Mais alors… Tout ceci n’était qu’un rêve ?
Non-non, malgré le titre, le présent article n’est pas une énième réclame pour mon Echoppe (toujours en vente, ceci dit).
Je viens de lire Les rêves de Pauline, le dernier roman de Chris Donner. C’est très mauvais, et cela me fait de la peine. J’ai dit ailleurs ma dette envers les romans de Chris Donner qui, parmi d’autres, m’ont fait dans les années 90 prendre conscience que la « littérature jeunesse » existait – et par conséquent m’ont ouvert une fenêtre sur un champ esthétique où je pourrais un jour m’ébattre. C’est dire si je guettais avec curiosité cette première oeuvre « jeunesse » de Donner depuis des années. Annoncé comme très différent de ses anciens livres, c’est, hélas, surtout différent parce que totalement loupé, « ni fait ni à faire ».
Les déboires de Pauline l’abeille sans ailes (le postulat est loin d’être sans intérêt) sont, en fin de compte, plats et artificiels, cousus de fil blanc. On a l’impression que l’Ecole des loisirs, trop contente de recevoir un nouveau texte de Donner, n’a pas effectué le moindre travail éditorial sur ce texte sûrement bâclé, truffé de phrases mal fichues et d’incohérences (le médecin change de nom au bout de dix pages… Personne n’a donc relu ?). Surtout, ce n’est pas intéressant. La fonction « fantaisiste » des rêves de Pauline est désespérément convenue : Pauline à la fin du livre, se trouvant dans une situation très angoissante, prisonnière des fourmis, sur le point de se faire dévorer, s’en tire en se réveillant soudain, et en faisant un gros câlin à la reine des abeilles, présente à son chevet. Car tout ceci n’était qu’un rêve.
Qu’opposer à ce Donner consternant ? Un autre Donner, stimulant, exigeant, orgueilleux, écrit dix ans plus tôt :
« Un jour, ils ont organisé un concours de rédaction de toutes les sixièmes du collège. Je suis arrivé deuxième. Ce qui m’a mis en colère, c’est quand ils ont affiché la rédaction du vainqueur dans le préau. Le type avait terminé en disant « Tout ceci n’était qu’un rêve ». Alors j’ai compris comment il avait gagné : grâce à cette pirouette, à cette astuce de petit prétentieux. J’ai compris que ce qui plaisait aux professeurs c’était l’invention, l’imagination, et surtout pas la réalité, surtout pas la vie telle qu’on essaie de la raconter. Alors ce jour-là, j’ai décidé de devenir écrivain. » Chris Donner, Je suis le chef de la révolution, L’Ecole des loisirs, 1998, pp 73-74.
Dans la foulée de ce récit autobiographique et programmatique, et sur le même sujet, Donner avait publié un pamphlet qui lui valut quelques attaques, Contre l’imagination. J’avais trouvé ce brûlot un peu forcé, un peu pénible, un peu délayé, (du reste je trouve les livres pour adultes de Donner systématiquement plus délayés, pénibles et forcés que ses livres pour enfants), mais au moins la thèse méritait d’être posée – c’était l’époque où l’autofiction était à la mode et prétendait se théoriser comme quelque chose de nouveau et de radical.
Personnellement, l’imagination, je suis plutôt pour. Mais si c’est pour en arriver aux Rêves de Pauline, je suis tenté de m’affirmer « contre l’imagination de Chris Donner » (on devrait, parfois, lire d’une traite le titre et l’auteur… On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset… Je pourrais tout aussi bien essayer sur moi-même : Voulez-vous effacer archiver ces messages de Fabrice Vigne ?, ben voyons, Les Giètes de Fabrice Vigne, ouhlà !). Ou alors, je n’ai rien compris à ce petit bouquin. C’est possible. Je veux bien qu’on m’explique.
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