Le livre ne s’use que si on s’en sert
Suites du livre sans fin, première partie.
Reconnaissances de dettes, livre fondamental et final du Fond du tiroir, a été imprimé l’été dernier, à 50 exemplaires seulement dans le but de garantir que nul stock ne me resterait sur les bras. Une petite année lui fut tout de même nécessaire pour écouler sa demi-centaine, or voilà qui est accompli, le 50e et dernier exemplaire a été vendu, adieu, adieu. Vérifiez chez vous : vous possédez le vôtre ? Merci, vous êtes mon ami(e). Vous l’avez et vous l’avez lu ? Merci infiniment, vous êtes mon ami(e) vrai(e), selon la définition classique due (oui « due » parfaitement, je dois tu dois il doit) à Elbert Hubbard : L’ami est celui qui connaît tout de vous, et continue cependant à vous aimer. Vous ne l’avez ni acheté ni lu ? Tant pis, trop tard, il faudra vous résoudre à vivre loin de lui. Vous vous débrouillerez très bien.
Comptant parmi les 50, l’ami Jean Avezou m’a d’innombrables fois interviouvé à l’antenne de RCF Isère, dans le cadre de sa chronique Les Rendez-vous culturels. Fidèlement, il m’a tendu son micro cette fois encore :
– On se fait une petite émission pour la sortie de ton dernier ?
– Mais, Jean, je ne sais pas si celui-ci s’y prête, serait-ce raisonnable, une émission sur un livre si introuvable qu’il n’existe pratiquement pas ?
– Oui, voilà justement ce qui m’amuse. Un entretien littéraire techniquement exempt de toute promo. Et puis tu sais quoi ? Non seulement on va l’enregistrer cette émission, mais on va attendre un peu avant de la diffuser, pour qu’elle soit ma toute dernière. Je prends ma retraite, cette retraite-ci du moins, je quitte la radio. Dernière chronique culturelle, lundi 29 mai 2017, elle est pour toi et ton livre caché, si tu la veux.
– Alors d’accord, je prends. Merci, Jean.
L’émission, sa dernière et ma dernière, cependant pas triste pour un sou, est écoutable ici.
Reconnaissances de dettes, écrit obsessionnellement durant 18 ans, est un chantier archéologique de chevet, un puzzle reconstituant pièce à pièce l’image d’un individu singulier qui, comme tout le monde, ne ressemble à personne (ouais, c’est de moi que je parle). En outre, la technique est libre de droit : ce livre si peu destiné à être lu est surtout conçu pour continuer à être écrit, puisque nombreux parmi les 50 lecteurs sont ceux qui m’ont dit « la lecture m’a donné envie d’écrire à mon tour, de rechercher mes propres reconnaissances », eh bien, je vous en prie, y’a qu’à s’baisser (mais c’est ça qu’est difficile, c’est pas pour les gens fragiles, air connu).
Reconnaissances de dettes est, au fond, un atelier d’écriture sur pattes et à ciel ouvert, j’en ai eu la confirmation en adaptant sa formule pour une classe de collégiens de Cognin (73) le mois dernier, aux bons soins du Labo des Histoires. Les collégiens ne m’avaient pas lu, et n’en avaient aucun besoin pour s’écrire eux-mêmes. Fouillez en vous, jeunes gens, pas en moi, et tentez d’écrire : à qui, à quoi, à quand et où, devez-vous ce vêtement sur votre peau ? Cette envie dans votre tête ? Cette expression dans votre bouche ? Ce prénom sur votre carte d’identité ? Cette conviction que vous clamez si fort que c’en est louche ? Et cette honte cachée tout au fond ? Rassurez-vous, vous ne serez pas obligés de lire à haute voix ce qui va apparaitre sur votre feuille. Oh, là, là, ressort fertile, je suis bien placé pour le savoir. S’il y a des amateurs parmi vous, je reconduirai cet atelier d’écriture à thème lors d’une masterclass, toujours orchestrée par le Labo des histoires, cette fois dans le cadre de Partir en livres, à Grenoble, parc Paul Mistral, le mercredi 26 juillet 2017, 15h.
(Suite et fin, demain ou après-demain, on verra.)
J’espère que tu m’as garé un exemplaire au chaud.