Transports, en commun
Je suis depuis toujours usager des transports en commun, et depuis 27 ans celui de la TAG, société de transports de l’agglomération grenobloise. Pour la première fois, j’ai adressé un petit courrier à cette auguste institution. Ci-dessous la correspondance qui en a découlé.
Chère TAG
Je t’aime beaucoup, je te fréquente quotidiennement, je tiens à te féliciter pour ton nouveau réseau, flambant neuf et indéniablement efficace… mais je suis au regret de te dire que tu m’affliges quand tu m’imposes, heure après heure, jour après jour, l’écoute de France Bleu Isère dans tes bus.
Depuis qu’elle est devenue, par ta faute, obligatoire, je ne supporte plus cette station. Je m’exaspère, trépigne et m’enrage sur mon siège, maudissant jusqu’au feu rouge qui retarde ma libération, quand je subis les enfilades de tubes des années 80 (France Gall, Lio ou même Jean-Pierre Mader), les jeux indigents camouflant des réclames pour des concerts navrants (ou le contraire), les tonitruants spots de pub des deux débiles de la Matmut ou d’autres tout aussi crétins, la bonne humeur forcée (alors Simone quel temps fait-il aujourd’hui à Saint Sulpice des Rivoires ? Il pleut ? C’est formidable !), les résultats sportifs des équipes locales (nationales aussi bien), voire l’horoscope aux heures de pointe (béliers : prenez soin de vos nerfs).
Las ! Tu me fais un peu rire (jaune), avec tes campagnes de pub, affichées dans les arrêts, promouvant le civisme élémentaire qui consiste à être discret dans les transports en commun, ou quand tu lances sur ton site même un sondage abordant ces questions… Car c’est bien toi la plus indiscrète ! La plus envahissante, la plus violeuse d’oreilles, la plus effrontée, la plus délinquante en somme, avec ta maudite France Bleu ! Quel exemple donnes-tu ! L’as-tu remarqué ? Plus tu balances France Bleu, et plus en réaction le brouhaha des voyageurs augmente – comment s’étonner que certains se sentent autorisés à diffuser, depuis leur téléphone portable, leur propre musique, privatisant l’espace sonore commun. Comme toi, ni plus ni moins.
J’ignore quels accords commerciaux tu as signés avec les pontes de la station de radio. Ceux-ci sont sans doute intéressants financièrement pour quelqu’un… Je formule cette hypothèse car je ne peux croire que tu nous infliges la radio par simple sadisme, ou que tu aies pu croire candidement que cette station locale « sympa » créerait du « lien social » consensuel dans les transports en commun… Mais du point de vue des usagers, de certains d’entre eux du moins, il est temps que tu saches que c’est une plaie. Les mieux protégés d’entre nous augmentent simplement le son dans leurs écouteurs, les autres rongent leur frein patiemment. Comme si la vie quotidienne des Français n’était pas assez difficile, avec la crise partout-partout !
Cette situation est également pénible pour tes propres chauffeurs, figure-toi : désormais, quand je monte dans le bus et que, contrairement à mes craintes, j’entends et savoure le silence, je souris, et je félicite toujours, en termes chaleureux, le chauffeur. Or parfois celui-ci me répond : « Ah, vous aussi vous en avez marre de France Bleu ? Imaginez un peu ce qu’on endure, nous c’est toute la journée ! » Plus inquiétant, le chauffeur me fait à l’occasion des confidences : « Normalement, on n’a pas le droit de couper, hein… On ne peut même pas baisser le son. Vous ne me dénoncerez pas, d’accord ? » Mais je dénonce le contraire, précisément !
Sache que, lorsque j’ai le choix, je privilégie un itinéraire où je peux voyager en tram plutôt qu’en bus, sans autre raison que celle-ci : dans le tram, on a la paix. On peut lire, ou réfléchir, bref on peut garder pour soi son « temps de cerveau disponible », si tu vois ce que je veux dire. Je te préviens que si à l’avenir tu décides de diffuser France Bleu jusque dans les rames de tram, sous prétexte d’accords commerciaux reconduits et encore plus juteux, je renoncerai définitivement à ma carte d’abonnement. La mort dans l’âme je reprendrai ma voiture. Mon moteur vrombira dans les rues et je chargerai comme une mule mon empreinte carbone. Tu auras cela sur ta conscience, je te le dis amicalement. Réfléchis bien.
Chère Tag, grosses bises,
Fabrice
Cher Monsieur,
Je vous remercie pour le mail que vous avez adressé à la Sémitag, pour le témoignage de satisfaction, mais surtout pour l’humour et le côté plaisant de vos remarques.
La radio à bord des bus était une demande forte d’une partie de la clientèle, mais nous constatons depuis quelque temps que cela ne répond plus au besoin de tranquillité de nos clients. Nous avions par ailleurs opté pour une radio généraliste qui transmettait également des informations concernant le réseau.
Pour reprendre votre expression, vous serez encore contraint de « rire jaune » pendant quelque semaines, voire quelques mois, mais j’ai cependant le plaisir de vous informer que la Sémitag a décidé de la retirer progressivement de ses véhicules le temps d’équiper uniquement les postes de conduite.
Je vous remercie de votre confiance et du plaisir que nous avons eu à vous lire.
Cordiales salutations.
Service Relations Clients
Cher Service Relations Clients,
Merci pour cette réponse aimable.
Un aveu : je vous précise que ma menace de renoncer à mon abonnement annuel n’était que du bluff !
En réalité, je l’ai renouvelé, pas plus tard qu’hier, pour l’année 2014-2015.
Donc à bientôt, et cordialement,
Fabrice Vigne
Oh cher Fabrice que je vous comprends, ce matin, à la caisse de mon supermarché préféré, je me disais qu’il y avait quelque chose de changé, eh bien, c’était la musique. Ou plutôt l’absence d’icelle ! Quel soulagement de ne plus entendre les chansons que je n’écoute pas d’habitude et les réclames pour telle ou telle promotion du jour. Bon, je ne me fais point d’illusions, lors de ma prochaine visite, les bonnes choses auront repris leurs cours et je subirai à nouveau la variété actuelle et passée. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à nous mettre des notes dans les oreilles ? Ou alors qu’ils fassent preuve d’originalité, qu’ils mettent FIP !
Amicalement,