Comprendre
« Ce livre est la clôture d’une fresque familiale, commencée avec Eddy Bellegueule il y a 10 ans. Après cela, je n’écrirai plus le mot famille », a-t-il prévenu.
10 ans, sept romans, appelons-les comme ça, une famille au départ, une émancipation à l’arrivée. On peut, et pourquoi pas, commencer par la fin, puisqu’aussi bien elle parle du début : L’effondrement.
J’ai lu L’effondrement d’Edouard Louis.
Livre sur son frère.
Livre déclenché par la mort à 38 ans de son frère alcoolique, violent, délinquant, malheureux, homophobe, raté, mais qu’est-ce que ça veut dire raté, d’où vient-il le ratage.
Livre sur son frère qu’il détestait.
Je suis rentré dans le livre avec circonspection, je redoutais un magma de ressentiment. Le monde n’a pas besoin d’un magma de ressentiment supplémentaire. C’est salissant, à force. En tout cas moi, je n’ai pas besoin d’un magma de ressentiment supplémentaire, notamment de ressentiment familial.
Mais non, heureusement, ce livre n’est pas que cela. Il est aussi la volonté de comprendre. Phrase-clef : « Je détestais souvent mon frère, mais j’ai besoin de comprendre. »
Beau livre, tout compte fait. Littérature faite non pas d’un seul magma, mais de nuances, de recherche, d’introspection, d’images. Littérature authentique au sens où elle dépasse son propre sujet ; elle en fait une question, non une réponse.
Page 131 :
Elle [ma mère] a repris son souffle :
– Oui, il y a beaucoup de commerces pour un village aussi petit, c’est rare. C’est vivant.
Je ne savais s’il fallait parler de la mort de mon frère, ou s’il fallait détourner son attention pour la soulager du poids de ce qui venait de se passer. J’avais la sensation que toutes les phrases parlaient de mon frère mort, même les plus insignifiantes, sur la taille du village ou sur l’aspect des rues, puisque quand je parlais d’autre chose, je le faisais pour éviter de parler de mon frère, ce qui revenait à l’évoquer.
Il n’y avait plus de dehors.
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