une fois qu’on reçoit une commande, qu’on nous promet un cachet, on ne va pas cracher dessus, pas de fine bouche allons-y, va pour une école. Lorsque j’arrive sur place, j’apprends que c’est organisé dans le cadre d’une journée de sensibilisation aux handicaps. Ah, bon ? Mais quel rapport avec la guerre de 14 ? Oui, c’est vrai que beaucoup de poilus sont revenus handicapés mais tout de même, je me demande s’il n’y aurait pas un malentendu… Bon, je ne discute pas, je me prépare, j’enfile mon costume noir pendant que les enfants jouent dans la cour de récré. Mais merde, me voilà en solo pour un spectacle conçu en trio, mes textes à moi je les connais à peu près, mais ceux de Stéphanie ??? Ah tant pis, je n’ai plus le temps de réfléchir, je me débrouillerai, il faut juste que je vérifie que j’ai bien le bouquin original dans mon sac et pas seulement mes propres textes réécrits à la main. Et la musique, au fait ? Bordel, mais Tof et sa cornemuse ne sont pas là non plus ! Ah ben oui l’école n’avait d’argent que pour un seul cachet ! Qu’est-ce que je peux mettre comme musique à la place ? Attends voir ils ont quoi sous la main ? Sur le bureau de la maîtresse devant le tableau : un lecteur de CD, et c’est quoi les albums à disposition ? Steve Waring, Henri Dès… C’est pas du tout adapté, ça va faire un contraste très bizarre, je vous le dis tout de suite ça va être n’importe quoi cette représentation… Mais bon, il faut que je me répète que c’est payé, et que ça nous vaudra peut-être une meilleure invitation ailleurs, faut que j’ai le réflexe effet domino, ah au fait je les ai pris les flyers ? Plus le temps de finasser, je vois les parents d’élèves faire la queue devant l’entrée, certains ont des bébés dans les bras, ils ont tous l’air de bonne humeur, les pauvres ne savent pas ce qui les attend, je vais te casser l’ambiance, moi, ça va pas tarder, j’entends les flonflons et les boums-boums, les hauts-parleurs dans la cour de récré, en fait c’est la kermesse de fin d’année, je vois dans la cour un stand de tir sur boîtes de conserve, vite, il faut que j’invente un moyen de rattacher le spectacle à ce stand, inviter les parents d’élèves à tirer sur des boîtes de conserve pendant que j’énumère mes morts, un semblant de cohérence rétabli, ça pourrait marcher, allez on y va, aux grands maux…
Heureusement, sur ce je me réveille.

En guise de postface, par Christophe Sacchettini.

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